Interview
avec le journaliste et documentalistes
David Segarra après
un séjour de trois mois dans la bande de Gaza.
Au faire et à mesure que je traduisais ce "post" le
dégout, la rage, la haine m'envahissait. Il ne s'agit pas d'un récit
d'illuminé, d'extrémiste ou que sais-je encore, non c'est le récit d'un
journaliste courageux. Courageux comme il y en a eu à Gaza et assassinés par ces criminels.
23-07-2014
En 2009, le journaliste et
documentariste David Segarra visita la Palestine pour la première fois. Un premier contact
qu'il renouerait au bout d'un an en s'embarquant dans la «Flottille de la liberté", qui se dirigeait vers Gaza
pour briser le blocus perpétré
par Israël, la flottille a été attaquée par la
marine israélienne et fait: 10 morts.
A passé trois jours en prison dans ce pays et après
les faits, a témoigné de ce qui s'est passé dans le documentaire
"Feu sur le
Mavi Marmara."
Au cours de son troisième
séjour à Gaza (les trois
derniers mois), l'armée israélienne a
perpétré son énième offensive. A Gaza le journaliste prépare depuis cinq ans une œuvre audiovisuelle “Las
cabras de Gaza” (Les
chèvres de Gaza) sur la vie quotidienne de
la population palestinienne dans le conflit. David Segarra réside
à Caracas, où il a fondé la société de production "Guarataro
Films" et a
produit plusieurs documentaires,
dont “Un golpe y una carta” (Un coup et une lettre), sur le soldat qui sortit la
lettre à Chavez quand
il a été emprisonné pendant
le coup d'État de 2002, et “Nuevas Caras” (Nouveaux visages) sur les liens entre l'extrême droite et l'opposition
anti-Chavez, à savoir le Parti
populaire).
Articles: http://davidsegarrasoler.blogspot.com.es/
-A partir de votre expérience
directe dans la bande de Gaza,
quels faits réels vous mettriez en
surbrillance et habituellement invisibles
dans les médias?
-Le plus impressionnant de la société palestinienne et, en particulier, la bande de Gaza, c'est qu'il est question de la société la
plus paisible, éduquée et hospitalière que je n'ai rencontré dans aucun lieu au monde. En trois mois de séjour, j'ai vu un havre de paix
comme nulle part ailleurs. Il n'existe
pas de délinquance, ni pratiquement de police. Dans mon cas, j'ai pu me déplacer avec une
absolue liberté dans mon travail entant que documentaliste
sans que personne ne fasse aucun
obstacle, chose qui m'est arrivé
en Amérique latine et en Europe. Et
il est assez surprenant, car on ne peut
imaginer qu'il existe là une société dure, intolérante
et fanatique. Mais l'inverse
est vrai.
-Lors de l'agression militaire actuelle sur la bande de Gaza.
Considères-vous que cela avait été
prévu par le gouvernement israélien, indépendamment de la mort de trois jeunes hommes
qui ont été utilisées comme un alibi ?
-A propos de l'enlèvement
et assassinat des
trois jeunes colons, l’État
d'Israël n'a pas apporté d'éléments de preuve qui pourrait impliquer un groupe politique palestinien. De fait, il n'y a pas
eu d'arrestation des auteurs et,
par conséquent, il n'existe aucune preuve de qui est responsable. L'offensive contre la
bande de Gaza est un autre épisode
de la colonisation israélienne, depuis
66 ans. Au cours des cinq dernières
années, nous avons vu trois
massacres contre ce territoire: «plomb durci» (2009)
et les offensives de 2012 et 2014. Israël,
un Etat colonial, n'a pas besoin d'excuses pour s'élargir territorialement et punir
la population indigène... Comme ne
l'a pas nécessité l'empire
espagnol en Amérique ou l'impérialisme britannique en Inde.
- Quel est l'essentiel de
ce que les médias qualifient de
«conflit» ?
-C'est très simple,
il n'a aucune complexité. Il s'agit d'un processus de colonisation
ouvert depuis 1948. L'Etat d'Israël est encore
dans la phase d'expansion (n'a pas fermé son
processus de colonisation), et
ils ont besoin tant en Cisjordanie, qu'ailleurs
le silence et l'humiliation des gens
de la bande de Gaza, qui sont absolument les insurgés.
