jeudi 26 mai 2016

La chutzpah israélienne face à la sumud palestinienne



Mondoweis
25-05-2016

Un soldat israélien maintient en étranglement un enfant sous la menace d'une arme après des affrontements entre les forces d'occupation israéliennes et des manifestants palestiniens qui ont suivi la marche de Nabi Saleh contre l'expansion des colonies illégales pour Juifs exclusivement.
Cisjordanie, Palestine 28 aout 2015 (Foto: AFP/Getty)

Dans son livre The Joys of Yiddish (1968)  Leo Rosten écrit que «la définition classique de la chutzpah est, bien sûr, cela. L'attitude d'une personne qui, après avoir tué son père et sa mère est envoyé à la cour revendiquant la miséricorde parce qu'il est un orphelin. Un jutzpadnik peut être défini comme l'homme qui crie "Au secours! Pendant qu'il vous donne une raclée".

C'est un mot à la fois yiddish et hébreu. Alors que dans les temps antérieurs à Israël pourrait être un terme généralement négatif, la colonisation sioniste en Palestine et la création d'un Etat juif avec des frontières indéfinies et en continuelle expansion a donné  à ce terme une aura de substance réelle aux yeux de beaucoup d'Israéliens. Chutzpah, en termes nationaux israéliens, serait devenu un ingrédient nécessaire pour survivre et se développer. Le deuxième Premier ministre d'Israël, Moshe Sharett, avait clairement observé cet aspect: "J'ai appris que l'Etat d'Israël dans notre génération, ne peut gouverner sans mensonge ni audace. Ce sont des faits historiques qui ne peuvent être altérés... à la fin l'histoire justifiera ces stratagèmes comme étant des mensonges et les aventures ».  (Simha Flapan: The Birth of Israel: Myths and Realities y parcialmente en el ministerio de Relaciones Exteriores ).

La chutzpah d'Israël à l'échelle nationale au cri de "au secours! au secours" tout en frappant les Palestiniens peut être vu dans des couleurs vives dans une vidéo de protestation hebdomadaire de l'année dernière à Nabi Saleh le vendredi, 28 Août 2015. Dans la vidéo on voit un soldat israélien armé et masqué qui l'attrape par le cou un enfant de 12 ans qui a un bras dans le plâtre et écrase un rocher sur le bras cassé (2:00 minute). La sœur et la mère du garçon lui viennent en aide, bien sûr sans armes, et essayer de sauver l'enfant des mains du soldat. Cette situation est une représentation iconique du déséquilibre flagrant du pouvoir où l'enfant est sans conteste une victime. Mais non, le ministre de la Culture et du Sport Miri Regev a été "surpris de voir la vidéo ce matin, des Palestiniens frappant un soldat de l'armée israélienne", ajoutant "que l'on ne peut pas envoyer nos soldats a des missions avec les mains attachées!  C'est simplement, une honte! ... Il faut ordonner immédiatement qu'un soldat attaqué puisse riposter. Point".

Ainsi est que les soldats deviennent les victimes. Ses mains sont attachées derrière son dos. Aider les soldats! tandis qu'ils frappent les enfants palestiniens qui ont les membres cassés. Nous devons également leur permettre d'aller plus loin et tirer sur des civils non armés, membres de la famille tentant de lui venir en aide. Si la définition de chutzpah de Leo Rosten était correcte, alors Israël l'à adopté comme une politique au niveau national.

Les palestiniens occupés, soumis et militairement inferieur, a dû appliquer un antidote à ce miroir historique de la chutzpah. Face à la politique de harcèlement et dépossession permanente devaient adopter une position de fermeté. Tel est le sens de sumud.

Le terme sumud a été consacré dans la conscience nationale palestinienne, en particulier depuis 1967. Les Palestiniens ont souffert de la Nakba, la catastrophe du nettoyage ethnique à grande échelle en 1948, où beaucoup ont été dépossédés par la violence ou obligés de fuir par la crainte des menaces et ils n'ont été autorisés à revenir. Alors que le mythe sioniste typique dit que «les dirigeants arabes les ont exhorté à fuir et à attendre la victoire des armées arabes », les archives militaires israéliennes déclassifiés révèlent les véritables causes principales de cette fuite.

Voici quelques-unes des plus importantes:
Document du service d' Intelligence de l'armée israélienne intitulée "L'émigration des Arabes de Palestine dans la période du 1 Décembre 1947 au 1 Juin 1948" (déclassifié au milieu des années 1980). Le document décrit 11 facteurs qui ils ont provoqué l'exode et les énumère par « ordre d'importance »:
1. Opérations directes et hostiles des juifs membres de la [Haganah / IDF] contre les villages arabes. Destruction de 351 villages, à la dynamite dans un premier temps au bulldozer ensuite.
2. L'effet de nos opérations hostiles [Haganah / IDF] contre les villages voisins [arabes] (... spécialement  la chute des grands centres).
3. Les opérations des [juifs] dissidents [Irgoun et Lohamei Herut Yisrael] groupes chargés des opérations terroristes que la Haganah (embryon de la future armée israélienne) ne pouvait justifier.
4. Les ordonnances et décrets par les institutions arabes et bandes [irréguliers].
5. Les opération juives de rumeurs [guerre psychologique] visant à effrayer et terrifier les habitants Arabes.
6. Les ordres d'expulsion définitive [par les forces militaires juives].
7. La peur des représailles juives après une importante attaque arabe.
8. Brigades internationales arabes à proximité d'un village.
9. La crainte d'une invasion arabe et ses conséquences [en particulier à proximité des frontières].
10. Villages arabes isolées dans des régions [principalement] juives.
11. Facteurs locaux variés et la crainte généralisée de l'avenir.
 (Le document se situe en 1948 et après, par l'Historien israélien Benny Morris)

