Regain de tension avant un
« Printemps de Gaza » ?
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31/03/2012 - 09:06 ]
Sarah Mousa - Al Jazeera
Les griefs des
Palestiniens peuvent entraîner une réaction encore plus forte que dans les
autres pays du Printemps arabe.
Funérailles d’un
combattant palestinien tué par les Forces israéliennes en 2000 (début de la
deuxième intifada)
Le Caire - Tandis que les
soulèvements arabes étaient inspirés au moins en partie par le silence, voire
la complicité de gouvernements arabes quant aux aux souffrances du peuple
palestinien, les événements des dernières semaines ont montré que peu de choses
ont changé. Les Gazaouis se sont accoutumés à vivre dans des conditions
désespérées, en particulier depuis le blocus international de 2006 du
territoire, à la suite de la victoire du Hamas aux élections législatives.
L’opération israélienne
Plomb Durci de décembre 2008 à janvier 2009 - connue dans le monde arabe sous
le nom de Massacre de Gaza - a dévasté la bande, faisant au moins 1.400 morts
et marquant le territoire et ses habitants, physiquement et physiologiquement,
d’une manière qui demeure tangible pour tous ceux qui vivent à Gaza ou s’y
rendent en visite.
Ces opérations militaires
et l’échec des gouvernements arabes à conduire une riposte font enrager le
public arabe. Le gouvernement égyptien a été une cible particulièrement visée
par cette indignation. La chute de Moubarak n’a cependant pas entraîné les
changements globaux que le peuple espérait. Les événements de ces dernières
semaines dans la bande de Gaza, notamment la longue crise du carburant et les
frappes de l’aviation israélienne illustrent que le Printemps arabe jusqu’à présent
a échoué à transformer la politique régionale en ce qui concerne le conflit
israélo-palestinien.
La crise actuelle concerne
l’entrée de carburant à Gaza par les tunnels souterrains depuis la péninsule
égyptienne du Sinaï. Ces tunnels sont cruciaux pour la survie des habitants, et
l’activité commerciale passant par ces tunnels a considérablement augmenté
depuis le début du blocus, qui a virtuellement paralysé la production locale.
Pour certains les tunnels sont importants comme source d’emploi, spécialement
parce que les alternatives sont largement limitées aux partis politiques ou aux
organisations non gouvernementales.
Survivre
Bien que le chômage soit
élevé à Gaza, les salaires procurés par les groupes politiques du Hamas et du
Fatah - lequel continue à verser des compensations aux loyalistes malgré leur
incapacité à travailler pour le parti basé en Cisjordanie - ainsi que par les
ONG, innombrables dans ce petit territoire, assurent l’essentiel de la survie
des populations. Les tickets de nourriture distribués par les ONG et les écoles
de l’Office onusien de Secours et de Travaux garantissent que les besoins
basiques d’une population souvent jeune sont souvent satisfaits.
Habituellement le
vrombissement des groupes électrogènes utilisés au cours des coupures
quotidiennes d’électricité et le bourdonnement des drones israéliens sont
omniprésents. Mais ces dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes
pour les Gazaouis. Une crise du carburant commencée mi-février a laissé les
habitants privés du carburant nécessaire pour faire fonctionner leurs groupes
électrogènes, et les coupures qui en ont résulté durent jusqu’à 12 heures ou
plus par jour. Avant la crise, la principale source de carburant pour Gaza
était l’importation clandestine d’Egypte. Le gouvernement du Hamas, qui reçoit
peu de fonds, taxe lourdement tous les biens arrivant par les tunnels, y
compris le carburant.
Un différend avec le
gouvernement égyptien à propos de la taxation du carburant et pour savoir quel
gouvernement devait collecter cette taxe a mené à l’arrêt complet des
importations. L’intervention du gouvernement du Fatah de Cisjordanie n’a fait
que compliquer la situation puisqu’il suggérait que le carburant entre dans la
bande de Gaza par la frontière israélienne. Ce qui signifiait une forte hausse
du prix du carburant, le gouvernement cisjordanien collectant les taxes plutôt
que celui de Gaza, et la quantité de carburant importée dépendant de la bonne
volonté du gouvernement israélien. Le voyage en Egypte du leader du Hamas Khaled
Mechaal n’a pas pu résoudre la crise.
