samedi 18 janvier 2014

Israël : l’impasse d’un Etat ethnocratique




Agora Vox
Je ne suis a priori pas très érudit sur la question, ni concerné de près ou de loin par la judaïté. Certains trouveront que je suis bien imprudent d'oser écrire sur ce sujet. Mais depuis 1948 l'histoire d'Israël avec l'interminable conflit israélo-palestinien ne m'a jamais laissé en paix. Je me donne le droit d'écrire ce que je pense depuis des années sur cette douloureuse question. (*)

Ce récit d'un juif israélien, comme il y en a tant d'autres en Israël, en pourcentage on trouve plus de juifs honnêtes en Israël qu'en France ou aux États-Unis, et dénoncent une politique qui amène la population israélienne contre un MUR qu'ils ont eux même construit, récit que aucune personne intelligente ne devrait mettre en cause. C'est un cri du cœur, un cri de l'intelligence humaine, un cri d'un homme qui en a assez de voir son pays creuser sa propre tombe.

Celui qui n'a pas compris qu'un sioniste engage sa parole pour parvenir à ses fins. N'a rien compris. Et une fois le but atteint cet engagement ne le concerne plus. Il le renie sans autre état d'âme, il dit même : "que vous n'aviez qu'être plus malin". Cet un principe où la défiance prédomine, où il ne peut y avoir la bonne séance qu'il devrait y avoir entre les hommes. Plus exactement qui met l'être humain en position d'animal.
  
Je suis né avec la première guerre de conquête, où Israël, dès la proclamation de son existence, entre dans une " guerre pour l'indépendance" et arrache 26 % de territoires supplémentaires par rapport au plan de partage voté par l'ONU en 1947, contrôlant alors déjà plus de 81 % de la Palestine. En juin 2007, la guerre éclair de 6 jours a duré à peine le temps pour moi de passer les épreuves du baccalauréat. L'humiliation des peuples arabes fut immense. Malgré la résolution 242 qui prévoyait le retrait d'Israël de ses nouvelles conquêtes, la colonisation des terres palestiniennes a débuté alors et elle ne cessera jamais. Depuis sa création, les frontières de l’état d'Israël évoluent au gré des avancées militaires de Tsahal et, à ce jour, elles ne sont toujours pas définies. Depuis 66 ans, j'ai été témoin de la tragédie du peuple palestinien, indigné mais impuissant devant tant d'injustice, tant de violence infligée à une population qui ne demande que le droit de continuer à vivre sur ses terres. Les territoires contrôlés par l'autorité palestinienne ont fondu au fil des ans, ils se réduisent aujourd'hui en de multiples petits confettis, véritables prisons à ciel ouvert, où la survie ne dépend que du bon vouloir de l'occupant, qui contrôle entièrement le quotidien et les allers et venus de leurs habitants. En l'état, la nation palestinienne est morte, étouffée par l'occupant.
Mais, après 66 ans, qu'en est-il réellement de cet "État du peuple juif " en Palestine ? Peut-il perpétuer son existence sans utiliser en permanence la force de son armée pour définir, unilatéralement, le tracé de ses frontières ? Jusqu'à quand pourra-t-il continuer à assurer la protection des juifs du monde entier, par Mossad interposé si nécessaire, et être pour ce peuple élu une terre promise aux dépens des citoyens non juifs d'Israël ?
Quel est donc ce pays à plusieurs dimensions ? D'un côté, une nation virtuelle pour les populations de confession juive à travers le monde, de l'autre, celle bien réelle d'un Etat crée en 1947 et qui devrait s'attacher à administrer harmonieusement dans le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques à la fois les populations juives de diverses origines ethniques et culturelles, et les populations non juives comme les palestino-israéliens, les russes immigrés et les travailleurs étrangers qui participent à son développement.
De nombreux évènements récents, révèlent l'impasse dans laquelle le projet sioniste se trouve. Il en est ainsi du traitement différencié imposé sur le territoire d'Israël aux populations non juives ou aux immigrants juifs d’Éthiopie et du système d'apartheid qui règne dans les territoires occupés. Comme si ça ne suffisait pas, dans sa farouche volonté de protéger le peuple juif où qu'il se trouve dans le monde, Israël n'hésite pas à violer les lois de pays tiers pour assurer à sa manière, et la plus forte possible, sa justice.
ISRAËL UNE "SUPRA-NATION" ?
Il y a quelques jours, les révélations d'un diplomate israélien (Le Monde du 03/01/2014) illustrent cette étrange singularité.