(Il existe aussi le récit de cette époque par l'historien israélien Ilan Pappe, basé sur les archives de la Haganah sur Le Nettoyage Ethnique de la Palestine):
[...]

Ainsi nous pouvons voir que les premières et les plus importantes causes de la fuite des Palestiniens en 1948, également considérés par l'intelligence militaire israélienne, comme étaient des «opérations hostiles directes des Juifs» (des opérations exécutés avant la déclaration de l'Etat d'Israël le 14 mai 1948 et avant l'invasion alliée des armées arabes, représente un tiers des 750.000 palestiniens expulsées par la violence, avait déjà été dépouillé avant le 14 mai 1948).

Les Palestiniens savent mieux que quiconque qu'il y avait un danger imminent dans l'occupation. Ils n'ont pas besoin d'attendre la déclassification des archives et le lent processus de reconnaissance de la chutzpah d'Israël. En 1967, la nouvelle occupation israélienne, que les généraux israéliens ont largement considéré comme pour "terminer le travail de 1948", représenté pour les palestiniens une seconde opportunité et peut-être la dernière, pour défendre sa propre existence au sein de la Palestine historique. Ne pas rester ferme face a une nouvelle occupation militaire israélienne signifierait une nouvelle dépossession et l'éventuel nettoyage de la terre.

Ce sumud est non seulement un élément passif. Alors que son symbole principal est l'olivier, qui représente la connexion ancienne à la terre (d'où la symbolique des dévastatrices scènes filmées des nombreuses arrachages d'oliviers perpétrées par les forces d'occupation israéliennes et les colons juifs), a aussi le sens de résistance active. Yasser Arafat a déclaré en 1980, que «l'élément le plus important du programme palestinien est de se cramponner au sol. Se maintenir sur la terre et non pas seulement les affaires de la guerre. La guerre se suit un niveau différent. Si uniquement on lutte c'est une tragédie. Si nous nous battons et émigrons c'est aussi une tragédie. La base est de se cramponner et lutter. L'important est de se cramponner au sol, puis combattre". (De Schultz et Hammer, La diaspora palestinienne).

Les Palestiniens ont lancé diverses formes de résistance, certaines sans rapport avec l'affrontement armé. Peut-être la forme la moins belliqueuse de protestation physique que Palestiniens ont été en mesure de mettre en œuvre ces derniers temps, le BDS: Boycott, désinvestissement et sanctions. Un moyen de protestation démocratique, non-violente, qui a une expérience réussie dans l'apartheid en Afrique du Sud. Noam Chomsky dans sa dernière interview d'il y a quelques jours sur Democracy Now! Déclare que «la tactique du boycott et de désinvestissement, prend tout son sens ... boycott et des sanctions ont du sens lorsque ces tactiques s'appliquent correctement, comme c'est souvent le cas".

Cepandant Israël a investi beaucoup de  millions de dollars  de contrecarrer le BDS et pressé successivement par la législation anti-BDS au travers de ses groupes de pression (lobbyistes, en France le CRIF, aux USA l'AIPAC) dans les autres pays. Récemment, lors d'une conférence anti-BDS organisée par le principal journal Yediot Aharonot, il a été entendu dire au ministre de l'Intelligence israélienne Katz qu'Israël devrait "viser à éliminer des civils» comme les dirigeants du BDS, avec l'aide de l'intelligence israélienne, et a plusieurs reprises de nom de Omar Barghouti fondateur du BDS a été mentionné  en ce qui concerne l'intention du gouvernement de révoquer son permis de séjour en Israël. Curieusement le ministre de l'Intérieur Aryeh Deri a déclaré que «la révocation de la citoyenneté ou de résidence est un outil qui est rarement utilisée, car elle constitue une violation des droits de l'homme".

Et pourtant, il soulève des inquiétudes sur le fait que Barghouti était moralement censurable, pour ainsi dire, en disant : a lui «[Barghouti] lui ont été donnés des droits similaires à ceux d'un citoyen et il en a profité de notre état de tolérance pour nous présenter comme l'état le plus horrible du le monde".

Deri a dit qu'il était "enclin à se conformer" une demande qu'il avait reçue d'un membre de l'extrême droite du Parlement pour révoquer la résidence permanente de Barghouti. La situation de Barghouti est maintenant «à l'étude» et Israël qui lui refusé de renouveler son permis de Voyage.
Ceci est la lutte que les Palestiniens ont à supporter sumud pour rester. Israël pourrait considérer ces efforts comme une chutzpah elle-même -Comment osent-ils résister?- et en même temps se dédiér à la création de stratagèmes de plus en plus inventifs de tromperie pour continuer leur aventure à la frontière du Grand Israël.
Grand Israël ! Sans commentaires.