La pénurie d’électricité à
Gaza n’est pas seulement associée aux privations du quotidien mais elle
présente un grave problème humanitaire quand il s’agit de répondre aux besoins
fondamentaux, notamment les soins de santé et la conservation des aliments. Au
milieu de cette crise, une série de frappes aériennes israéliennes ont touché
le territoire et fait des dizaines de morts et de blessés. Alors qu’Israël
prétend qu’il s’agissait d’assassinats ciblés, la liste des victimes comporte
des enfants et d’autres civils innocents. Les souvenirs des Gazaouis -
notamment ceux des femmes, enfants et personnes âgées - qui ont été témoins des
frappes traduisent le profond traumatisme engendré par ces attaques et par
d’autres activités militaires dans la bande de Gaza.
Un Printemps arabe
palestinien ?
Au début du Printemps
arabe, d’aucuns suggéraient que les Palestiniens seraient parmi les premiers à
se lever, étant donné leur histoire de révolte et la dureté de leur existence
sous l’occupation et le blocus. En effet il y eut quelques efforts populaires
en vue d’une réconciliation entre Hamas et Fatah l’an dernier ainsi qu’un
premier pas vers des objectifs plus importants. Mais lorsque les deux groupes
politiques signèrent un accord de réconciliation sous médiation égyptienne, les
protestataires sentirent qu’ils touchaient au but et se retirèrent. Un an
après, l’accord est loin d’être concrétisé. D’autres formes de protestation,
notamment des grèves de la faim par des prisonniers palestiniens, sont
peut-être le signe d’une plus importante opposition - mais elles pourraient
aussi bien faire partie, plus ordinairement, de la panoplie des actes de
résistance menés par un peuple sous occupation.
Certains Gazaouis
suggèrent qu’il y a bien trop de choses en jeu pour que les Palestiniens
protestent, et que la barrière de la peur est plus élevée qu’ailleurs. Le fait
que les moyens de subsistance dépendent d’une faction politique ou d’ONG dont
les donateurs, et en particulier les Etats-Unis, n’apprécieraient guère les
protestations, est un élément de dissuasion possible aux changements. En outre
la jeune génération de Gazaouis, contrairement aux autres jeunes de la région,
a expérimenté directement les traumatismes de la guerre au cours de l’invasion
de 2009. Certains à Gaza disent que cela limite leurs ambitions à la
satisfaction des besoins élémentaires, plutôt qu’à la revendication de leurs
droits.
Il n’en est pas moins
évident que la marée du changement dans la région parviendra finalement en
Palestine. Alors que les Palestiniens sont habitués à voir leurs droits
bafoués, la profanation de leurs besoins élémentaires pourrait hâter la
rébellion. Pendant la crise du carburant, le gazoduc égyptien dans le Sinaï qui
apporte le carburant à Israël et à la Jordanie a été bombardé pour la treizième
fois cette année. Ces bombardements répétés sont un rappel de la réprobation du
public égyptien contre la politique de ses dirigeants à l’égard de la Palestine
et de l’Egypte. Tandis que les Egyptiens, de même que d’autres populations
arabes, demeurent occupés par leurs propres révolutions, un temps viendra où
ils seront à nouveau attentifs aux souffrances de Gaza.
Les motivations pour un
soulèvement palestinien sont impérieuses. Comme le commentait un manifestant
égyptien après le manque d’indignation populaire suivant le massacre à Port
Saïd - une centaine de tués il y a un mois : les gens de cette région sont
incroyablement patients, mais leurs réactions à retardement ont été et seront
immenses. Dans le cas palestinien, et particulièrement à Gaza, les obstacles à
la protestation sont encore plus importants - mais l’accumulation des griefs de
la population peut entraîner une réaction plus forte que partout ailleurs dans
le monde arabe.
* Sarah Mousa est diplômée
2010 de l’Ecole Woodrow Wilson en Politique publique et internationale à
l’Université de Princeton et boursière Fulbright 2011-2012 en Egypte.
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