jeudi 16 septembre 2010

Charm El-Sheikh 100914


Charm El-Sheikh, 14 septembre 2010. Poignée de main entre B. Netanyahu et M. Abbas devant la secrétaire d'Etat états-unienne Hillary Clinton. (AFP / POOL/Alex Brandon)




Les pourparlers directs 
Si certains doutent encore de la nature raciste de « l’État pour les juifs ou de l’État juif », selon que vous vous adressez à un intégriste religieux juif ou à un raciste laïque sioniste, il suffit d’examiner attentivement le débat israélien entourant la reprise des « pourparlers directs » entre Netanyahu et Abbas pour lever toute ambiguïté.

Dans ces quelques lignes, le journaliste Jacques Benillouche tente de résumer cette problématique entre les racistes laïcs et religieux au pouvoir en Israël : « Dans la reprise du dialogue avec les Palestiniens, la définition de l’État d’Israël pourrait bien être le point de blocage qui fera basculer la négociation. L'aile droite nationaliste et les religieux de la coalition du gouvernement Netanyahu insistent pour ouvrir le débat sur la nature juive de l'État d'Israël restée volontairement ambigüe depuis la naissance du pays en 1948. Ils veulent s’en servir comme d'un prétexte pour contraindre le gouvernement à cesser toute négociation jusqu’à obtention d’un engagement ferme des Palestiniens à reconnaître Israël comme État juif » (2). 
Et le journaliste de poursuivre :
En donnant une connotation purement religieuse à un État qui s’appuierait sur les lois de la Halakha, (3) les tenants de ce dogme combattent en fait les laïcs israéliens qui considèrent que leur identité s’exprime en dehors du rabbinat. Ces derniers préfèrent la notion « d’État des juifs » qui enlèverait toute référence à la religion (...). En cette période des grandes fêtes de Roch Hachana, le nouvel an, et de Kippour, la religion pèse sur un pays qui voit un demi-million de ses citoyens fuir vers des horizons étrangers pour échapper au poids des tenants du Livre sacré. Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, dont la conviction laïque est clairement affichée, s’est emparé de ce débat pour, en fait, vouer aux gémonies la minorité arabe qu’il n’estime pas loyale vis-à-vis de l’État d’Israël. Leader populiste d’une communauté d’immigrés russes qui ont perdu leurs repères juifs sous le régime soviétique, il multiplie les embûches juridiques pour tenter d’exclure les minorités de la nation israélienne. 


Durant sa campagne électorale, il avait remis en cause la citoyenneté des arabes d’Israël et avait proposé de les « transférer » vers le futur État palestinien. Il s’était déjà prononcé, avant tous les autres dirigeants, pour deux États pour deux peuples. En échange d’Oum El-Fahm, village arabe israélien, il avait proposé d’annexer des blocs d’implantations de Cisjordanie pour avoir « un État juif à 100% ». Il s’était alors senti encouragé par les sondages qui démontrent que 55% des juifs israéliens pensent que le gouvernement devrait encourager l’émigration des arabes et que 50% prônent leur transfert. Il avait alors affirmé : « Selon moi, pour obtenir une paix et une sécurité à long terme, nous devons opérer une véritable division politique entre les arabes et les juifs ».

Le journaliste se méprend donc sur les intentions véritables des uns et des autres. Les pourparlers directs entre Netanyahu et Abbas ne visent précisément qu'à cela : amener un représentant palestinien à se compromettre et à parapher une entente qui affirmerait la reconnaissance explicite de l’existence d’un État raciste – israélite – sur les terres ancestrales palestiniennes.

Le différend en cours en Israël porte sur la formulation raciste religieuse ou raciste laïque du parchemin à imposer au Président Abbas. La question de l’étendue du bantoustan qui sera laissé en gestion à l’Autorité palestinienne (22% ?) et en corollaire de l’étendue définitive de l’État d’apartheid israélien (78 % ?) est une question subsidiaire qui sera tranchée plus tard après avoir obtenu la capitulation totale des Palestiniens et la signature de leur propre renonciation définitive à leurs droits fondamentaux (droit de retour, droit d’occupation et d’exploitation de leur terre ancestrale, droit de se défendre, droit de résistance, etc.).





