Solidarité
avec Bilal Kayed et tous les prisonniers palestiniens en grève de la faim
Par Addameer – 3 août 2016
Quelle est l’histoire des grèves
de la faim des Palestiniens ?
Les
grèves de la faim ont été longtemps utilisées dans différentes régions
géographiques comme moyens pour protester et exiger des droits fondamentaux,
dont le droit de vote, le droit d’être libéré de la torture et le droit à
l’autodétermination. La longue histoire des prisonniers palestiniens dans les
grèves de la faim, de masse et individuelles, révèle le manque de confiance
dans tout processus judiciaire et l’absence de garanties d’un procès équitable
auxquels ils sont confrontés devant les tribunaux militaires et civils de
l’occupation israélienne. Les prisonniers et détenus palestiniens ont eu
recours aux grèves de la faim dès 1968 pour protester pacifiquement et de façon
légitime contre la politique israélienne de détention et les conditions
cruelles de détentions, notamment l’usage de l’isolement, le refus des visites
des familles, les traitements médicaux insuffisants et la torture, et bien
d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Quels sont les risques médicaux
des grèves de la faim ?
Les
grèves de la faim ont associé les risques pour la santé qui peuvent causer des
dommages physiques au prisonnier ou au détenu, notamment des sérieuses pertes
de poids, faiblesses, fatigues, incapacités à dormir, pertes auditive, cécités,
accidents vasculaires cérébraux, défaillances rénales, de même que d’autres
défaillances organiques, arrêts cardiaques et infarctus. Cependant, en dépit de
ces risques médicaux, à travers les grèves de la faim, les Palestiniens ont
réussi à obtenir des droits élémentaires et fondamentaux, et à améliorer les
conditions de leur détention, cela grâce à ces grèves de la faim.
Comment les autorités israéliennes
traitent-elles les grèves de la faim ?
Les grèves
de la faim se sont souvent heurtées à une répression violente et coercitive de
la part du Service pénitentiaire d’Israël et de ses unités spéciales, de même
que du personnel médical pour pousser les détenus à arrêter leurs grèves de la
faim. Suite aux grèves de la faim, Addameer a fait connaître plusieurs cas
d’incursions dans les cellules des prisons, de transferts des grévistes de la
faim dans des cellules d’isolement, de menaces de détention illimitée,
d’interdiction des visites des familles, de réduction de la dépense d’argent à
la cantine.
Quelles autres mesures coercitives
ont encore été prises ?
En
réaction à l’utilisation des grèves de la faim par les prisonniers et détenus
palestiniens, les autorités israéliennes se sont mises à pratiquer l’alimentation
de force dans les années 1980. Elles ont dû cesser par la suite après à un
ordre de la Haute Cour israélienne résultant de cette alimentation forcée. Lors
de précédentes grèves de la faim, Israël a pratiqué l’alimentation forcée des
grévistes de la faim afin de contraindre les détenus à mettre un terme à leurs
grèves de la faim sans qu’il y ait de législation pour réglementer cette
mesure. Plusieurs prisonniers palestiniens sont morts après avoir été soumis à
l’alimentation forcée. Notamment Abdul-Qader Abu al-Fahm, mort le 11 mai 1970
pendant une grève de la faim dans la prison d’Ashkelon, Rasem Halawah et Ali
al-Fa’fari, morts après l’introduction de tubes d’alimentation dans leurs
poumons au lieu qu’ils ne soient introduits dans leur estomac, en juillet 1980,
lors d’une grève de la faim dans la prison de Nafha, et Ishaq Maragha, mort
dans la prison de Beersheba en 1983. Récemment, un projet de loi déposé par le
ministre de la Sécurité publique israélien, Gilad Erdan, a été initié comme une
réponse à la grève de la faim massive de 2012, dans le but d’empêcher de
nouvelles grèves de la faim à l’avenir, et de priver les détenus et prisonniers
palestiniens de leur droit fondamental à manifester pacifiquement. Le projet de
loi a été voté par la Knesset israélienne le 30 juillet 2015.
Depuis quand les grèves de la faim
sont-elles utilisées pour protester contre la détention administrative ?
Au moins
depuis les années 1990, où des prisonniers palestiniens ont eu recours à des
grèves de la faim comme un moyen de protestation contre l’utilisation
arbitraire par les Israéliens de la détention administrative. La détention
administrative est une procédure qui permet à l’armée israélienne de détenir
des prisonniers indéfiniment, sur la base d’informations tenues secrètes, sans
les inculper ni leur permettre de passer en jugement. On estime à 750 le nombre
de Palestiniens mis en détention administrative, qui comprennent des femmes,
des enfants, et des membres du Conseil législatif palestinien.
