samedi 21 août 2010

Nettoyage Ethnique de la Palestine [Plan Daleth, par Ilan Pappé]

ILAN PAPPE  Historien Israélien
« LE NETOYAGE  ETHNIQUE  DE  LA PALESTINE » : 
Sur une population largement sans défense

( X - Principaux massacres )

La « Maison rouge » était un bâtiment typique des premiers temps de Tel-Aviv. Construite dans les années 1920 par les artisans juifs pour être le siège de l’union locale du syndicat ouvrier. Jusqu’au jour où vers la fin de 1947 elle devint le cartier général de la Haganah. (La principale milice clandestine "terroriste" sioniste en Palestine.)
L’appelait-on « rouge » à cause de son association avec le mouvement ouvrier, ou de la teinte un peu pourprée qu’elle prenait au soleil couchant ?
Dans cette maison le 10 mars 1948, onze hommes, vieux dirigeants sionistes et jeunes officiers juifs, ont mis la dernière main à un plan de nettoyage ethnique de la Palestine. Le soir même, des ordres ont été aux unités sur le terrain pour préparer l’expulsion systématique des Palestiniens des vastes régions du pays. Ces ordres s’accompagnaient d’une description détaillée des méthodes à employer pour évacuer les habitants de force : intimidation massive, siège et pilonnage des villages et des quartiers, incendie des maisons, des biens, des marchandises, expulsion et pose de mines dans les décombres pour empêcher les expulsés de revenir. Chaque unité a reçu sa propre liste de villages et quartiers ciblés, dans le cadre du plan global. Le « plan D » (en hébreu Daleth) – tel était son nom de code –
Les dirigeants sionistes face à la présence de tant de Palestiniens sur la terre que le mouvement national juif revendiquait comme sienne le plan Daleth était clair et sans ambiguïté : ils devaient partir. Pour citer l’un des premiers historiens à avoir remarqué l’importance de ce plan, Simha Flapan, « la campagne militaire contre les Arabes, dont la "conquête et destruction des zones rurales", était exposé en détail dans le plan Daleth de la Haganah ». De fait, son objectif était la destruction de la Palestine rurale et urbaine.
La politique sioniste s’est d’abord fondée, en février 1947, sur une logique de représailles  - après provocation – contre les attaques palestiniennes ; puis en mars 1948, elle a pris l’initiative d’un nettoyage ethnique à l’échelle du pays.
Une fois la décision prise, près de 800 000 personnes – plus de moitié de la population indigène de Palestine – avait été déracinée, 531 villages détruits, 11 quartiers vidés de leurs habitants. Le plan décidé le 10 mars 1948 et surtout sa mise en œuvre systématique au cours des mois suivants ont été un cas clair et net de ce « nettoyage ethnique » que le droit international actuel considère comme un crime contre l’humanité.
Dans notre monde moderne, notamment depuis l’essor des medias électroniques, on ne peut plus nier ou cacher à l’opinion publique les catastrophes crées par l’homme. Un des ces crimes, pourtant, a été presque entièrement effacé de la mémoire publique mondiale :
« La spoliation des Palestiniens par Israël en 1948.Cet événement, le plus fondamental de l’histoire moderne de la Palestine, a été systématiquement nié ; il n’est toujours pas reconnu. »
Peut-être est-il difficile de dire comment qualifier ou traiter, sur le plan du droit, les initiateurs et les exécutants du nettoyage ethnique de 1948 en Palestine, mais il est possible de reconstituer leurs crimes. Nous connaissons aussi les noms des officiers supérieurs qui ont exécuté les ordres. Tous sont des figures familières du panthéon de l’héroïsme israélien. Et jouaient, il n’y a pas si longtemps, un rôle majeur dans la politique et la société israélienne.
Pour les Palestiniens, outre le traumatisme, la frustration la plus profonde a été de voir constamment, depuis 1948, le comportement criminel de ces hommes si radicalement nié et la souffrance palestinienne si totalement ignorée.
La reconstitution historique que le récit officiel israélien de 1948 avait tout fait pour dissimuler et pour déformer. Le conte qu’avait concocté l’historiographie sionisme parlait d’un « transfert volontaire » massifs de centaines de milliers de Palestiniens. Les historiens palestiniens dont le plus éminent est Walid Khalidi,  d’ont réussi à retrouver une large part de ce qu’Israël avait tenté d’effacer. Confirmé par l’ouvrage de Michael Palumbo, dont le livre The Palestinian Catastrophe, publié en 1987, se fondait sur des documents de l’ONU.
Un petit groupe d’historiens israéliens ont tenté de réviser le récit sioniste de la guerre de 1948. Ilan Pappe en faisait partie mais  « les nouveaux historiens » se concentrant sur les détails, conformément à un travers typiques des historiens de la diplomatie, ont marginalisé la lutte contre la négation de la Nakba. Néanmoins en exploitant les archives militaires d’Israël, les nouveaux historiens israéliens ont réussi à montrer combien était fausse et absurde la thèse sioniste des « Palestiniens partis d’eux-mêmes ».
L’historien israélien Benny Morris a été l’un des auteurs les plus en vue sur le sujet. Comme il s’est exclusivement fondé sur des documents d’archives militaires, le récit était partiel parce que Morris avait pris au pied de la lettre et considéré comme vérité absolue les rapports militaires trouvés dans les archives. Il a donc ignoré des atrocités comme l’empoisonnement de l’alimentation en eau d’Acre par la typhoïde, de nombreux cas de viol et des dizaines de massacres perpétrés par des soldats juifs.
Avant le 15 mai 1948 a une époque où les forces Britanniques étaient encore responsables du maintien de l’ordre dans le pays, les forces juives avaient déjà réussi à expulser par la violence près de 250 000 Palestiniens.
Aller plus loin, d’autres avaient déjà commencé à le faire. L’ouvrage le plus important, a été le livre de Walid Khalidi, All That Remains. C’est un almanach des villages détruits, qui demeure un guide essentiel pour qui veut mesurer l’ampleur de la catastrophe de 1948.
Dans son livre Ilan Pappe voudrait explorer à la fois le mécanisme du nettoyage ethnique de 1948 et le système cognitif qui a permis au monde d’oublier et aux perpétrateurs de nier le crime commis par le mouvement sioniste contre le peuple palestiniens en 1948. Il veut plaider pour la refondation de la recherche historique et du débat public sur 1948 : le paradigme du nettoyage ethnique doit remplacer celui de la guerre.

