mercredi 1 décembre 2010

Munir Shafiq - Quand nous nous portons volontaires

Quand nous nous portons volontaires pour trouver une solution
[ 28/11/2010 - 16:49 ]
Munir Shafiq - Mawazeen

A l’origine, le projet d’un seul Etat fut un prélude pour faire accepter aux Palestiniens, Arabes et musulmans les émigrations juives qui menaçaient de spolier la Palestine avant de leur faire avaler la résolution de partage, écrit Munir Shafiq.

Suite à l’impasse devant laquelle se trouve la « solution des deux Etats » proposée par le président américain George W Bush et adoptée par Barak Obama par la suite, impasse, échec, situation désespérante ou absurdité de continuer à l’adopter, certains proposent, à partir de différents courants politiques, de renouer avec le projet ou d’adopter le projet de « la solution d’un seul Etat ».

Parmi eux se trouvent des personnes ayant participé aux négociations pour parvenir à la solution des deux Etats ou ayant soutenu le processus politique après Oslo ou à partir d’Oslo. Pour ces participants, le fait d’agiter la solution d’un seul Etat a pour but d’ « alarmer » le négociateur israélien et le convaincre de faciliter le processus amenant à la « solution des deux Etats » pour qu’il n’ait pas à affronter « la solution d’un seul Etat ».

Quant aux autres qui soutiennent le processus politique basé sur l’accord d’Oslo ou la conférence de Madrid, ou la résolution 242 plus l’Etat palestinien (projet avant la conférence de Madrid, au temps de la « guerre froide » - la ligne soviétique), la plupart de ceux-là se rassemblent d’une manière ou d’une autre, aujourd’hui pour adopter le projet d’un « seul Etat » après avoir réalisé l’irréalisme d’une solution basée sur les bases suivantes : la chute du processus politique commencé à partir de la résolution 242, opérée par Bill Clinton, puis Bush - Obama par le biais de Rice - Mitchell, jusqu’au niveau actuel. C’est le chemin adopté par le processus politique, il n’y en avait pas d’autres, mis à part des suppositions qui n’ont su être concrétisées et qui se prétendaient réalistes ou étaient basées sur cette prétention. Tout autre choix a été refusé, notamment celui sur lequel a été fondé l’OLP, au cours de ses étapes en 1964 et 1968, ou sur lequel ont été fondées toutes ses organisations.

En un mot, ceux-là se sont éloignés de la stratégie du processus politique ayant visé la « solution de deux Etats », non pour revenir aux constantes de la cause palestinienne, à la stratégie du boycott, de la résistance et de la lutte, mais pour adopter le projet d’un « seul Etat », sans cependant nous dire comment le réaliser, ce qui veut dire que nous sommes devant un nouvel objectif dépourvu de stratégie et de tactique précis pour le réaliser, et sans définir l’identité de l’Etat visé ou même son nom entier.

La proposition d’un « seul Etat » n’est pas nouvelle. Elle fut discutée, au moins, au début des années trente du siècle dernier jusqu’à la parution de la résolution 181 en 1947 du partage de la Palestine. Même cette résolution avait maintenu en son sein l’idée de la fondation d’un seul Etat, mais suite à l’établissement des deux Etats qui seraient reliés par une unité économique et des relations qui y mèneraient.

Depuis, le projet d’un seul Etat a été posé sur les étagères et a pratiquement disparu, il ne fut plus mentionné entre 1948 et 1969, mais il fut de nouveau proposé dans un autre langage et avec d’autres contenus, et différent du précédent, grâce au mouvement Fateh avec le slogan de la fondation d’un seul Etat démocratique palestinien basé sur la laïcité, où les chrétiens, les musulmans et les juifs seraient égaux. Cependant le Fateh avait rattaché son projet à la libération de la Palestine et de la suppression de l’entité sioniste, avec toutes ses institutions : l’Etat, l’armée et l’idéologie, et évidemment, au retour de tous les réfugiés à leurs maisons, leurs villages et villes (droit au retour).

Il faut remarquer la différence fondamentale entre le projet de l’Etat démocratique palestinien et le projet actuel d’un seul Etat. Le premier a été défini à partir de l’objectif de la libération basée sur la lutte armée et la suppression de l’entité sioniste. Alors que le second n’a pas d’identité définie, est-elle palestinienne ou israélienne ? Quoi d’autre ? Il ne définit pas comment y parvenir, est-ce par le biais des négociations, un accord tacite, une résolution internationale qui le revendiquerait et l’imposerait ou serait-il une solution couronnant une série de solutions ? Est-ce qu’il viendrait suite à des formes particulières de lutte ou suite à toutes ces formes ? Est-ce qu’il serait une solution après la libération et le retour des réfugiés et déplacés vers toute la Palestine ou bien serait-il limité essentiellement aux habitants de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et d’autres ?
Le problème des adeptes du « seul état » est qu’ils sont retournés vers cet ancien slogan par suite de l’échec de la solution des deux Etats, ou parce qu’ils veulent s’adresser à l’opinion publique en affichant une attitude humaniste éloignée de l’accusation d’antisémitisme, de vouloir chasser les juifs de la Palestine ou de vouloir la suppression de l’Etat « d’Israël ». Ainsi, le projet d’un « seul Etat » est né aujourd’hui pour ne pas affronter l’impasse d’une non-solution. Mais il y a encore ceux qui l’ont proposé pour convaincre le Hamas de la nécessité de s’adresser au monde en proposant une solution humaniste, puisque les adeptes de « la solution des deux Etats » ont perdu le terrain sur lequel il se tiennent, et que l’alternative est réclamée à plus d’un niveau, palestinien, arabe, islamique et mondial.

