mardi 9 avril 2013

A qui donc appartient la Palestine 03




PARTAGE DE LA PALESTINE DU POINT DE VUE JURIDIQUE
Causes de nullité de la résolution du partage
de la Palestine




2. Empiétement sur la souveraineté du peuple palestinien (18)

En raison des vicissitudes que la Palestine a subies durant les cinquante dernières années, et principalement en raison du démembrement de l'Empire Ottoman à la fin de la première guerre mondiale, il semble nécessaire en premier lieu de parler brièvement de la question de souveraineté sur la Palestine.

Avant l'occupation de la Palestine en 1917-1918 au cours de la première guerre mondiale, la Palestine formait une partie intégrante de la Turquie. Les habitants de la Palestine, Musulmans, Chrétiens et Juifs, jouissaient de droits égaux avec les Turcs. La constitution turque ne faisait aucune discrimination entre Turcs et Arabes ou entre Musulmans, Chrétiens et Juifs. Les Turcs et les Arabes partageaient la souveraineté sur tous les territoires de l'Empire Ottoman sans distinction entre provinces turques ou provinces arabes. Cette situation demeura jusqu'au détachement des provinces arabes de la Turquie à la fin de la première guerre mondiale.

L'occupation militaire britannique de la Palestine en 1917-1918 ne conféra aucun droit de souveraineté à la puissance occupante et ne priva pas le peuple palestinien de sa souveraineté. A part le fait que le droit international moderne ne reconnait pas se souveraineté à la l'occupant, l'objectif déclaré des Puissances Alliés durant la guerre n'était pas l'acquisition de territoires au Moyen-Orient. Cela ressortait d'une façon évidente des assurances et des promesses faites alors aux Arabes par les puissances Alliés concernant leur indépendance éventuelle de la Turquie.

Le Pacte de la SDN écarta aussi toute idée d'annexion du territoire de la Palestine, ainsi que d'autres territoires arabes et, comme nous l'avons déjà remarqué, il reconnut l'existence du peuple palestinien et aussi de certains autres peuples détachés de la Turquie "comme nations indépendantes".
Duncan Hall  remarque :
  • "La présomption d'une souveraineté nationale indépendante pour les mandats est la base de l'article 22. Les rédacteurs du Pacte prirent comme leur point de départ les notions générales de non-annexion et d'autodétermination"(19).

Il est à remarquer que la renonciation par la Turquie à sa souveraineté sur les pays arabes en vertu de l'article 16 du Traité de Lausanne du 24 juillet 1923 n'avait été faite ni en faveur des Etats signataires, ni en faveur d'aucune autre puissance. Cela fait contraste avec la renonciation à la souveraineté sur certaines îles en faveur de l'Italie en vertu de l'article 15 du même Traité. Cette différence s'explique par le fait que les peuples qui habitaient les provinces arabes détachés de la Turquie possédaient déjà le droit de souveraineté sur leurs propres pays et n'avaient pas besoin d'une renonciation en leur faveur, contrairement à l'Italie qui ne pouvait acquérir de souveraineté sur les îles qu'elle obtenait de la Turquie sans une renonciation de souveraineté en sa faveur de la part de cette dernière.    

(18)  En ce qui concerne la question de souveraineté  sur la Palestine, voir Henry Cattan, Palestine, The Arabs and Israël, Longmans, Londres, 1969, pp.242-275.
(19)  H. Duncan Hall, op. cit., p. 80.



L'effet juridique selon le droit international du détachement de la Palestine de l'Empire Ottoman et de la reconnaissance de la SDN du peuple palestinien comme nation indépendante était de constituer la Palestine en une entité politique indépendante et séparée de la Turquie. Le peuple palestinien devenait ainsi un sujet de droit international investi d'une souveraineté légale sur son territoire.