Au cours
des dernières années, les prisonniers et détenus palestiniens ont eu recours à
la grève de la faim pour protester contre l’utilisation grandissante et
systématique de la détention administrative par les autorités de l’occupation.
Par exemple, en 2012, des prisonniers et détenus palestiniens se sont déclarés
en grève de la faim de masse, grève qui a impliqué près de 2000 grévistes de la
faim, ils exigeaient la fin de la détention administrative, du refus des
visites des familles aux prisonniers de Gaza, de l’isolement et de toutes les
autres mesures punitives. La grève de la faim de 2012 a pris fin avec la limite
temporaire par Israël de l’utilisation de la détention administrative. Mais
quelques années plus tard, les autorités de l’occupation augmentaient
l’utilisation de la détention administrative, ce qui a conduit à une nouvelle
grève de la faim en 2014 par plus de 80 détenus administratifs qui exigeaient
l’arrêt de l’utilisation de cette politique arbitraire. La grève de la faim
s’est terminée après 63 jours, sans avoir pu forcer le gouvernement israélien à
limiter son utilisation de la détention administrative.
En outre,
plusieurs détenus administratifs palestiniens ont entrepris des grèves de la
faim individuelles pour protester contre le renouvellement à plusieurs reprises
de leur mise en détention administrative, sans inculpation ni jugement. Ces
grèves de la faim individuelles étaient celles de Mohammad Al-Qeeq, Khader
Adnan, Hana Shalabi, Thaer Halahleh et Bilal Diab. Aujourd’hui encore, Bilal
Kayed, qui en est à son 50e jour de grève de la faim, est toujours en train de
manifester contre sa détention administrative. Une ordonnance de détention
administrative a été prise contre lui le jour même où il devait être libéré
après passé 14 années et demie à purger une peine de prison. En ce moment même,
plus de 100 prisonniers et détenus palestiniens ont rejoint Bilal, en
manifestation de leur solidarité, dans sa grève de la faim, pour mettre un
arrêt à l’utilisation systématique et généralisée de la détention administrative.
Pourquoi les Palestiniens
recourent-ils aux grèves de la faim ?
Les
prisonniers et détenus palestiniens recourent à la grève de la faim afin de
protester, et de faire entendre leurs voix à l’extérieur d’un système juridique
injuste qui gère leur détention arbitraire et la répression de leurs voix (au
moyen d’ordonnances de détention administrative sans jugement et d’une
législation incluant notamment le récent projet de loi relatif à l’alimentation
de force). Toutefois, les autorités de l’occupation israélienne n’ont pas
réussi à briser la volonté des grévistes de la faim palestiniens qui continuent
de se servir de leurs corps, en l’absence de tout recours juridique adapté, et
de pratiquer une désobéissance légitime. Les grévistes de la faim défient la
puissance disciplinaire de contrôle et de domination ; le corps du
gréviste de la faim constitue ainsi un moyen de lutte par lequel la puissance
se trouve déplacée et recréé. Les prisonniers et détenus refusent de se plier
au système structuré de contraintes et de privations de la prison, où ils ne
possèdent pas une pleine autonomie sur leurs corps. Ainsi, à travers les grèves
de la faim, ces prisonniers et détenus regagnent une souveraineté sur leurs
corps en devenant les décideurs, au-dessus des autorités pénitentiaires.
Quelles
sont nos exigences ?
Addameer
s’adresse à la communauté internationale pour qu’elle exige du gouvernement
israélien qu’il respecte la volonté des grévistes de la faim se servant de leur
corps comme moyen légitime de protestation, les grèves de la faim ont été
reconnues par la Déclaration de Malte de l’Assemblée Médicale Mondiale (AMM)
sur les grévistes de la faim comme « souvent une forme de protestation par
des personnes qui n’ont pas d’autres manières de faire connaître leurs revendications »
Addameer
demande aussi à la communauté internationale de faire cesser l’utilisation de
la détention administrative comme cela est recommandé par le Comité des
Nations-Unies contre la Torture, dans ses observations finales du 13 mai 2016,
où il demande au gouvernement israélien de « prendre les mesures
nécessaires pour mettre fin à la pratique de la détention administrative et
veiller à ce que toutes les personnes qui sont actuellement tenues en détention
administrative disposent de toutes les garanties juridiques fondamentales ».
Addameer
demande en outre à la communauté internationale, dont l’Union européenne, les
Nations-Unies, et le Comité international de la Croix-Rouge, d’intervenir
immédiatement pour sauver les vies de Bilal Kayed et des autres prisonniers en
grève de la faim, dont certains sont dans un état de santé critique.
Source: Addameer
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