Dès la première étape, au début des années 30 jusqu’en 1947, lorsque le mouvement national palestinien avait accepté l’instauration d’un Etat palestinien qui intègre des centaines de milliers d’émigrés juifs, tout en maintenant une majorité arabe (musulmans et chrétiens), le slogan d’un seul Etat a joué le rôle de tampon pour absorber la perte des droits fondamentaux du peuple palestinien qui pourrait en découler, ou en d’autres termes, accepter d’intégrer l’émigration illégale vers la Palestine. Ce fut l’objectif par exemple du « livre blanc » présenté par la Grande-Bretagne en guise de solution.
Puis la résolution d’un seul Etat fut utilisée pour faire accepter la résolution de partage en 1947 en présentant le partage de la Palestine comme solution provisoire, ou bien que la fondation de l’Etat « d’Israël » serait provisoire avant que ne soit instauré l’Etat palestinien, unifié et seul.

En d’autres termes, le projet d’un seul Etat fut un prélude pour faire accepter aux Palestiniens, Arabes et musulmans les émigrations juives qui menaçaient de spolier la Palestine avant de leur faire avaler la résolution de partage.

Quant à la seconde étape, qui s’étale de 1948 à 1967 (guerre de juin), elle consista à faire admettre la fondation de l’Etat de l’entité sioniste, l’expulsion des 2/3 du peuple palestinien de ses maisons, ses terres, ses villages et ses villes, et l’installation de colons juifs à sa place, et cela, grâce à des projets illusoires consistant à trouver des solutions à la question des réfugiés palestiniens, allant de la revendication d’appliquer les résolutions du conseil des Nations-Unies (la résolution 181 du partage et la résolution 194 du retour) jusqu’à des solutions proposant le retour partiel, l’installation partielle dans les pays d’accueil et une compensation générale.

La reprise du slogan d’un seul Etat, avec le projet d’Etat démocratique proposé par le Fateh avait pour but de s’adresser à l’opinion publique et de rejeter l’accusation de vouloir chasser les juifs de la Palestine, en voulant proposer une solution humaniste au service de la lutte armée et du but de la libération totale.
Mais l’accueil de ce pas du Fateh par divers milieux sionistes, de gauche, et des gouvernements occidentaux, malgré les buts différents recherchés par chaque partie qui approuvait, a été favorable parce qu’il comportait une reconnaissance des droits égaux pour les juifs avec les musulmans et les chrétiens arabes en Palestine, alors que le détenteur unique, légal et exclusif du droit à l’autodétermination de la Palestine, selon le droit international, est le peuple palestinien.
Le Fateh a ici fait une concession gratuite aux juifs, sans contrepartie de leur côté, au sens où ils n’ont pas accepté, de leur côté, l’égalité des droits avec les musulmans et les chrétiens arabes de Palestine. Il a considéré, ce faisant, qu’il allait influer sur l’opinion publique juive à l’intérieur de la Palestine et sur l’opinion publique internationale (1).
A peine deux ans après cet important pas « positif » de la part du Fateh, l’OLP en est également touchée ainsi que l’opinion publique arabe, mais pas du tout l’opinion internationale ou israélienne, à l’exception d’un très faible nombre de la gauche et des élites, mais commence l’attaque des « nouveaux amis » : l’Union soviétique et son camp d’abord, puis les représentants de l’opinion publique occidentale, ensuite, considérant que le slogan de l’Etat démocratique n’est ni pratique ni réaliste, car il vise la suppression de « l’Etat d’Israël », ce qui ne peut être accepté sur le plan international. Il ne peut, par conséquent, être une solution à la question palestinienne. Il est donc réclamé de présenter un nouveau projet (de nouvelles concessions).

