Les
termes de "coup d’État institutionnel" définissent parfaitement les
manœuvres employées à l'encontre de François Fillon, pour tenter de l'empêcher,
à tout prix, de concourir à l'élection présidentielle.
Le pouvoir a dévoyé le droit pénal et
la procédure pénale pour tenter de détruire la réputation de son principal
adversaire ; le but de cette vaste opération étant de favoriser l'élection d'un
successeur déjà coopté, faux nez d'une candidature sociale-démocrate ou
sociale-libérale qui était d'avance vouée à l'échec.
Le candidat de la droite et du centre
était jugé dangereux car il avait déjà recueilli la confiance de plusieurs
millions de ses compatriotes lors de primaires irréprochables.
Il fallait donc, pour tenter de le
discréditer, lui imputer à délit des faits qui ne tombent manifestement pas
sous le coup de la loi. L'allégation d'un "détournement de fonds
publics" est contraire aux termes du code pénal et incompatible avec les
principes constitutionnels.
Contraire aux termes du Code pénal
d'abord : le texte qui définit ce délit, l'article 432-15, ne vise, comme
auteurs possibles de celui-ci, qu'une "personne dépositaire de l'autorité
publique" ou "chargée d'une mission de service public", qu'un
"comptable public" ou un "dépositaire public", qualités que
n'a évidemment pas un parlementaire.
Au surplus, il est plus que douteux
que les sommes versées à un parlementaire pour organiser son travail de
participation au pouvoir législatif et au contrôle du pouvoir exécutif puissent
être qualifiés de fonds publics.
Contraire aux principes
constitutionnels ensuite : à celui de la séparation des pouvoirs, seul garant
du caractère démocratique des institutions et obstacle à la tyrannie.
L'indépendance dont dispose le parlementaire, y compris dans la gestion de ses
crédits destinés à rémunérer ses collaborateurs, n'est pas un simple caprice.
C'est le préalable nécessaire à l'une de ses missions constitutionnelles qu'est
le contrôle de l'exécutif. Pour préserver le principe de séparation des
pouvoirs, les assemblées disposent, comme elles l'entendent, de leurs crédits
de fonctionnement. Incriminer l'emploi discrétionnaire de ces dotations serait
s'en prendre à l'exercice de la fonction d'un parlementaire, s'attaquer par
là-même au principe constitutionnel de l'indépendance des assemblées
parlementaires, corollaire de la séparation des pouvoirs. Pour l'exécutif,
prétendre contrôler l'utilisation des dotations d'un parlementaire au moyen
d'une procédure pénale enfreint donc ce principe.
Dans le cas de François Fillon,
l'atteinte à la Constitution est d'autant plus grave que la procédure pénale
est engagée illégalement. En admettant qu'il y ait eu violation du règlement
d'une assemblée parlementaire, une enquête n'aurait pu être menée que par le
bureau de l'assemblée en cause. C'est bien d'ailleurs la procédure qu'a retenu
le Parlement européen pour sanctionner une candidate à l'élection
présidentielle française.
A plus forte raison, le pouvoir ne
pouvait-il laisser le parquet national financier (PNF) se saisir d'une telle
enquête (ou l'y inciter) ? Il saute aux yeux que les faits allégués contre le
candidat n'entrent pas dans les chefs de compétence énumérés par l'article 705
du code de procédure pénale (loi du 6 décembre 2013) de ce ministère public :
non seulement ces faits ne répondent à la définition d'aucune des infractions
mentionnées dans ces chefs de compétence, mais encore nul ne saurait prétendre
sérieusement qu'ils présentent "une grande complexité", au sens dudit
article.
C'est encore au prix d'une double
erreur que le président de la République se retranche derrière l'indépendance
de la justice. D'abord, les officiers du ministère public ne sont pas "la
justice", la Cour européenne des droits de l'homme leur dénie
l'appartenance à l'autorité judiciaire. Ensuite, ils ne sont pas statutairement
indépendants du gouvernement, mais subordonnés au ministre de la Justice.
