Pendant que Gaza était réduite en cendres par les bombes
et que des milliers de citoyens étaient assassinés et mutilés, un enfer
parallèle était soigneusement façonné en France. Des politiciens influents, des
leaders communautaires et des portes-parole d’organismes publics ont tous
participé à un montage visant à blanchir la dernière agression israélienne
contre les Palestiniens, en parlant de synagogues incendiées, d’individus
sauvagement attaqués et de juifs réduits à l’exode par la persécution et la haine.
Ce qui a rendu ce contre-feu théâtral particulièrement
efficace c’est qu’il a été relayé par les medias dominants sans le moindre
questionnement. Bien qu’aucune preuve ne soit venue soutenir ces allégations,
le seul fait que ce soit des gens importants et haut placés qui faisaient état
de ces soi-disant atrocités leur donnait le sceau de la vérité. Des mots comme
“Holocauste” et “Pogrom” notamment, revenaient sans cesse dans leur bouche pour
détourner l’attention du massacre des civils palestiniens dans la bande de
Gaza. L’impression mensongère qu’ils cherchaient à donner était que les membres
d’une communauté stigmatisée, les juifs, luttaient en France pour leur survie
tout comme les Israéliens à 3500 km de là, et ils avaient donc le droit de “se
défendre” même si cela faisait un nombre effroyable de victimes arabes.
Les attaques israéliennes sont toujours décrites de cette
manière dans les médias français et la couverture médiatique de
"l’opération Bordure protectrice" de juillet et août dernier n’a pas
fait exception. L’information a été trafiquée ou tout simplement fabriquée pour
essayer de faire croire que l’agression contre Gaza était une guerre juste,
exactement comme toutes les offensives israéliennes précédentes.
Les pertes en vies humaines ont été énormes cette fois
encore et même plus importantes que les autres fois : selon le Centre des
Droits de l’Homme Al Mezan, une organisation de droits humains basée à Gaza,
2168 Palestiniens ont été tués (la vaste majorité des victimes étaient des civils
dont des centaines d’enfants et de femmes) et 11 100 ont été blessés. Les
Nations Unies ont documenté la mort de 71 Israéliens dont 66 soldats, 4 civils
et un citoyen étranger. Il reste environ mille tonnes de munitions qui n’ont
pas explosé dans la bande de Gaza. Une des meilleures machines de guerre du
monde - Israël - a aussi détruit ou gravement endommagé 80 000 maisons et
installations essentielles à la survie de la population, tout cela sous le
prétexte de faire d’Israël un endroit plus sûr.
“Israël a attaqué Gaza en 2006, en 2008, en 2013 [2012] et
en 2014,” a rappelé le député palestinien, Mustapha Barghouti, dans un discours
prononcé devant les militants de la Campagne de Solidarité avec la Palestine à
Londres en septembre dernier. “En 2014, il y a eu cent fois plus de
destructions et d’explosifs que lors des attaques précédentes.”
Une des principales différences entre "Bordure
Protectrice" et les offensives précédentes, c’est que les mythes de la
propagande israélienne ont été plus faciles à démasquer. C’est largement dû à
la présence de médias traditionnels sur le terrain et à l’énorme essor, depuis
2008, au Moyen-Orient comme ailleurs, des médias sociaux comme YouTube, Facebook
et Twitter qui ont fortement contribué à galvaniser le Printemps Arabe de 2011.
Des images instantanées – vidéos et photos – permettent désormais à des gens
ordinaires de montrer au monde entier ce qui se passe exactement dans tel
endroit, à tel moment, avec tous les détails.
Les porte-parole israéliens tentaient désespérément de
décrire l’assaut comme un conflit symétrique entre le Hamas et l’armée
israélienne, un conflit où la mort de civils était “inévitable”, mais ils se
sont vite retrouvés dans l’incapacité de dissimuler la sanglante vérité. C’est
devenu particulièrement évident, le 16 juillet, quand 4 jeunes garçons de la
famille Bakir, âgés de 7 à 11 ans, ont été tués par des bombes tirées d’un
navire de guerre israélien, alors qu’ils jouaient au foot sur le plage, près du
petit port de Gaza.