Quand il a crée son État-Nation, le mouvement sioniste n’a pas fait une guerre dont la conséquence « tragique mais inévitable » a été l’expulsion d’une « partie » de la population indigène. C’est le contraire. L’objectif premier était le nettoyage ethnique de l’ensemble de Palestine, que le mouvement convoitait pour son nouvel État.
Les formulations floues qui dédouanent les États souverains et permettent aux individus d’échapper à la justice. C’est ainsi que le point de vue des gouvernements israéliens, comme ils savent si bien le répéter au monde depuis des années, c’est « nous » laisser, nous les Israéliens, représentants du camp « civilisé »  et « rationnel » dans ce conflit, chercher une solution équitable pour « nous-mêmes » et pour l’autre partie, les Palestiniens, qui, près tout, sont la meilleure incarnation du monde arabe « peu civilisé » et « émotif » auquel ils appartiennent. Quant il s’est avéré que les Etats-Unis étaient prêts à adopter cette approche déséquilibrée et à soutenir l’arrogance qui la fonde, nous avons eu un « processus de paix » qui n’a conduit et ne pouvait conduire nulle part, puisqu’il ignore totalement le cœur du sujet.  
C’est l’histoire simple mais horrible du nettoyage ethnique de la Palestine, un crime contre l’humanité qu’Israël a voulu nier et faire oublier au monde. Il nous incombe de le sauver de l’oubli, et pas seulement dans un geste trop longtemps différé de reconstruction historiographique ou de conscience professionnelle.

Drazen Petrovic, estime : « que le nettoyage ethnique est une politique bien définie d’un groupe particulier de personnes, visant à éliminer systématiquement d’un territoire donnée un autre groupe sur la base de l’origine religieuse, ethnique ou nationale. Cette politique implique la violence, et se trouve très souvent liée à des opérations militaires. Elle est à exécuter par tous les moyens possibles, de la discrimination à l’extermination, et implique les violations des droits humains et du droit humanitaire international. […] La plupart des méthodes de nettoyage ethnique constituent de graves infractions aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977.

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