- Quelle en est la cause,
à votre avis, de la dernière offensive ?
De multiples facteurs y peuvent y être apportés.
-Dans le contexte actuel, je pense que la raison principale est d'empêcher l'unité politique du peuple palestinien. Le "diviser pour régner" est une loi traditionnelle du colonialisme, en
vigueur antérieure à l'Empire romain. Dans
son processus de colonisation, Israël
a toujours cherché à diviser les Palestiniens entre chrétiens,
juifs, musulmans, laïques et religieux, gauchistes, nationalistes, islamistes, etc. Israël a essayé de les fragmenter et faire en
sorte qu'ils s'affrontent. Juste
avant l'attaque sur Gaza, nous vivions un
processus "historique", dans lequel les deux organisations majeures
du peuple palestinien -Hamas et
Fatah- étaient
arrivés à un accord sans, et c'est le plus important, l'opposition des autres groupes. Qui n'étaient pas dans l'accord,
mais qui ne s'y opposaient pas. Cela
implique que le peuple palestinien parlait d'une seule voix devant l'occupant. Et cela est quelque chose qui terrifie l’État d'Israël, car il
rompt avec le discours colonial qui lutte contre des forces minoritaires, extrémistes
et fanatiques.
- Quelle est la
responsabilité des États-Unis dans
les attaques ? Un récent
éditorial dans La Jornada rappelait l'aide militaire de Washington à Israël pour une valeur de
3.600 millions de dollars en 2014.
-Depuis sa création en 1948, et surtout depuis son expansion en 1967, Israël
s'est converti en «fer de lance» du
colonialisme occidental pour le contrôle et l'asservissement des peuples arabes de la région. Il constitue un allié fondamental, comme ce fut le cas du Chili de Pinochet ou l'Afrique du Sud de l'apartheid. Il est
question, en définitive d'alliés essentiels
pour le contrôle des ressources
naturelles. Dans le contexte actuel de nouveaux facteurs sont donnés. L'un est la déclivité économique -lente mais
inexorable déclin- des États-Unis. Cela fait que les pièces du
pouvoir, du Pentagone à Wall-Street, tentent de retirer, en partie, les États-Unis de l'échiquier militaire mondial.
Ce qui se traduit, à son tour, par
un début de lassitude de la part des militaires et des blocs de pouvoir
en rapport à Israël. Ce pays (Israël) continue à recevoir la principale aide militaire et économique
des États-Unis, mais déjà nous observons comment l'administration Obama
(ou tout autre pouvoir aux États-Unis) qui doivent ralentir l'expansionnisme
militaire du dernier demi-siècle.
-Ces changements que vous
pointez, sont-ils perceptibles,
d'une façon ou d'une autre, par le public? En
quoi se concrétisent-ils ?
-Pour la première fois nous avons
commencé à voir des petites
critiques d'Israël dans les médias aux États-Unis. Comme le
secrétaire d'Etat américain, John
Ferry, a déclaré que
Israël était en
passe de devenir un état d'apartheid
(il dût se rétracter, mais il l'à dit). Et
ainsi, nous voyons de nombreux signes
de la façon dont les États-Unis et en Europe, se sentent peu à peu qu'Israël est un frein pour leurs politiques extérieures.
Au cours des 50 dernières années les USA
ont servi de «navette» ou de
«porte-avions» face au monde arabe,
mais la tendance historique est en évolution.
-Vous vous référiez au
traitement des médias. El País a récemment intitulé
une de leurs couvertures: «La guerre dans la
bande de Gaza vit la journée la plus meurtrière pour les deux
parties." Que pensez-vous de
cette équidistance?
-Nous revenons toujours
à l'histoire pour contextualiser ce que sont les médias européens. Rappelons-nous que pendant l'Holocauste
aucun média européen (ni aucun gouvernement) n'ont bougé le petit doigt pour sauver les personnes
qui étaient exterminés. Et tout le monde savait ce qui se passait. La tradition européenne de l'équidistance et placer au même
niveau la victime et le bourreau
est en vue. Les journaux espagnols: El
País ; El Mundo ;
La Vanguardia ou les télévisions appartiennent a d'énormes
groupes d'entreprises ayant des liens
directs avec les appareils économiques et militaires étatsuniens et israélien. Font des affaires. Cette équidistance, d'autre part, est celle
qui fait que les citoyens s'éloignent et s'informent par des moyens alternatifs et par les réseaux
sociaux.