Il y a pire. Le bras armé du pouvoir,
en l'espèce, est ce parquet national financier. Il est un organe d'exception au
sens technique du terme, un organe à compétence dérogatoire au droit commun,
limitativement définie. Faut-il rappeler sa genèse, à savoir le refus du
pouvoir de se conformer au fonctionnement régulier du ministère public, faute
d'avoir réussi à museler un procureur général de la Cour de Paris trop indocile
à ses yeux (il est loin le temps où les tenants de ce pouvoir socialiste
remettaient en cause le caractère exceptionnel de certaines juridictions, comme
les cours d'assises spéciales en matière de terrorisme, sans parler de la Cour
de sûreté de l’État) ?
Dès le début de l'enquête visant
François Fillon, le parquet national financier s'est comme ingénié à justifier
la suspicion légitimement née de cette origine : la précipitation avec laquelle
l'enquête a été ouverte, sans même le respect d'un délai suffisant pour lire à
tête reposée le Canard enchaîné laisse perplexe ; surtout, la publication dans
Le Monde par deux "journalistes" familiers du président de la République,
de son secrétaire général etc., des procès-verbaux de l'enquête à peine
sont-ils clos, au mépris de secret de l'enquête, démontre irréfutablement une
collusion entre les officiers du ministère public ou leurs délégataires et ces
"investigateurs". Le même journal combat d'ailleurs les moyens de
défense constitutionnels invoqués par la défense de François Fillon en faisant
appel à un civiliste…
Dans leur acharnement, ceux qui ont
ourdi cette machination ont pourtant négligé ou sous-estimé un risque : celui
d'une action engagée contre l’État, en application de l'article L.141-1 du Code
de l'organisation judiciaire, en réparation du dommage causé par le
fonctionnement défectueux du service public de la justice au cas de faute
lourde. En effet, il ne se discute pas que la violation du secret de l'enquête
ou de l'instruction en matière pénale constitue un fonctionnement défectueux du
service public de la justice et que le rôle actif ou passif du parquet dans
cette violation caractérise une faute lourde.
Il reste que la tentative de
déstabilisation et de disqualification du candidat de la droite et du centre à
l'élection présidentielle est sans précédent par sa violence et par
l'implication ouverte de l'Etat.
Sans doute dans le passé d'autres
candidats ont-ils été visés par des attaques venant pour la plupart des mêmes
journaux : affaire Markovic, diamants de Bokassa, affaire Clearstream. Mais
jamais le pouvoir en place n'avait orchestré la campagne avec une pareille
impudence.
Au-delà du seul piétinement de la
présomption d'innocence, principe dont s'enivrent constamment les zélateurs de
l'actuel pouvoir, pour refuser d'endiguer la délinquance ordinaire, ce sont
tous les principes essentiels d'un État démocratique qui sont bafoués.
Au-delà de la défense du candidat
François Fillon, aucun juriste ne peut cautionner ce dévoiement voulu et
partisan des institutions, préalable à un "coup d’État permanent". Ni
la magistrature, ni la police n'ont vocation à servir de supplétifs à un pouvoir
moribond.
C'est pourquoi les juristes
signataires de cet appel entendent alerter leurs compatriotes sur cette
forfaiture et ses dangers pour la démocratie. Ce n'est pas une poignée de
substituts militants trop zélés qui feront obstacle aux millions de Français
qui ont déjà choisi démocratiquement François Fillon comme candidat de la
droite et du centre. Nous n'acceptons pas un coup d'Etat institutionnel, au
profit de l'héritier désigné par le pouvoir.
Philippe
FONTANA
Avocat au barreau de Paris
André DECOCQ
Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
Geoffroy
de VRIES
Avocat au barreau de Paris
Yves
MAYAUD
Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
Serge GUINCHARD
Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas,
ancien recteur
Pauline CORLAY
Professeur agrégé des facultés de droit, avocat au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation
Guillaume DRAGO
Professeur à l'Université Panthéon-Assas Paris II
Guillaume
MASSE
Avocat au barreau de Paris
Jean-Luc
ELHOUEISS
Avocat au barreau de Paris, Maître de conférences
Georges
BONET
Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
Raymonde
VATINET
Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
Anne-Marie LE POURHIET
Professeur de droit public à l'université Rennes-I
Bernard de FROMENT
Avocat au barreau de Paris