dimanche 11 juillet 2010

Journalisme de brocante (II)

Journalisme de brocante :
I. Les Journalistes de brocante (journalistes académiques, journalistes d'importance, crypto journalistes etc.) Les journalistes académiques appartiennent à une catégorie qui pratique le journalisme institutionnel, appliquant les règles de la   profession stricto sensu sans éléments de pondération ou d'évaluation. Ils veillent à un équilibre formel de l'information dans une sorte d'équidistance indifférenciée, oubliant que l'équité consiste à traiter inégalement une situation inégale. Cela se traduit par une transmission des communiqués sans état d'âmes particuliers, sans jugement de valeur, en fonction de la source de l'information et de sa position hiérarchique.  La compétence est fonctionnelle en somme. Le journaliste dans ce cas de figure opère comme un fonctionnaire dans des entreprises de presse, un bureaucrate de l'information. Aux Etats-Unis, 40 pour cent de ce qui est publié dans la presse est directement reproduit, sans altération, des communiqués des « Public relations » (2). Un objectif identique est recherché en France par M. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP  et exécuteur des basses oeuvres du sarkozysme dans sa tentative de mise au pas de l'Agence France Presse (AFP), la plus importante entreprise de presse française.    
Des journalistes d'importance se considèrent comme la caste nobiliaire de la profession. D'un narcissisme exacerbé, ils se bercent de l'illusion de participer à la définition des relations internationales, à la bataille des idées. Ils sont sensibles aux marques d'égards personnels à leur encontre, oubliant hâtivement que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute. Sensibles à la flatterie, au tutoiement, aux agapes politiques, ils sont consciemment ou non des exécutants fidèles d'un travail fait en amont. Amplificateur du bruit médiatique, ils constituent une formidable caisse de résonance. Ce journalisme de révérence et de déférence est érigé en journalisme de référence, ou dans sa variation la plus récente, en journalisme de validation, c'est-à-dire un journalisme qui se borne à confirmer la véracité des faits rapportés par d'autres journalistes, au péril de leur vie. Une sorte d'arbitre suprême des élégances de la faune journalistique française, un usage propre à la profession journalistique en France. Walter Lippmann, journaliste au New Republic puis au New York Herald Tribune a inauguré ce journalisme-là, un journalisme élitiste, en fait un journalisme de personnes se considérant comme une élite, supposé dispenser le peuple de la complexité des choses. Chantre du néo-libéralisme, l'auteur de « Public Opinion-2002 », puis de « public Fantome (Demoplis/ Paris 2008) » Walter Lippmann a théorisé la relative impuissance et l'incompétence des citoyens ordinaires, les citoyens de base, à appréhender les complexités du monde.  « La manière de sélectionner, de présenter et de censurer un fait peut avoir une importance sur sa réception, par conséquent sur le destin des événements », écrit-il. Cet aveu de Walter Lippmann prouve à l'évidence que la manipulation   de l'information n'est pas l'apanage exclusif du totalitarisme. « L'opinion publique est une illusion et un danger. L'essentiel lui est invisible, le processus de décision lui échappe. Il importe de confier à l'élite le soin de l'éclairer et de la guider », poursuit-il anticipant le comportement du journalisme du début du XXI me siècle, notamment la démarche suivie par la classe médiatique française lors référendum sur le traité européen de 2005 avec les résultats que l'on sait.  En France ce journalisme d'élite se vit comme prescripteur d'opinion par excellence. Jean Pierre el-Kabbache, ancien directeur de la chaîne de télévision France 2 et de la radio Europe 1, s'est décrété ainsi, un jour, « meilleur interviewer d'Europe », sans se préoccuper de savoir s'il existait de meilleur que lui, ailleurs qu'en France, en dehors du cercle des journalistes égotiques du parisianisme calfeutré, et, Christine Ockrent a longtemps été dénommée « la Reine Christine » sans qu'il soit possible de déterminer les origines de ce royaume, son fondement et sa légitimité. Sa mission est non pas informative, mais à proprement parler salvatrice. Ils se retrouvent généralement au sein d'un « cercle de la raison », par opposition à l'irrationalité des citoyens de base, captant pour leur bénéfice exclusif le débat démocratique. La Fondation Saint Simon se targue ainsi, dans la dernière décennie du XX me siècle, d'avoir propulsé la modernisation post-industrielle de la France en promouvant les thématiques qui ont accompagné la mondialisation et l'ultralibéralisme débridé. Cette thématique avait été conçue et propagée au départ par des laboratoires idéologiques outre atlantique notamment le consensus de Washington et le consensus de Bruxelles (déréglementation,  privatisation, réduction des prestations sociales). Elle a été appliquée sans la moindre retenue par « les esprits les plus brillants de la République », selon l'expression consacrée, avec les conséquences désastreuses que l'on sait sur l'économie mondiale sans toutefois que ces prescripteurs n'aient eu à pâtides conséquences de leurs prescriptions. Jean Marc Sylvestre, journaliste économique multicartes (France-inter, LCI) en est un parfait exemple. Le journaliste,  dans ce cas là, est non un acteur, mais un exécutant. Mais pour bon nombre d'entre eux l'essentiel est de participer, de figurer dans le cercle ultra privilégiés des « happy few ». Si la Fondation Saint Simon a joué un rôle majeur dans la fabrique de l'opinion française, notamment en faveur de la construction d'une Union Européenne ultralibérale, le grand prescripteur sur le plan mondial de la stratégie occidentale et de la carrière politique de ses servants demeure incontestablement le Forum de Bilderberg (3) (pétromonarchies arabes) qui regroupe, chaque année, dans la plus grande discrétion, les « décideurs » des Etats-Unis, d'Europe et du Japon avec le concours et la participation des cent plus puissantes entreprises du monde (Microsoft, Unilever, Coca Cola, British Petroleum, Total, Chase Manhattan Bank, American Express, Goldman Sachs). La 56ème rencontre de « Bilderberg » qui s'est tenue en juin 2008 à Chantilly (région parisienne) a été marquée, du côté français, par la participation, comme de juste, de Christine Ockrent, Directrice du Pôle audiovisuel extérieur (France 24, TV5, RFI, RMC International), compagne en ville de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, ainsi que de François Pérol, nouveau PDG du groupe Natixis Nexis (Banque Populaire + Caisse d'Epargne), ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, de Manuel Valls, député socialiste, représentant de l'aile sécuritaire du  parti socialiste et partisan de la réconciliation de la Gauche et de l'ultralibéralisme, l'homme qui rêve de peupler la ville d'Evry, dont il est le maire, de « White » et de « blancos », ainsi que de Bassma Kodmani, franco-syrienne, directrice de l'Initiative Arabe de Réforme (Arab Reform Initiative), un « think tank »              regroupant divers instituts de recherche du monde arabe, travaillant en partenariat avec des instituts européens et américains sur la transition démocratique dans le monde arabe, en coordination à Paris avec l'Institut d'études de sécurité. La 57ème édition tenue en Grèce en Mai 2009 a été marquée par la participation des personnalités françaises suivantes : Alexandre Bompard (Europe 1-Groupe Lagardère), Denis Olivennes (Nouvel Observateur), Nicolas Baverez (Le Point-Groupe Pinault) et Xavier Bertrand (secrétaire général de l'UMP). Les crypto journalistes : Le journalisme-là sert de camouflage au militantisme politique. Soldats de la guerre idéologique, les journalistes de Radio Free Europe et ceux qui émargeaient sur le budget du Congrès pour la Liberté et la Culture, organe souterrain de la CIA, à l'époque de la guerre froide soviéto-américaine, appartiennent à cette catégorie comme de nos jour Fox news, la chaîne ultraconservatrice américaine, et, sur le plan arabe, les journalistes de Radio Sawa et de la chaîne TV « Al- Hurrah », les deux vecteurs américains lancés après l'invasion de l'Irak, en 2003.
Nonobstant leur talent, les journalistes d'importance et les crypto journalistes sont généralement des journalistes multicartes, affectés à une amplification maximale       de leurs thèses. Alexandre Adler, en France, et, Abdel Rahman al Rached, dans le monde arabe, sont de parfaits exemples de journalistes multicartes.     Passé,à l'instar de sa tante par alliance, Annie Kriegel, du communisme le plus rigide à l'ultra libéralisme le plus débridé sans le moindre sas de décompression, l'éditorialiste du Figaro et de France Culture assume de surcroît les fonctions de porte voix compulsif des crispations communautaristes du judaïsme institutionnel 
Français. Quant au Directeur d'Al Sharq al Awsat, le journal panarabe saoudien, il cumule cette responsabilité avec les fonctions de directeur de la chaîne saoudienne « al Arabya » et d'éditorialiste de la chaîne américaine arabophone « Al Hurrah », créée après l'invasion américaine de l'Irak. 

Assumant une fonction déclamatoire, les journalistes d'importance sont en rivalité avec les diplomates, les intellectuels médiatiques et leur excroissance, les intellectuels médiatiques évolutifs, dont le plus illustre exemple n'est autre qu'Alexandre Adler déjà; cité, passé de l'Humanité au Figaro en transitant par Libération, le Courrier International et Le Monde, sans que personne ne songe à l'interroger sur cette mobilité et ses répercussions sur sa fiabilité, au point de         jeter un voile de suspicion sur un large spectre du champ médiatique. Bon nombre d'entre eux apparaissent ainsi comme des mercenaires de la presse exonérés des conséquences de leur prescription, une suspicion accentuée par le prestige du nouveau venu sur la scène médiatique, les organisations non gouvernementales (ONG), un opérateur majeur, dont la présence sur le terrain confère à ses membres une crédibilité certaine en tant que témoins dotés d'une expertise, contrairement à de nombreux experts autoproclamés de la cohorte journalistique. 

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