- Quels médias ou méthodologie recommanderiez-vous pour
obtenir des informations sur le massacre
de Gaza?
-Tout. Il est fondamental de lire
partout. Aujourd'hui, avec l'Internet,
nous avons le privilège de lire directement
les sources informatives. En ce
qui me concerne, je ne lis pas la
presse espagnole pour l'information internationale.
Je lis directement les sources originales: toute la presse israélienne, la presse arabe, la presse
palestinienne (dans les trois
cas, les versions en anglais), les déclarations de politiciens et journalistes via twitter et je suis des
personnes vivant dans la bande de
Gaza. Il est très important de
journalistes ou hommes politiques (gauche et droit des
Israéliens et des Palestiniens) dans
les réseaux sociaux. La presse
aujourd'hui est lente, est filtré
et dépend des intérêts économiques,
ils sont. Pour cette raison, entre
autres, je suis sur twitter
plus de 200 citoyens de la bande de Gaza, C'est très important de suivre
des journalistes ou hommes politiques (israéliens de droite et de gauche, et
des palestiniens) des réseaux sociaux.
La presse aujourd'hui est lente, est filtrée et dépend d'intérêts économiques
quels qu'ils soient. Pour cela, entre autres, je suis sur twiter plus de 200
citoyens de la Bande de Gaza, qui m'informent en temps réel. Voient les bombes
de leur fenêtre. Ils sont médecins dans les hôpitaux. Il est question de
suivre, non les chroniques des journalistes espagnols et étatsuniens pour El País ou CNN, mais leur compte twiter:
là ils disent la vérité qui est censurée et manipulée dans les journaux. Nous
avons vu, par exemple, les cas de la journaliste de CNN
ou le journaliste de NBC écartés de leur emploi pour les informations
sur la Palestine.
-Cette différence entre
l'information qu'un journaliste donne dans son journal et
celle qu'il partage sur les réseaux sociaux, les avez-vous remarqué aussi dans le cas
d'Israël?
-Non, la presse
israélienne constitue un cas d'école. Il est vrai
qu'il existe une certaine diversité
interne. Journaux plus à droite, d'autres moins mais, quand se produit un affrontement, tous les moyens
d'Israël sont soumis à la censure militaire. Il y a une loyauté absolue de tous les médias envers l’État d'Israël. Des critiques
peuvent survenir dans des moments de détente,
mais lorsqu'un conflit éclate les
médias offrent un soutien sans faille à la guerre et a l'armée du pays.
Cela nous voyons, par exemple, dans
Haaretz (l'équivalent du
"Monde " en France). Est censuré toute information
sur les victimes militaires d'Israël,
les photos de soldats tués ou blessés, etcétéra. En définitive, la presse
israélienne nous aide à comprendre
la psychologie de cette société, mais
pas pour avoir des informations. Cela n'existe pas.
-Plus de 500 Palestiniens
tués et plus de 3.000 blessés sont des chiffres de la barbarie, fournis par
le ministère palestinien de la Santé et avalisées par les Nations Unies. Préciserais-tu
ces statistiques avec d'autres chiffres
?
-Sur les plus de 500
morts, près d'un tiers sont des
enfants. Nous parlons de plus
d'une centaine d'enfants assassinés. 80% sont des civils (femmes,
personnes âgées et innocents). En outre, nous
devons reconnaître quelque chose à Israël. Ils ne
pratiquent pas ses bombardements à l'aveugle, et là ils disent la vérité. Ils utilisent des armes de précision, des bombes intelligentes et des frappes chirurgicales. Cela fait que la réalité
est beaucoup plus grave. Chaque mort en Palestine n'est
pas une erreur. Il est absolument
clair sur qui est dirigé chaque missile. Que
veut-on démonter avec cela ? Que le principal objectif de la
guerre ce sont des civils. Il est
question d'armes intelligentes qui pointent
avec le GPS avec une erreur inférieure d'un mètre. Nous sommes, enfin,
parlant de crimes de guerre d'une
ampleur et d'une
froideur bouleversante. En ce qui
concerne les blessés, on pourrait
penser à des égratignures. Ce
n'est pas cela, ils ne sont même pas comptabilisées.