Jusque là, les médias français avaient invoqué la
soi-disant utilisation par le Hamas de "boucliers humains" pour
dissimuler leurs lance-roquettes, et les "avertissements" donnés par
Israël avant de frapper des "cibles légitimes". Les images
profondément choquantes des cadavres d’enfants dans le sable, tombés de toute
évidence bien loin de toutes installations militaires ou de caches d’armes, ont
contribué à changer la donne. Il en a été de même pour le flot d’images prises
dans les hôpitaux et les morgues, montrant d’autres enfants démembrés, des
femmes et des vieilles personnes sans vie.
Il en a été de même lorsque quelques jours après le
scandale de l’assassinat des enfants sur la plage, la machine de guerre
israélienne a bombardé une école de l’ONU dans laquelle les Palestiniens
s’étaient réfugiés pour échapper aux missiles de "haute précision"
d’Israël. Cette attaque d’une "précision chirurgicale" a été la
première d’une série d’attaques contre les installations de l’ONU qui servaient
de refuge à presque un demi-million de Palestiniens dont les maisons avaient
été détruites par les bombardements.
L’argument des "boucliers humains" mis en avant
pendant la compagne militaire de l’été 2014 n’a pas davantage résisté à
l’analyse que dans les conflits précédents, observés à la loupe par certains
reporters et différentes organisations des droits humains comme Amnesty
International. Les innombrables vidéos et photos ont apporté la preuve que les
1,8 million de Gazaouis vivaient dans un espace confiné et entièrement bâti.
La bande de Gaza ne fait que 41 km de long et 12 km de
large en son point le plus large. L’idée que les civils pouvaient aller se
réfugier ailleurs pendant que les combattants actionnaient des pièces
d’artillerie obsolètes dans leur quartier, s’est vite révélée aussi ridicule
que l’allégation qu’ils étaient prêts à sacrifier leurs vies pour protéger des
armes et des munitions. Le meurtre de civils est une violation flagrante du
droit international.
Tous ceux qui connaissent la situation de la population de
Gaza pouvaient aussi se rendre compte que "l’avertissement" donné au
civils par l’armée israélienne était sans valeur. Il constituait le plus
souvent en une bombe "qui donnait un coup sur le toit" - une chose
qui a été condamnée par les organisations des droits de l’homme. Il y avait,
comme autres mises en garde, des flyers, des coups de fil et des SMS donnant 10
minutes aux civils pour quitter leur maison. Même ceux qui avaient une
téléphone portable leur permettant de recevoir "l’avertissement" (et
beaucoup dans ce pays misérable n’en avaient pas) ne pouvaient pas s’enfuir à
temps.
Pendant ce temps-là en France, la manipulation de
l’information par les médias français devenait évidente. Dès le 14 juillet -
quelques jours seulement après le début de l’offensive - les médias ont fait
état d’une "attaque", rue de la Roquette à Paris, près de la
Bastille. Des pro-Palestiniens avaient, selon eux, attaqué un lieu de culte à
la fin d’une manifestation. Bizarrement, à la différence de la quantité
d’images et de documents en provenance de la zone des combats réels à Gaza, les
médias ne montraient pas la moindre image de cette "attaque"
perpétrée dans le centre de la capitale française, un dimanche après-midi, à un
moment où les rues sont pleines de touristes et de passants. Pas d’image des
dégâts. Pas d’image des victimes. Rien.
Comme c’est souvent le cas, dans les reportages sur les
attaques physiques de nature antisémite à Paris, les noms des témoins étaient
aussi vagues que leurs témoignages. Le témoignage le plus impressionnant a été
celui d’une femme présentée sous le nom de “Aurélie A.”*, qui affirmait avoir
été assiégée dans la synagogue pendant que les “missiles” pleuvaient et que des
“Parisiens de pays arabes” essayaient d’atteindre les juifs qui étaient à
l’intérieur. Il a même été question d’une hache et d’armes à feu aux mains des
agresseurs .Dans le style à vous glacer le sang d’un soldat israélien, “Aurélie
A.” a dit d’un de ses soi-disant agresseurs : "J’ai envie de le
laisser pour mort !”