Benjamin Netanyahu a déjà choisi son camp et l’affiche clairement, le Premier ministre israélien a compris que la survie de l’entité sioniste est conditionnée par la reconnaissance d’un bantoustan palestinien portant le nom d’État palestinien : « Benjamin Netanyahou n’est pas particulièrement éloigné de ces thèses. Dans son discours du 14 juin 2009 à l’université de Bar Ilan, reflétant un large consensus, il avait présenté sa vision politique de la résolution du conflit. Il avait exprimé son empressement à « voir un État palestinien établi à côté d’un État juif à condition que les Palestiniens reconnaissent l’État d’Israël comme la patrie nationale du peuple juif ». Il a réitéré ses propos face à Mahmoud Abbas le 2 septembre : « Nous attendons que vous reconnaissiez Israël comme l'État- nation du peuple juif » (4). Netanyahu est concis : pas d’État pour les Palestiniens à moins d’un État pour les juifs exclusivement. Soulignons au passage que l’un des concepts réfère à un peuple, une nation (palestinienne) tandis que le second réfère à un groupe religieux qui ne constitue ni une race, ni un peuple encore moins une nation (juive).
Apartheid ou transfert ?
Israël, qui n’a pas de Constitution, est régi par quatorze Lois fondamentales votées par la Knesset. De nombreux juristes estiment qu’il n’est pas nécessaire de légiférer à nouveau puisque la dixième loi votée en 1992, intitulée « Dignité humaine et liberté » stipule que « l'intention de cette loi est de protéger la dignité humaine et la liberté, pour établir dans une loi fondamentale les valeurs de l'État d'Israël en tant qu'État juif et démocratique ». Ces juristes n’ont pas compris que la validité de cette dixième loi israélienne dépend de la renonciation des Palestiniens à leur droit fondamentaux sur la terre palestinienne et à leur acceptation de l’entité raciste israélienne, c’est ce que recherche Netanyahu par ces pourparlers.

Le Centre juridique palestinien ADALAH (5) indique qu’au moins dix, parmi les quatorze lois fondamentales israéliennes, sont autant de lois discriminatoires d’apartheid (6), les lois sur le droit foncier et la propriété de la terre, les lois sur les droits civils et politiques, la loi fondamentale relative à la Knesset, la loi relative aux conseils généraux, les lois concernant les droits économiques et sociaux et certaines lois relatives aux procédures pénales (7).




Le journaliste Jacques Kupfer résume en quelques phrases le point de vue sioniste radical dans tout ceci : « Quand aurons-nous enfin un premier ministre qui, mettant une kippa sur sa tête, prendra en main la Bible et, au Caveau des Patriarches à Hébron, déclamera « urbi et orbi » la promesse divine faite à nos Pères et la continuation de l’entreprise grandiose sioniste ? A quand un premier ministre qui mettra sur la table de négociations la seule matière digne d’être discutée: l’échange de population effectué entre les fils d’Israël sortis des pays arabes en abandonnant leurs richesses et les squatters arabes sur notre terre qui ont réussi à faire pousser le désert et cultiver le sable ? » (8).





Apartheid – transfert et réconciliation nationale palestinienne ?

Dans un tel contexte il est assez inquiétant de lire que les reporters arabes font état d’un certain nombre de rencontres en coulisses, l’une d’elles entre Ismael Haniyeh (Hamas) et Sakhr Bassisso, membre du FCR (Conseil Révolutionnaire du Fatah), qui est venu de Ramallah à Gaza pour représenter le président Mahmoud Abbas aux funérailles. « Une fois la réunion rendue publique, Haniyeh a appelé dans son discours la direction du Fatah à hâter la tenue d’un dialogue avec le Hamas afin d’en terminer avec les divisions en Palestine. Bassissi a immédiatement donné son accord pour que bientôt ait lieu une réunion bilatérale entre les deux groupes. » (9).
La réalité sur le terrain est toute autre, comme le constate Kayed Al-Ghoul, membre du comité central du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), le Fatah et les leaders de l’OLP, ont transféré les efforts menés en vue d’une réconciliation inter-palestinienne vers les négociations directes avec Israël.
« Non seulement la direction de l’OLP a donné le droit à Israël de prendre davantage de terre en donnant son accord pour redémarrer des négociations directes, mais elle a aussi avec cette décision effacé tout espoir de dialogue national », a déclaré Al-Ghoul à Al-Ahram Weekly. Pour lui, « la relance des pourparlers est le résultat de la pression exercée par les États-Unis et elle aggrave la fracture inter-palestinienne ; en effet, en décidant de se lancer dans des négociations directes sans consultation de toutes les factions palestiniennes, le Comité Exécutif de l’OLP a accentué les divisions et a pris des décisions de façon personnelle et unilatérale. » (10).
Le mot de la fin revient à Mekhemar Abu Saada, professeur en science politique à l’université Al-Azhar de Gaza, qui pense que pour l’instant, il n’y a aucune base pour une réconciliation palestinienne : « Nous devons admettre que nous avons atteint le point de non retour en termes de réconciliation. Le Hamas et le Fatah ont imposé de facto des réalités sur le terrain à Gaza et en Cisjordanie. Il est impossible aux deux groupes de revenir à la situation qui prévalait il y a trois ans. La situation actuelle ne laisse place à aucune réconciliation, même artificielle, à cause du gouffre qui sépare les deux groupes. » (11). Effectivement, il n’est pas approprié que les forces de la résistance négocient la réconciliation nationale avec ceux qui accréditent l’entité sioniste et ses visées sur la terre palestinienne et qui songent sérieusement aux transferts de population.



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