Il reste à voir maintenant si le mandat britannique à privé le peuple palestinien de cette souveraineté. On a beaucoup discuté pour savoir où réside la souveraineté dans les pays sous mandat. Certains ont prétendu que la souveraineté résidait dans les principales Puissances Alliés (20) ou dans la SDN (21) ou dans le mandataire (22) ou conjointement dans la SDN et le mandataire (23) ou dans les habitants du territoire sous mandat (24). Toutes les opinions émises à cet égard - sauf celle qui reconnait la souveraineté aux habitants du pays sous mandat - ont été rejetées ou discréditées.
Van Rees, le Vice-président de la Commission Permanente des Mandats; à résumé la position en ces termes :
  • "Enfin, un dernier groupe d'auteurs - divisé en deux fractions - le seul groupe qui à tenu compte du ^principe de non annexion adopté par la Conférence de la Paix, soutient que les auteurs du Pacte ont voulu tenir en suspens ou bien la souveraineté elle-même sur les territoires sous mandat pour une période équivalente à la durée des mandats respectifs (Lee D. Campbell, The Mandate for Mésopotamie and the Principle of trustership in English law, p. 19 ; A. Mendelssohn Bartholdi, Les Mandats Africains (traduction), Archiv für Politk und Geschichte, Hambourg, 1925) ou bien l'exercice des pouvoirs souverains dont furent provisoirement chargés certaines nations en qualité de tuteurs. D'après ce dernier point de vue la souveraineté elle-même serait détenue, depuis la renonciation des anciens Empires, par les communautés et les populations autochtones des différents territoires. En d'autres termes, les anciens Empires ayant renoncé à leurs droits en titres sur les territoires en question sans qu'il y ait eu transfert de ces droits et titres à d'autres Puissances, la souveraineté, qui appartient à ces divers peuples et communautés jusqu'au moment de leur soumission à l'Allemagne et à la Turquie, renaît automatiquement du fait de la renonciation susdite. (Paul Pic, Le régime  des Mandats d'après le Traité de Versailles, RGDIP, Paris, 1923, p. 14 ; ALbert Millot, Les mandats internationaux, Paris, 1924, pp. 114-118 ; J. Stoyanovski, La Théorie générale des mandats internationaux, Paris, pp 83 et 86). (25) 

(20) Haijer, Le Pacte de la Société des Nation, 1926, Spes, Paris, p. 374
(21)  RedsIob, Le Système des Mandats Internationaux, p. 196
(22)  H. Rolin, Le Système des Mandants Internationaux, Revue de Droit INternational et de Législation Comparée, 1920, p. 302
(23)  Quincy Wright, Sovercignty of the Mandats, American Jounal of International Law, 1923, p. 698.
(24)  P. Pic, Le Régime du Mandat d'après le Traité de Versailles, Revue Générale de Droit International Public, Vol 30, 1923, p. 934 ; Millot, Les Mandats Internationaux, p. 91 ; Stoyanovky, La Théorie Générale des Mandats Internationaux, p. 92.
(25)  D.F.W. Van Recs, Les Mandats INternationaux, Rousseau, Paris 1927 p.20


D'ailleurs, le principe que la souveraineté réside dans le peuple du pays sous mandat a été appliqué récemment par la Cour de Cassation italienne en ce qui concerne un pays sous tutelle. (26)

On peut donc conclure que le mandat britannique sur la Palestine n'a pas privé le peuple palestinien de sa souveraineté. Durant le mandat, l'exercice de cette souveraineté était suspendu, ou plutôt restreint, par les pouvoirs d'administration accordés à la puissance mandataire. Mais à la dissolution de la SDN, les pouvoirs d'administration du mandataire prirent fin en raison du fait que le mandat lui-même cessa d'exister. Dès lors, par suite de la levée de cette restriction, le peuple palestinien recouvra l'exercice de sa pleine souveraineté et devint libre de se gouverner lui-même et de déterminer son propre destin selon les principes et les procédures démocratiques.

Il s'ensuit que la résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU qui décida le partage de la Palestine en trois territoires, un pour un Etat Arabe, un second pour un Etat Juif, et un troisième pour la ville de Jérusalem, constituait un empiétement sur la souveraineté du peuple palestinien. La résolution de partage ne pouvait acquérir de valeur au point de vue juridique que si elle entérinée par un plébiscite du peuple palestinien. Or, la majorité du peuple palestinien avait proclamé sans équivoque son opposition au partage et dès lors l'Assemblée Générale ne possédait aucun droit d'aller à l'encontre de sa volonté et de ses aspirations.
La souveraineté est, selon les termes de la Constitution Française du 3 septembre 1791, "une, indivisible, inaliénable et imprescriptible". En application de ce principe de portée universelle, on est forcé d'admettre que le peuple palestinien conserve même aujourd'hui sa souveraineté sur tout le territoire de la Palestine, malgré son partage et malgré son occupation.    


L'empiétement sur la souveraineté du peuple palestinien n'est pas seulement contraire aux principes du droit mais il constitue aussi une infraction à la règle posée par l'article 2 (7) de la Charte. Cette règle met les affaires relevant de la compétence nationale de chaque Etat à l'abri de toute intervention de la part de l'ONU. Bien qu'en 1947 la Palestine était alors un Etat assujetti provisoirement à un mandat, lequel d'ailleurs arrivait à la fin et de toute façon n'affectait pas sa souveraineté, la question de son gouvernement futur relevait exclusivement de sa compétence nationale. Ainsi les recommandations faites en 1947 par l'Assemblée Générale concernant le gouvernement futur de la Palestine et le partage du pays constitueraient non seulement une atteinte à la souveraineté du peuple palestinien, mais aussi une intervention injustifiée dans une affaire qui relevait exclusivement de sa compétence nationale.

 (26) Società ABC v. Fontana and Della Rocca, International Law Reports, 1955, Vol. 22, p. 77.

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