Dans un entretien à l'Agence juive d'information, basée à Buenos Aires, l'ex-ambassadeur de l’État hébreu en Argentine (1993-2000) Itzhak Aviran affirme que les commanditaires des attentats de 1992 et 1994 qui ont fait 114 morts et des centaines de blessés ont été éliminés. "La grande majorité des coupables n'est plus de ce monde, et nous l'avons fait nous-mêmes", a-t-il dit. Déclaration inédite faisant référence à un mode opératoire souvent attribué au Mossad, le service de renseignement extérieur d'Israël. L'argentine "rejette de manière catégorique qu'un pays puisse condamner et assassiner une personne sans qu'un procès démontre sa culpabilité. Comme tous les pays civilisés, l'Argentine veut la justice et rejette la vengeance", a déclaré le ministre des Affaires Étrangères argentin. Ces révélations ont provoqué une vive tension entre Israël et l'Argentine ( Le Monde 3/01/2014 ). Elles montrent que le gouvernement israélien n'hésite jamais à porter atteinte à la souveraineté d'un autre pays pour venger des citoyens de confession juive assassinés, en faisant fi du nécessaire travail de la justice du pays concerné. Ce mode opératoire rappelle la série d'assassinats par le Mossad de commanditaires de la prise en otage de sportifs israéliens lors des JO de 1972.
En France, nous savons comment le CRIF est une organisation qui non seulement représente les citoyens français de confessions juive, là devrait s'arrêter son rôle, mais est aussi un puissant lobby pro-israélien auprès du gouvernement français, qui défend inconditionnellement la politique agressive d'Israël envers le peuple palestinien et qui n'hésite pas à critiquer les rares gestes de soutien de la France à la Palestine comme ce fut le cas avec son entrée à l'UNESCO. ( voir l'article trés bien documenté de chems eddine Chitour dans Agora Vox ). 
ors d'un des dîners où le Tout-Paris politico-affairo-médiatique se bousculait, le président du CRIF a affirmé : "L'antisionisme obsessionnel, c'est de l'antisémitisme. » En effet, comment peut-il en être autrement quand on sait que nos concitoyens de confession juive, enracinés depuis des siècles en France ou non, disposent d'une autre nation sur terre : Israël qu'ils peuvent rejoindre à tout moment, qu'ils soient en danger où pour d'autres motifs plus matériels (1). Ce "joker", le droit au retour , peut concerner jusqu'à un million et demi de français ( avec les mariages et les descendances) pour une communauté juive de l'ordre d'un demi-million d'âmes. Ainsi il existe en France, comme partout dans le monde des citoyens qui sans être issus de l'immigration disposent de deux pays. On peut comprendre pourquoi mettre en cause le sionisme et la politique du gouvernement d'Israël, peut être perçu, pour beaucoup de nos concitoyens juifs, candidats potentiels au "retour", comme une atteinte portée à leur propre existence.

UN ÉTAT JUIF ET DÉMOCRATIQUE- UN OXYMORE (*)
Israël en se proclamant État juif ne peut pas être un État démocratique pour tous ses citoyens, en particulier pour les non-juifs de nationalité israélienne. Que dirait-on d'un État français définit comme "État des francs catholiques de France et du monde" où de la Grande Bretagne comme "État anglican" ?
Comme l'écrit Shlomo Sand , professeur d'histoire à Tel-Aviv, dans " comment le peuple juif fut inventé" -Page 571- "Le libéralisme israélien trouve rapidement ses limites et les atteintes aux droits du citoyen sont routinières dans cet "État des juifs". Le fait qu'il n'y ait pas de mariage civil, d'enterrement civil public, de transport public le jour du shabbat et les jours fériés, la violation du droit de propriété des citoyens arabes, dévoilent un aspect très peu libérale de la législation israélienne"
Les pratiques discriminatoires envers les citoyens israéliens d'origine arabe sont légion.
"Le racisme anti arabe se propage dans la société israélienne”, dénonce Afu Aghbaria, un député arabe du parti Hadash. "Il cite comme exemple la “loi du retour” [des Juifs en Israël], qui accorde automatiquement la citoyenneté à quiconque a un grands-parents juif. Par contre, si un citoyen arabe épouse une Palestinienne de Cisjordanie, sa femme n’obtient généralement pas la nationalité israélienne. En ce qui concerne l’emploi, seuls environ 7 % des fonctionnaires sont arabes. Les salaires moyens pour cette communauté sont de 40 % inférieurs à ceux des Juifs, selon les chiffres officiels." (...) "Les paroles de la Hatikvah, l’hymne national, ne mentionnent que le peuple juif. Les Arabes israéliens s’en sentent exclus". Courrier International
Ces pratiques discriminatoires s'étendent aussi aux nouveaux arrivants d’Éthiopie qui se revendiquent de religion juive. Les "falashas" seraient-ils des juifs à part ? Le 28 aout 2013, sous prétexte qu'il n'y aurait plus de volontaire, Israël a mis un terme au rapatriement des juifs d’Éthiopie, révélant ainsi son incapacité à intégrer cette partie du peuple juif, de cette "maison d'Israël" - « Beta Israel »-,comme se nomment ces éthiopiens. Juifs et africains, ces immigrants, sont les délaissés, les marginaux, les plus pauvres d'Israël, et les actes de racisme et de ségrégation envers cette communauté se multiplient. ( voir l'article sur le journal international )