Post-scriptum: Prévisiblement on pourrait se poser la question: " Pourquoi attribuer la fermeté uniquement aux Palestiniens?  Où est la fermeté d'Israël?  Pourquoi tant d'unilatéralité? " Eh bien, voici ma réponse : En comparant les deux. l'équilibre du pouvoir est tout simplement déséquilibré, pour le moins. Les Palestiniens ne disposent pas des chars, d'avions de combat, d'hélicoptères ou d'armes nucléaires. Tout simplement ils ne constituent pas une menace existentielle pour Israël. Si, les leaders israéliens très souvent tentent de confondre les Palestiniens avec  "les proches et hostiles pays arabes" et proclament ce « danger existentiel », mais même ce point ne tient pas. Inclus l'Iran, un géant régional (non arabe), qui a été à plusieurs reprises accusé par Netanyahu d'être un danger existentiel, a été signalé par les meilleurs experts en matière de sécurité d'Israël n'est pas en danger.

Il est vrai que l'Iran ne reconnait pas Israël et n'approuve pas sa politique, mais honnêtement, qui pourrait le blâmer?

Pareil qu'en 1967, tout en promouvant la peur hystérique dans sa population par un «second Holocauste», les dirigeants israéliens savaient très bien (comme l'a noté l'ancien chef du Mossad Meir Amit et d'accord avec la CIA à ce sujet) , qu'ils allaient gagner contre tous les ennemis régionaux rapidement, donc ils ont évalué qu'il faudrait environ 7-10 jours (le chiffre le plus bas évalué si Israël retire l'action à la force aérienne égyptienne d'abord, ce qu'il a fait au début guerre). (Voir Tom Segev, 1967, et pour l'évaluation de Amit des «7 Jours», voir ce lien.
L'histoire ne le dit ainsi, mais moi je m'autorise a dire la vérité, en effet: l'aviation Egyptienne fut anéantie au sol et sans déclaration de guerre, par l'aviation israélienne renseigné et guidé par les USA. C'est du terrorisme...  
Ainsi indépendamment du fait qu'Israël n'est pas confronté a une menace existentielle régionale, sa relation potentielle réelle envers les palestiniens n'est même pas, en ce sens, quelque chose a considérer.  À toutes fins pratiques, les relations de pouvoir entre Israël et les Palestiniens ressemblent à la scène du soldat bien armé qui maintient en l'étranglant l'enfant avec le bras cassé.

Il se peut que les acteurs régionaux essayent de venir en aide a l'enfant par la solidarité, et qui parfois peut venir armé, la situation en 1948, mais même alors Israël était supérieur dans l'organisation, personnel et en armes en rapport avec ce que les armées arabes ensemble. (Voir Ilan Pappe, Le nettoyage ethnique de la Palestine).
Evidement, puisque le sionisme s'y était prépare depuis 1897...

En 1973, l'Egypte et la Syrie, en effet, ont réussi à faire pression sur Israël pour un court laps de temps en raison de l'élément de surprise d'un jour de fête (et probablement l'indifférence d'Israël). Ce fut suffisant pour effrayer un peu puisque Sadate n'a apparemment pas l'intention d'aller très loin dans le Sinaï pour montrer sa force. Cela lui a valu de retour le Sinaï, le langage de la force brisa l'intransigeance israélienne.

Mais, retournons vers les Palestiniens, toutes les autres inimitiés régionales peuvent être formulés dans le fait bien connu que les Etats dans la région sont désireux de normaliser les relations avec Israël en échange d'une solution pour les Palestiniens sous les directives de la résolution d'un consensus international (ONU 242). Il est tout simplement question que le plan israélien du Grand Israël entrent en conflit avec les Palestiniens qui se trouvent sur son chemin.

Donc, un système plus large, le schéma politique majeur, est très similaire à ce que Ben Gourion a déjà dit en 1938. "Quand nous disons que les Arabes sont les agresseurs et nous nous défendons, est seulement la moitié de la vérité.  Concernant notre la sécurité et la survie, on se défend ... mais la lutte est seulement un aspect du conflit qui, dans son essence, est une question politique. Et politiquement nous sommes les agresseurs et ils se défendent. "C'est la raison pour laquelle la chutzpah correspond davantage a l'unilatéralité d'Israël, et sumud aux Palestiniens. C'est une généralisation, mais en général la chutzpah n'est pas utilisé pour résister à l'oppression.
Comme l'a noté Gandhi on ne peut pas être considéré comme la violence quand une victime de viol lutte contre son violeur. C'est de la résistance a la violence. Est "en soi un acte de non-violence". La vraie violence est un viol. (Voir Norman Finkelstein, Qu'est-ce que Gandhi dit). (What Ghandi Says).



Jonathan Ofir est un musicien israélien, directeur d'orchestre, écrivain et blogueur résident au Danemark.


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