vendredi 17 septembre 2010

Situations de vie inextricables : Monique Etienne

POUR LA PALESTINE
Situations de vie inextricables : Monique Etienne

Même si la société palestinienne ne plie pas sous les coups de boutoir de l’occupation israélienne, elle n’a jamais été aussi atomisée. Pour la première fois depuis la création de l’OLP en 1965, l’unité nationale, axe fondamental de l’idéologie palestinienne de résistance, est sérieusement menacée. La cassure entre les mouvements de résistance, morcelés, et le mouvement national, sans leadership, est à l’œuvre. L’absence de perspective place l’Autorité nationale palestinienne en situation d’otage, tandis que le Hamas s’enfonce dans une impasse.  Un reportage de Monique Etienne.

En apparence on circule mieux en Cisjordanie. Un mieux relatif car l’armée israélienne contrôle tous les points stratégiques   ̶  Comme par hasard aux abords des colonies  ̶    et les Palestiniens ne peuvent circuler que sous le bon vouloir de l’occupant. Ce qui me frappe, « c’est cette banalisation du mal », cette espèce de « normalisation » de l’occupation. On gère le normal en institutionnalisant « l’anormal ». O, n’en finirait pas d’égrener les tragédies quotidiennes, les situations de vie inextricables. L’armée israélienne contrôle tous les aspects de la vie des Palestiniens   ̶  la circulation, l’économie, la vie sociale, le marché  ̶   avec un minimum de déploiement. Sans parler de la colonisation qui s’étend insidieusement. Chaque fois de nouvelles implantations : quelques mobil homes posés sur une colline et aussitôt l’installation électrique arrive révélant la duplicité du gouvernemnt israélien. Sans parler de l’extension naturelle des blocs de colonies : Ehoud Olmert vient d’annoncer la construction de 20 000 nouveaux logements. Le mur, les colonies, les routes sont des outils de la colonisation pour casser la continuité territoriale de la Palestine. La politique brutale de Sharon n’est plus nécessaire…
Maintenant, on rejoue Oslo en créant des îlots… En témoignent les panneaux installés récemment à l’entrée des villages palestiniens : « Vous entrez dans une zone palestinienne… »

La normalisation de l’occupation
Selon Michel Warschawski (journaliste écrivain israélien, directeur du Centre d’information alternative de Jérusalem) : « L’objectif est spatial : comment israéliser le maximum de terrain et assurer la continuité de la présence juive de la mer au Jourdain. Les israéliens savent que le déséquilibre démographique ira en s’aggravant. Ils savent (excepté quelques farfelus qui rêvent encore de transfert) que les Palestiniens sont là et ne partiront pas. »
Il est en effet rassurant de constater que contre vents et marées la résistance continue. Dans cette situation ingérable, les Palestiniens tiennent bon. Avec cette patience admirable, ils vont au travail ; ils se déplacent ; ils ne plient pas. Ils sont là tout simplement, construisant partout où c’est possible des solutions de survie, gérant la pénurie, maintenant la cohésion familiale et sociale d’une société menacée de désintégration.

Une résistance sans leadership politique
Dans les villages, des îlots de résistance se mettent en place. Les femmes, les agriculteurs s’organisent. Le Programme de développement des coopératives d’huile d’olive prend de l’am- pleur et rassemble toujours plus d’oléiculteurs motivés. Des solidarités se poursuivent contre le mur. A Qaffin, dans la région de Tulkarem, début février, les anti-colonialistes israéliens sont venus aider les villageois à replanter 1 500 oliviers de l’autre côté du mur. Bil’in est un modèle de résistance locale réussie qui n’arrive malheureusement pas à impulser une mobilisation nationale.
Car c’est là que la politique israélienne à marqué des points : ces mouvements de résistance demeurent éclatés. La société palestinienne est plus atomisée que jamais. Pire : il existe une cassure entre le mouvement national palestinien en crise et les mouvements de résistance.
Samia Bamya (ex-vice-ministre des Affaires étrangères et fondatrice de la Commission internationale des femmes pour une paix juste.) constate que : « Le mouvements national traverse la crise la plus grave depuis la création de l’OLP en 1965 qui à su préserver l’unité nationale des Palestiniens. Pour la première fois nous sommes bloqués. Les conditions subjectives au sein du mouvement national ne sont pas encore mûres pour proposer un programme alternatif crédible. Les forces dites « de gauche » n’ont rien à proposer. Elles ne savent qu’être contre et jouer au missionnaire entre le Fatah et Hamas. Et pendant ce temps, nous sommes en train de perdre des soutiens de la communauté internationale car l’histoire n’attend pas. »
Cette absence de perspectives rejaillit en boomerang sur le mouvement pour la paix en Israël et sur les mouvements de solidarité dans le monde. Il faut partir d’une évidence, explique Michel Warschawski : « il ne peut y avoir de mouvement israélien anti-guerre indépendamment de la Résistance Palestinienne. Notre mouvement qui était un mouvement de masse au moment de la guerre du Liban et pendant la première Intifada n’existe plus. Le mouvement a toujours fonctionné selon le principe de la petite roue entraînant la grande roue. Le noyau anti-colonia- liste, indépendant de la situation, est toujours mobilisé. Mais il n’y a plus de grande roue pour assurer le relais parce qu’il n’y a plus de mouvement profond de l’opinion israélienne. Il n’y a plus non plus de pressions internationales. »
Même si la crise politique du mouvement national palestinien est, surtout, le résultat du lâchage de l’Europe contribuant, en se ralliant au boycott israélien et américain, à l’affaiblissement de l’OLP et de Mahmoud Abbas et à la mort du processus d’Oslo, il n’empêche qu’elle pèse sur les capacités de mobilisation des mouvements de solidarité.
Samia Bamya pense que la période d’une Autorité palestinienne par intérim est arrivée à son terme. «  Le paradoxe vient du fait que L’Autorité Nationale palestinienne est traitée comme un Etat souverain… En principe nous avons une Autorité ; mais une fois que le robinet de l’aide internationale à été fermé, que la vallée du Jourdain est annexée, que le mur et les colonies ne finissent pas de s’étendre, que Jérusalem est ferme aux palestiniens : de quelle Autorité parle-t-on ? Est-ce que cette autorité a encore un sens pour le mouvement national palestinien ? Une question encore plus compliquée par la séparation entre Gaza et la Cisjordanie. Que faut-il faire ? Je ne sais pas. Quand on parle de nouvelles élections je souris… On va voter sous occupation contre la mauvaise gestion d’une Autorité palestinienne qui n’a jamais eu les moyens de sa politique. Les Palestiniens on voté Hamas pour le changement et les réformes. En quelques mois, Hamas a gâché ses cartes… La crise est complexe et nourrie par Israël et par la stupidité ou lâcheté de la communauté internationale. Hamas a été élu pour essayer une autre option. Les sanctions internationales et le boycott ont empêché l’opportunité qui nous offerte après les élections de révéler la vraie nature du Hamas en lui laissant gérer le pays. Cette politique a au contraire renforcé les radicaux du Hamas qui sont désormais ses seuls porte-parole. 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire