jeudi 26 août 2010

Devoir Moral

Nous avons un devoir moral et humain de nous engager.
Serge Grossvak, le 22 août 2010

Ce texte qui suit, d’une citoyenne francophone israélienne, illustre l’ampleur du désastre moral et intellectuel de la société israélienne. Ce désastre nous atteint par ricochet, faute d’une résistance structurée, salissant les racines juives à travers le monde et la transmission culturelle à nos enfants. Nous avons un devoir de parole et de résistance.
Le discours raciste (je précise, de la part de juifs stigmatisant la communauté musulmane) qui s’étale y est sans complexe, inconscient de son abjection. Ce thème pivot d’un envahissement de la France par les musulmans (« la France se noie dans les eaux troubles d´un islam intolérant et majoritaire », « le meilleur moyen de faire de la France un pays musulman ») a fait frémir d’indignation nos médias et nos intellectuels lorsqu’il était porté en Suisse par l’affiche des minarets, lorsque Lepen s’en est saisi. Mais aucune conscience ne s’offusque lorsque ces horreurs sont proférées par des individus de notre origine juive, tout au plus un silence gêné, chez nous comme dans les médias. Nous sommes placés devant une grande responsabilité de résistance à l’effondrement des consciences parmi nous.
Ces mots abjects ne sont pas un accident dans une atmosphère saine. Ils sont la tendance grandissante et de plus en plus décomplexée. Israël est rongée par son idéologie de guerre au point de porter un Libermann au poste de vice-premier ministre. En France, lorsque Lepen menaçait les places du pouvoir c’est un peuple uni qui a manifesté, qui s’est opposé. En Israël les équivalentes élucubrations ne provoquent aucun sursaut massif, aucun réflexe de dignité. Voila qui est rendu possible par un déni d’humanité au peuple palestinien. Un déni d’humanité après un déni d’existence. C’est ce déni ambiant qui permet à cette soldate perturbée de ne rien percevoir de l’ignoble de ses photos. C’est cette ambiance qui permet la prolifération de sites « juifs » aux relents indignes. C’est cette ambiance qui permet aux israéliens de tolérer dans le silence les souffrances faites aux palestiniens. Les bombes qui carbonisent les corps, l’existence avilissante et ghettoïsée, l’enseignement de la désespérance. Ce terreau est l’avenir de la force brune. Il submerge Israël depuis l’assassinat de son président.
Au sortir de longs siècles de minorité oppressée la culture juive pouvait s’honorer de porter un grand humanisme, une culture de la liberté partagée. Marek Edelman, Joseph Epstein, Raymond Aubrac sont de ces figures de dignité, de résistance à l’oppression et d’engagement pour une société de respect de tous. C’est cette dignité d’être juif qui est aujourd’hui salie. C’est cette dignité d’être homme parmi les hommes qui est offensée. Être homme, être digne, c’est refuser de fermer les yeux lorsqu’un soupçon de « crime contre l’humanité » apparaît. C’est tout faire, tout de suite, pour une clarté absolue, pour ne pas prendre le risque de poursuivre dans la sauvagerie. Et il a semblé normal d’user des ficelles politiques pour enterrer le « dossier », vulgaire tas de papier aux cris enfermés. Ah, ce n’était juste pas malin de poursuivre l’offensive sur Gaza, de tirer sur un navire humanitaire hors des eaux territoriales, de publier des photos souriante auprès d’hommes entravés.
Cet aveuglement ravage l’humanité déposée en chaque être. Il produit ces jeunes incapables de discerner la gravité de leurs actes. Il donne ces adolescents déboussolés par des choix qu’ils ne peuvent comprendre. Ce sont nos racines qui sont martyrisées avec les corps des palestiniens. Il faut sortir de là ! Vite !
Ce qui nous vient d’Israël est désespérant. Ce ne sont pas les courageux pacifistes et refuzniks qui feront le poids. Ils sont les justes d’aujourd’hui, notre honneur de demain et les passerelles pour sortir de l’enchaînement guerrier. Mais ils sont submergés.
Croyants ou non, sionistes ou non, proche ou non d’Israël, nous sommes concernés en ayant une racine juive. Nous sommes contraints à être concernés : cette guerre est menée en notre nom et elle entre dans notre histoire même à corps défendant. Nos enfants nous interrogeront autant sur l’horreur nazi que sur cette guerre sans fin.
Cette guerre envahie notre vie jusqu’à ricocher sur notre pays, la France, le monde et son fonctionnement. Ces relents racistes qui polluent Israël sont venus imprégner nombre de nos concitoyens juifs. Notre histoire faisait que cette situation était inimaginable avant, inacceptable. Il n’est que d’entendre un Gluksman proférer ses propos à l’égard des banlieues pour mesurer l’ampleur de notre déchéance. Bien sûr, les diplômes n’assurent pas de la sagesse philosophale, mais comment se voiler la face et ne pas avouer comme ces ignominies trouvent de bienveillance. Jusque dans ma famille ! Nos proches se trouvent envahis par les nauséeuses stigmatisations. Nous avons un devoir de résistance.
Une résistance pour la planète également. Dans la lignée de Bush, le gouvernement israélien piétine le droit, les institutions internationales, les lois pour sortir le Monde de la guerre perpétuelle. Nous avons le devoir de prendre notre place dans un combat pour la paix, pour que l’avenir n’entre pas dans le volcan de la loi du plus fort.
Notre combat pour la paix porte notre dignité et notre liberté. Seul notre engagement de juifs du monde entier, croyants ou non, sionistes ou non, proche ou non d’Israël, peut avoir le poids d’arrêter cette guerre, de faire émerger l’Etat palestinien dans les frontières de 67, de faire reconnaître le Tribunal International. Alors seulement nos enfants sauront trouver la voie d’une fraternisation et d’un avenir de respect partagé. Nous devons cela à notre avenir

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