Le CRIF, le Conseil des juifs de France, s’est empressé de
ramener les Nazis sur le tapis. Roger Cukierman, son porte-parole a comparé les
manifestations pro-palestiniennes à une "nouvelle Kristallnacht”, faisant
référence à la fameuse "Nuit de cristal" de 1938 où les
paramilitaires nazis ont assassiné près de 100 juifs et en ont arrêté 30 000
autres en Allemagne et en Autriche. Les maisons, hôpitaux et magasins juifs ont
été démolis exactement comme les maisons, les hôpitaux et les magasins arabes
de Gaza, a déclaré Cukierman. Les manifestants pro-palestiniens ont été
publiquement traités de “terroristes” qui “prennent les synagogues pour cible”.
Ce que le porte-parole du CRIF a oublié de dire, c’est que
"l’attaque" contre la synagogue de la Roquette était une pure
fabrication. Une vidéo très claire filmée par un voisin montre un groupe de
miliciens de la LDJ (Ligue de Défense Juive) faisant irruption hors de la
synagogue. Armés de barres de fer, de bouteilles de gaz, de chaises et de
tables arrachées à une terrasse de café, ses membres provoquaient au combat de
rues les anti-guerre en criant : "Merde à la Palestine".
Serge Benhaïm, le président de la synagogue, a ajouté à
l’embarras de Cukierman, du CRIF et de leurs serviles agents de propagande dans
les médias français, en affirmant catégoriquement que le lieu de culte n’avait
subi aucune attaque. Les groupes d’opposants étaient restés à plus de 150
mètres de la synagogue, a déclaré Benhaïm, et personne n’a été blessé. Et il a
ajouté que la LDJ, qui est sur la liste des organisations terroristes du FBI,
devrait être interdite en France “Si elle n’est pas capable de se contrôler”.
Rien de tout cela n’a empêché les médias internationaux de
poursuivre la campagne de propagande initiée par leurs collègues français. La
synagogue de la Roquette dont le nom exact est synagogue Don Isaac Abravanel,
et qui a été construite en 1962 pour accueillir l’afflux des juifs d’Afrique du
nord qui quittaient les pays décolonisés est soudain devenu le symbole d’une
France violemment antisémitisme.
Newsweek, le magazine d’actualité international continue
de diffuser un article fantaisiste sur le fait que de telles “attaques”
contribuent au nouvel “Exode” des juifs d’Europe. Il contient des citations
d’un témoin "assiégé" dans la synagogue qui dit que
"l’attaque" était "comme une Intifada" – du genre de celles
qui éclatent en Palestine, évidemment. Plus ambitieux dans la comparaison,
l’écrivain LeBor fait référence à la persécution nazi et aux pogroms contre les
juifs de la "Russie tsariste".
Le premier ministre Manuel Valls et des maires élus ont
été jusqu’à invoquer ces informations inventées de toutes pièces pour justifier
l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes à Paris et dans d’autres
villes de France. Valls a parlé de jeunes de la "classe ouvrière qui
cachent leur haine des juifs derrière la façade de l’anti-sionisme et de la
haine de l’état d’Israël.” Peu importe que Manuel Valls appartienne au parti
socialiste censé considérer la liberté d’expression et d’association comme un
pilier de la démocratie. Quand un message ne nous plaît pas, il n’y a qu’à
l’ignorer et en fabriquer un autre, voilà, semble-t-il, la technique du
gouvernement.
Suite à l’ample couverture de "l’attaque" de la
Roquette, une synagogue de Sarcelles, dans la banlieue de Paris, protégée par
la police anti-émeutes, a été menacée par un gang de jeunes qui ont vandalisé
plusieurs commerces dont certains appartenaient à des juifs. La LDJ était
largement représentée à Sarcelles, mais les propagandistes ont choisi de se
concentrer joyeusement sur la "foule pro-palestinienne".
