mardi 3 août 2010

L'Affaire Zoabi (Députée israélienne)

L’Affaire Zoabi :
Max Blumenthal - The Electronic Intifada -22 juillet 2010
Max Blumenthal est un journaliste qui a remporté des prix et un écrivain best seller et qui travaille en Israël-Palestine. Ses articles et ses vidéos ont été publiés dans le New York Times, le Los Angeles Times, le Daily Beast, la Nation, le Huffington Post, Salon.com, Al-Jazeera English et beaucoup d’autres publications. Il écrit pour le Nation Institute. Son livre, Republican Gomorrah : Inside The Movement That Shattered The Party, est un best seller sur les listes du New York Times et du Los Angeles Times.
La décision est une mesure de rétorsion pour la participation de Zoabi à la « Flottille de La liberté » pour Gaza. Comme l’a rapporté le quotidien israélien Haaretz, au cours du débat qui a fait rage, un député de la Knesset, Anasatassia Michaeli, s’est précipité vers Zoabi et lui remit une copie d’un passeport iranien avec la photo de Zoabi. « Mme Zoabi, je prends votre fidélité à l’Iran au sérieux et je vous suggère de communiquer avec Ahmadinejad et de lui demander de vous donner un passeport diplomatique iranien qui vous aidera dans toutes vos tournées diplomatiques, parce que votre passeport israélien sera révoqué ce soir », a dit Michaeli, qui est un membre du parti ouvertement anti-arabe Israel Beitenou du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman (« La Knesset révoque les privilèges de la député arabe Zuabi suite à la flottille de Gaza,, Haaretz, 13 Juillet 2010 »).
Le débat sur la révocation des privilèges parlementaires de Zoabi était presque aussi haineux que les réactions lors de son apparition à la tribune de la Knesset à la suite immédiate du massacre commis contre la flottille. Alors que Zoabi tentait de relater ce qu’elle avait vécu sur le Marmara Mavi, où elle a imploré les commandos israéliens de cesser de tirer sur les passagers et de les frapper, les députés de la Knesset appartenant à un large éventail de partis ont bondi de leurs fauteuils en vociférant pour la faire taire. « Va à Gaza, traîtresse ! » a éructé le député Miri Regev du Likoud. « Une semaine à Gaza comme femme célibataire de 38 ans, et nous allons voir comment ils vous traiteront ! » aboya Yohanan Plesner du parti prétendument centriste Kadima [cette assemblée que l’on n’ose pas qualifier de ’parlementaire’ a donc recours sans aucune honte aux pires injures sexistes et racistes - N.d.T].
Enfin, Moshe Mutz Matalon d’Israel Beitenou a déploré que les commandos israéliens « n’aient laissé que neuf électeurs flottants [en anglais dans le texte : They left only nine floating voters] » (« Le député Regev dit à Zoabi : va à Gaza, traîtresse !, Ynet, 2 Juin 2010) ».
J’ai rencontré Zoabi à son bureau dans le centre animé de la partie basse de Nazareth, le 12 Juin. Alors qu’elle préparait pour moi une profusion de biscuits et de chocolats, elle m’a appris qu’un journaliste de Naplouse qui l’avait rencontrée plus tôt dans la journée avait été arrêté à un checkpoint et s’était vu saisir son ordinateur portable. Zoabi était convaincue que le Shin Bet (service israélien de sécurité) surveillait ses communications et ses déplacements comme il le fait avec de nombreux dirigeants du parti Balad. Malgré le climat de tension et de menaces physique contre elle, elle parle sans retenue de son expérience sur le Mavi Marmara, de la situation des membres palestiniens de la Knesset, et de ce qu’elle considère comme l’orientation fasciste de la société israélienne.
Max Blumenthal : Étiez-vous surprise d’être accueillie avec tant d’hostilité quand vous êtes revenue à la Knesset après ce qui est arrivé à la flottille ?
Hanin Zoabi : Je n’étais pas tellement surprise. Je m’attendais à être qualifiée de traître, que l’on me demande : « Où sont vos couteaux ? » Ou que l’on me dise, « Vous êtes celle qui les a tués ! » Mais ils m’ont hurlé dessus sans aucun argument politique et avec une telle superficialité... J’ai pensé que cela ne pouvait être un parlement. Ce ne sont que des gangsters. Si on leur avait donné des fusils, ils m’auraient tuée. Je leur ai dit que les soldats sur la flottille m’avait traitée avec plus de respect qu’eux. Après que les soldats aient assassiné neuf personnes, ils ont prétendu me demander de l’aide.