Les plus de 3000 blessés sont des personnes
sans bras et sans jambes, avec
des éclats d'obus dans la tête, dans le coma. Beaucoup d'entre eux risquent de mourir dans les prochains jours,
ou être dans le coma ou paralysé pour le
reste de leur vie. En outre, ils
sont en train de détruire des quartiers entiers.
-En revanche, certains
matériaux peuvent avoir de l'intérêts pour Israël dans la bande
de Gaza, on parle de gaz et le pétrole. Peuvent-ils être des éléments qui contribuent à expliquer
l'agression actuelle ?
-Gaza a été occupée
par des colons israéliennes jusqu'en
2005. Cette année-là, les colons se
sont retirés et a commencé
le blocus, de manière que la bande
de Gaza est devenue une prison à ciel
ouvert, avec 1,8 millions de
personnes à l'intérieur. Les
raisons pour lesquelles l'État d'Israël a décidé de retirer les colons sont de deux ordres. Tout d'abord, parce qu'ils avaient déjà
pillé les ressources de la bande de Gaza (les aquifères sont contaminés par 95% et cela malgré que la
bande de Gaza est, entendez bien,
une oasis avec près de 4000 années d'ancienneté, un lieu privilégié).
Le deuxième facteur est que c'est une
zone historiquement rebelle, et le coût pour l’État d'Israël de maintenir l'armée et
les colons était
très élevé. En plus, est également vrai que ces dernières années au large des côtes Libanaises
et de la bande de Gaza ont été trouvés de grandes poches de gaz sous-marin. C'est
une autre raison pour les quelles maintenant, et à l'avenir, l’État
d'Israël entrera en conflit avec
le Liban et la Palestine. Parce
qu'il leur permettrait d'avoir une relative autosuffisance
énergétique.
-Avez-vous personnellement vécu
les conséquences de bombardements
au cours de votre séjour dans la bande de Gaza ?
-Oui, et le plus
impressionnant c'est d'arriver à
l'hôpital Shifa et d'entrer
dans l'unité de soins intensifs. Là
on voit la réalité: les gens sans
jambes, brûlés, démolis. Vous voyez des parents ensanglantés,
après avoir sorti leurs enfants des ruines. Des petites
filles de quatre ou cinq ans
dans le coma et avec
des éclats d'obus dans la tête. C'est une monstruosité
ce que nous voyons. Parce que le massacre est télévisé. Dans les années 40, après la défaite du nazisme, lorsqu'on demandé aux
Allemands pourquoi n'ont-il rien fait devant la barbarie de l'Holocauste, ils ont dit qu'ils ne savaient pas, qu'ils n'ont rien vu, ni rien entendu.
Il semble impossible, mais nous ne le saurons jamais si c'est vrai. Aujourd'hui, le monde entier, et 100% des Israéliens
savent ce qui se passe à Gaza. C'est-a-dire, que notre responsabilité
en tant que citoyens est beaucoup plus
élevé qu'à d'autres époques.
-Enfin, pensez-vous que
la mobilisation citoyenne est différente à d'autres occasions ? Y a-t-il une réponse adéquate face à la brutalité sioniste?
-Dans ce conflit, nous voyons
le plus haut degré d'isolement d'Israël dans son
histoire. Non seulement il y a des manifestations à travers tout le monde, mais
aussi des parlements et nations entières condamnent Israël. Nous
avons vu comment des États de
l'Union européenne recommandent à
leurs citoyens de ne pas faire des affaires avec les colonies israéliennes. Inclus le parlement galicien et
le valencien ont soutenu le
peuple palestinien. La fissure dans
l'unanimité des médias américains
... Le peuple palestinien a atteint un niveau de saturation
et d'horreur maintenant, et cela je l'ai vu dans
la bande de Gaza, leur objectif n'est pas d'arrêter la guerre, mais d'obtenir la liberté, c'est à dire,
mettre fin au blocus, pouvoir pêcher, semer leurs champs et que la frontière reste
ouverte. Il s'agit d'une lutte très
profonde. Il s'agit d'une
décision politique et populaire, de ne pas retourner à l'esclavage du blocus de 8 ans. Pour atteindre
la fin.