Francois Pupponi, le député-maire de Sarcelles, a traité
la foule composée principalement d’adolescents et d’écoliers d’origine
africaine, de “horde de sauvages”, et il y a eu des quantités de rapports non
vérifiés sur des bombes incendiaires et des cris de "Mort aux juifs".
A nouveau pas la moindre preuve ni sonore, ni filmée, ni photographique, ni
rien. On devait prendre les déclarations d’organisations comme le CRIF pour
argent comptant. Alors que les images des meurtres et des mutilations des
Palestiniens envahissaient les écrans du monde entier, personne ne pouvait
fournir une seule image à l’appui des allégations comme quoi de soi-disant
antisémites s’en prenaient aux juifs de Paris.
Au terme de la période nécessaire à la traduction et à la
diffusion internationale des faux rapports des médias français, il a été
considéré comme un fait avéré que près de 8 synagogues avaient été
"attaquées" dans Paris et ses environs et que la vie des juifs y
était menacée exactement comme celle des Palestiniens de Gaza. On racontait que
les juifs faisaient la queue pour quitter France. La plupart d’entre eux,
disait-on, cherchaient à gagner un endroit plus sûr, en particulier Israël.
Toutes ces fables circulaient au moment même où les journalistes qui avaient
créé de toutes pièces cet enfer français soulignaient la "sérieuse
menace" posée par les milliers de roquettes que le Hamas tirait sur Israël.
Bien qu’il soit évident que leur impact n’avait rien à voir avec les missiles
israéliens du fait de leur fabrication artisanale et de la puissance défensive
du Dôme d’Acier israélien.
A l’honorable exception de quelques médias comme France 3,
la plupart des médias gaulois ont persévéré dans leur entreprise de
falsification avec un tel succès que certains de leurs exploits faussaires
passeront à la postérité.
A défaut de journalistes scrupuleux, la tâche de dénoncer
le scandale du massacre des Gazouis est revenue à quelques politiciens
courageux. Dominique de Villepin, l’ancien premier ministre, a fait paraître un
article passionné dans Le Figaro. De Villepin, qui s’est fait un nom en
s’élevant contre la guerre d’Irak en 2003, a écrit : "Aujourd’hui,
élever la voix contre le massacre perpétré à Gaza est, et j’écris cela en toute
conscience, le devoir de la France… Il est temps de soulever le voile de
mensonges, d’omissions et de semi vérités, pour soutenir cet espoir de
changement."
Élever la voix devrait certainement être le rôle de
n’importe quel journaliste, en particulier quand il est confronté à des
mensonges cousus de fil blanc. Le code de l’éthique du syndicat des
journalistes est clair : "Le droit du public à une information
complète, libre indépendante et plurielle doit guider le (la) journaliste dans
sa mission. Sa responsabilité vis à vis du citoyen doit prendre le pas sur
toute autre considération."
La facilité avec laquelle certains préposés à
l’information ont renié leur idéal pour soutenir ceux qui voulaient minimiser
l’importance de l’agression israélienne contre Gaza en fabriquant un enfer
parallèle, est une vraie honte. Surtout maintenant que des organisations de
droits humains et autres, accusent des politiciens et des officiers israéliens
de crimes de guerre et s’apprêtent à les poursuivre en justice.
“La vérité est la première victime de la guerre” est une
remarque attribuée à Eschyle qui vivait au cinquième siècle avant J.C. Mais ce
qui a changé depuis l’époque du dramaturge grec, c’est que ceux qui véhiculent
l’information sont aujourd’hui surveillés plus étroitement que jamais. Tous les
aspects d’un conflit, depuis les pertes au front jusqu’au comportement de ceux
qui protestent contre lui dans les pays étrangers, peuvent être analysés
minutieusement et le seront. Si des gens se servent d’événements inventés de
toutes pièces en lien avec de telles horreurs, ils devront rendre des comptes,
autant en France qu’ailleurs.