MB : Qu’est-ce que les attaques contre vous à la Knesset israélienne vous suggèrent à propos de la démocratie israélienne ?

HZ : L’atmosphère générale qui prévaut en Israël est celle d’un état fasciste qui n’a plus de sens critique, même à propos de son image dans le monde. Il était en général sensible à son image dite démocratique. Rivin [le président de la Knesset] veut un état libéral et veut que les autres s’imaginent qu’Israël est une démocratie. Mais écoutez ce qu’ils disent à la Knesset : que nous ne devrions prêter attention qu’à ce que nous voulons, que ce n’est pas important de prêter attention aux goyims [non-juifs]. Nous devons croire que nous sommes la victime, comme si la victimisation était une idéologie.
MB : Êtes-vous préoccupée par les menaces sur votre sécurité physique ?
HZ : C’est une période dangereuse et elle est également dangereuse pour Jamal [Zehalka] et d’autres du parti Balad. Je suis inquiète, mais ce qui m’inquiète le plus ce ne sont pas les menaces à mon égard, mais l’effet à long terme de cette campagne politique, car elle représente une délégitimation de notre parti et de notre plate-forme politique.
MB : Qu’en est-il de la mesure prévue à la Knesset de vous priver de vos droits parlementaires ?
HZ : Ces trois sanctions parlementaires ne sont rien - je veux dire rien, parce que je peux toujours utiliser mon passeport civil.



MB : Quand vous avez été attaquée à la Knesset, je me suis rappelé d’un incident en 1949, lorsque le premier député arabe à la Knesset, Tawfiq Toubi, a pris la parole pour dénoncer la brutalité de l’armée israélienne contre des villageois palestiniens qui vivaient sous le régime militaire. Les députés juifs de la Knesset sont devenus fous, comme cela s’est reproduit contre vous, mais Toubi était défendu par l’une des personnalités les plus importantes du monde culturel israélien, le poète et socialiste Nathan Alterman. Y a-t-il eu des Israéliens connus qui ont pris votre défense, et si non, pourquoi ?

HZ : C’est à peine si quelqu’un m’a défendue. Jamal [Zehalka] a dit que cette Knesset est la pire que nous ayons jamais eue. Selon les huissiers et les employés qui travaillent à la Knesset depuis 30 ans, celle-ci n’a jamais été aussi raciste. Je crois qu’avec un gouvernement dirigé par des types comme Avigdor Lieberman [ministre des affaires étrangères], les plus extrémistes ne se trouvent pas à la marge de la Knesset, ils en occupent l’avant-scène. Ceux qui m’ont hurlé dessus faisaient partie du Kadima, pas de l’extrême droite. Même le Meretz [le parti de gauche traditionnel] est devenu très centriste, ce qui lui a fait perdre du pouvoir.
Rivlin [speaker de la Knesset] avait bien plus peur de ternir l’image de la Knesset que de la violation de mes droits. Il n’y a pas de limites et le fameux slogan de Lieberman est maintenant repris par tout le monde : « citoyenneté égale loyauté ». Bien entendu, il donne au mot loyauté un sens fasciste. Même lorsque Eli Yishai [ministre de l’intérieur] a demandé la révocation de ma citoyenneté, la presse israélienne ne s’en est jamais indignée. Quel genre d’État avons-nous ? Je viens de lire un article sur la question !
Le journaliste Amnon Levy [de Yediot Aharonot] a été le seul à m’avoir défendue. Il a dit que ce qui arrivait était si absurde qu’il faudrait remercier Haneen de faire parti de cette Knesset sioniste. Il faudrait remercier les Palestiniens de participer au jeu sioniste.



MB : L’atmosphère anti- Arabe en Israël est-elle un phénomène nouveau ou s’est-elle alourdie depuis un certain temps ?