Enfin le projet sioniste révèle ses limites dans les territoires occupés où il est impensable pour les autorités israéliennes d'intégrer un jour la population palestinienne à la nation israélienne et de leur donner les mêmes droits que les autres citoyens. La séparation totale entre les populations juives et palestiniennes est bien une réalité en Cisjordanie. Il en est ainsi des bus, des routes, et des écoles. Cet Etat occupant, en revendiquant un territoire et en rejetant sa population, pratique purement et simplement l'apartheid qui est désormais un crime officiellement répertorié par les organisations internationales. (2).
"C’est insupportable pour moi de vivre dans un tel État". Se lamente Shlomo Sand (3)
Tous ces faits montrent que le projet d'Israël, tel qu'il a été défini par ses fondateurs et perpétré par les gouvernements successifs, se révèle être une impasse totale. Il est urgent de dépassionner le débat et de faire preuve de raison. La roue de l'histoire ne tourne pas à l'envers et il ne sert à rien de nier l'existence de cet État ethnocratique. Il est de la responsabilité des instances internationales qui sont à l'origine de sa création, d'imposer une issue qui permettent à tous ceux qui vivent sur cette terre tant controversée, d'être des citoyens égaux et libres, dans un Etat de droit, respectueux de leur valeur, de leur culture, de leur croyance et de leurs biens.
"Peut-être croit-il que les Juifs pourront régner indéfiniment sur une majorité arabe. Mais, aussi longtemps qu’il puisse tenir, tout régime d’apartheid finit par s’effondrer.” Amos Oz, écrivain s'exprimait ainsi en janvier 2013 au sujet du gouvernement Nétanyahou.
Nos concitoyens de religion juive ne doivent pas céder à ce repli identitaire et à la martyrisation permanente en continuant à cautionner un État, Israël, qui est tombé dans les ornières du racisme, de la discrimination, de l'apartheid et de la mystification .En France, il faut aussi marquer une distance avec ces élites, qui en montrant du doigt un humoriste que l'on diabolise, nous manipulent et nous enfument. Nos concitoyens de religion juive comme tous les français sont des citoyens à part entière, ce qui est loin d'être le cas pour plus de 20 % de la population israélienne.
Le combat contre toutes les discriminations sociales ou ethniques, contre l'injustice et contre l'apartheid est universel. Il doit être notre affaire, quelles que soient nos convictions ou nos croyances ou notre origine et il ne peut faire l'objet d'odieuses manipulations (4) qui attisent les ressentiments et les divisions et ne servent que les intérêts des puissants.

(*) Note : Le titre, et le sous-titre sont repris du livre de Shlomo Sand " Comment le peuple juif fut inventé" Editions Flammarion-Champs essais.
(1) Voir l'article qui décrit comme Israël est aussi un petit paradis fiscal pour tous les nouveaux arrivants.
(2) le crime d'apartheid est défini comme l'oppression institutionnalisée d'un groupe ethnique par un autre, qui présente des caractères systématiques et permanents. Sur l'apartheid,voir l'article suivant de Shlomo Sand
(3) son dernier livre «  Comment j’ai cessé d’être juif : Un regard israélien » Flammarion
(4) " Moi, aujourd'hui encore, je suis prêt pour le peuple juif à me charger volontairement d'exécuter le sale travail, de tuer les Arabes selon le besoin, de chasser, brûler, exiler, tout ce qu'il faut pour nous faire détester. Prêt à chauffer le sol sous les pieds des « yids » de la diaspora jusqu'à ce qu'ils soient obligés de se précipiter ici en hurlant. Même s'il me faut pour cela faire sauter quelques synagogues. Cela me serait égal." C'est un extrait d'un long entretien réalisé en 1982 par l'écrivain israélien Amos Oz pour le journal Davar et repris dans un livre paru en français en 1983, sous le titre Les Voix d'Israël (Calmann-Lévy) dans le chapitre " tendre et délicat" (page 87). Le nom de l’interlocuteur israélien anonyme d'Amos Oz, uniquement désigné par la lettre T.n'a jamais été révélé. Peu importe celui qui a prononcé ces mots, les faits lui ont donné raison.

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