HZ : Ce n’est rien de neuf et le phénomène n’a pas commencé après l’affaire de la Flottille. Cela a réellement débuté après la deuxième Intifada lorsque des centaines de milliers d’Israéliens Palestiniens sont descendus dans la rue, non pas pour manifester au sujet de problèmes internes, mais pour soutenir l’Intifada. Ils disaient clairement aux Israéliens que l’État avait échoué à créer le modèle du nouvel « Arabe israélien ».
C’est ce que l’État essayait de faire de nous : essayer de créer un Arabe israélien, quelqu’un qui ne serait pas 100% Israélien, parce que nous ne sommes pas juifs, mais bien sûr pas totalement arabes non plus. On nous disait que nous pouvions garder notre langue et notre culture, mais non pas la mémoire de notre histoire, notre culture ou notre identité, si ce n’est à un niveau émotionnel et romantique. En résumé, nous ne pouvions pas être Palestiniens.
La deuxième Intifada a marqué un tournant. Elle a signifié à Israël qu’il pouvait contrôler les écoles, notre histoire et les médias, mais qu’il ne pouvait pas nous empêcher d’affirmer notre identité. Ceci a amené directement Yuval Diskin, le directeur du Shin Beth, à déclarer en 2007 qu’il combattrait toute activité politique qui ne reconnaissait pas Israël comme un État juif, même si les activités étaient menées ouvertement et démocratiquement. Ce disant, il visait clairement le Balad. Petit détail, sa déclaration n’a choqué aucun journal israélien.



MB : Le fondateur du parti Balad, Azmi Bishara, a été obligé de s’exiler après avoir été accusé d’espionnage pour le compte du Hezbollah. Amir Makhoul, dirigeant de la société civile palestinienne en Israël, a été placé en détention administrative et il est la cible d’accusations similaires. Omar Saïd et beaucoup d’autres militants font l’objet d’une enquête du Shin Beth. Qu’est-ce que le gouvernement cherche à faire avec ces mesures ?

HZ : Les autorités cherchent à établir des limites à notre identité politique et disent que nous ne pouvons pas avoir de relations avec le monde arabe extérieur. Elles veulent redéfinir les marges de la démocratie de manière à exclure tout programme politique demandant la pleine égalité. Nous demandons l’égalité sans le sionisme. C’est ce que dit le parti Balad. Le fait est que exiger la pleine égalité civique et nationale correspond en fait à exiger la fin du sionisme. Nous ne haïssons pas le sionisme, c’est le sionisme qui hait la démocratie.
Si l’État continue sur cette voie, il changera en fait les règles du jeu. Balad dit que la démocratie a des limites claires. Nous croyons dans les valeurs démocratiques et dans le système et nous utiliserons ces limites de la démocratie pour présenter la manière dont nous voyons une pleine égalité. Si Israël veut effacer ces limites de manière à délégitimer notre perspective sur la scène israélienne, c’est un jeu totalement différent qui se jouera entre l’État et nous. Vu ce qui se passe, l’État nous pousse dans une crise. S’ il disqualifie Balad, aucun parti arabe n’entrera à la Knesset et il s’ensuivra une crise énorme. Si les Arabes n’ont aucun rôle au parlement, la relation entre l’État et nous sera différente. Ce serait la fin de la démocratie. Mais nous savons que c’est ce qui se passera avec un État juif : la fin de la démocratie est une issue inévitable.
MB : Comment votre notoriété après la Flottille s’est-elle répercutée sur la situation des Palestiniens en Israël ?
HZ : Il est possible que la flottille ait été le début d’une nouvelle phase dans l’histoire. Israël aime que nous [les Palestiniens en Israël] restions loin des feux de la rampe. Il nous a opprimés en coulisse, tout comme il a exécuté la Nakba en coulisse. Il a continué à restreindre notre identité et le monde ne nous a pas traités comme faisant partie de la question palestinienne parce que le monde pensait qu’Israël était une démocratie et que nous en constituions seulement une partie. Le monde n’avait d’yeux que pour le siège de Gaza.
Donc en m’attaquant, les membres de la Knesset ont montré au monde leur véritable nature. Et si le monde commence à y prêter attention, spécialement la partie qui ne soutenait pas traditionnellement les Palestiniens et qui croyait qu’Israël devrait être une vraie démocratie, j’espère que l’affaire de la Flottille et ses répercussions montreront qu’Israël a un problème structurel profond et que ce n’est pas un problème de politique. Le problème ne tient pas au caractère extrémiste du gouvernement. Le problème est que la plus grande menace pour le sionisme est la démocratie. C’est ça le problème.




De Martin Buber, philosophe juif, 
s’adressant à Ben Gourion, mars 1949.
 « Nous devrons affronter la réalité qu’Israël 
n’est ni innocent, ni rédemptif. 
Et qu’à sa création et dans son expansion, 
nous, en tant que Juifs, 
avons crée ce dont  nous avons 
historiquement souffert, 
une population de réfugiés en Diaspora. »

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