Le Fateh devait alors faire une nouvelle concession gratuite pour satisfaire Sadate, gagner l’Union soviétique et préparer le terrain pour une solution réaliste dont le plafond serait la résolution 242. Cela s’est traduit par le « projet en dix points », soit la présentation d’un programme minimum qui réclame la création d’une autorité nationale sur toute parcelle libérée de terre de la Palestine, sans indiquer cependant l’instauration d’un Etat palestinien pour éviter l’accusation de vouloir reconnaître l’Etat de l’entité sioniste, ou la solution des deux Etats, et sans mentionner l’approbation de la résolution 242. Au contraire, pour se faire admettre, le programme en dix points a inclus le refus de la résolution 242 ainsi que le refus de la réconciliation, de la reconnaissance, des négociations ou l’abandon de la lutte armée en vue de la libération.

Ainsi, l’objectif d’un seul Etat s’est estompé, en commençant par un programme minimum, où l’objectif de la libération totale et d’un seul Etat démocratique demeure comme « programme maximum » (cela a été naturellement oublié par la suite).
Le programme en dix points fut le début et il a préparé le terrain pour passer au projet de l’Etat indépendant de 1988, sous le plafond de la résolution 242 ou dans les « frontières » du 4 juin 1967, suivi par la conférence de Madrid, l’accord d’Oslo, puis les ententes de la conférence d’Annapolis : la solution des deux Etats par le biais des négociations qui décideront de tout ce qui se rattache à ses conditions. Mais depuis l’accord d’Oslo basé sur des négociations bilatérales palestino-israéliennes secrètes, la colonisation et la judaïsation d’al-Qods ainsi que la confiscation des terres de la vallée du Jourdain se sont amplifiées, dans le cadre des négociations, contrairement à ce qui a été prétendu ou qui était supposé, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien sur lequel fonder un Etat palestinien. L’accentuation de la colonisation se poursuit dans le cadre de la médiation de l’administration d’Obama, entraînant, pour beaucoup, l’impasse de la « solution des deux Etats ». C’est alors que le projet d’un seul Etat est repris alors qu’il était mis de côté, aux côtés des résolutions de mauvaise augure du conseil des Nations-Unies, ainsi qu’aux côtés de l’accord d’Oslo et de la Feuille de route, même mauvais et au plafond très bas.
Si le projet d’un seul Etat revêtu à l’ancienne est une tragédie, son nouveau revêtement en fait une farce ou un divertissement. C’est pourquoi les adeptes du nouveau projet le proposent comme moyen de fuite ou à l’improviste, sans définir le degré de son réalisme, ni son identité, ni sa stratégie ou tactique, à l’exception de quelques fonctions qu’il pourrait remplir, selon leurs conceptions. Loin d’être une solution, il peut juste être considéré comme un slogan. Mais même ces fonctions secondaires sont hors d’atteinte, s’il s’agit de viser l’opinion publique internationale ou de mener la lutte sous sa bannière.
La question demeure : si la solution des deux Etats a prouvé être irréaliste et se trouve devant une impasse, hormis le fait de proclamer un Etat palestinien ou d’accepter l’instauration d’un Etat selon les dernières conditions ou propositions israéliennes non encore proclamées, ce qui serait également hors d’atteinte et même éloigné du plafond de Bush-Obama, comment Mahmoud Abbas et ceux qui sont à son niveau, parmi les Etats arabes (l’Egypte notamment) vont-ils agir ? Si la solution d’un seul Etat est uniquement un slogan, sans identité ni terre ni plafond ni murs, quelle est la solution ?
La réponse doit s’appuyer avant tout sur le droit, les constantes, les principes et la justice et considérer que l’émigration juive en vue de fonder une patrie nationale pour les Juifs en Palestine, autorisée par le mandat britannique, les résolutions internationales du conseil des Nations à partir de la résolution de partage 181 en 1947, l’Etat d’Israël ayant été proclamé en s’y appuyant, puis les résolutions qui ont suivi, y compris la résolution 242, représentent une injustice évidente envers le peuple palestinien et un détournement du droit international, du traité du conseil des Nations-Unies et une violation des Nations-Unies, et une violation de son droit constant à l’autodétermination dès la fin du mandat britannique tel que le mentionne le droit international.

Concernant la référence au droit, aux constantes, aux principes et à la justice, toutes les mesures prises pour fonder et entériner l’Etat de l’entité sioniste, entraînant l’expulsion de la majorité du peuple palestinien de ses maisons, ses villages et ses villes, ainsi que les résolutions internationales qui ont émané et les solutions qui ont été proposées à la question représentent soit une violation, soit une opposition au droit, aux constantes, aux principes et à la justice.

Ensuite, la seconde réponse, qui est non moins importante et moins rigoureuse que la première, s’appuie sur l’expérience concrète de toutes les résolutions internationales et des projets « pratiques » pour trouver une solution à la question palestinienne et au problème du peuple palestinien, à partir du Livre blanc, les propositions avancées pour fonder un seul Etat avant 1947, puis la résolution 181 du partage, la résolution 194 et les résolutions 242 et 338, pour finir avec la conférence de Madrid et l’accord d’Oslo, les négociations de Camp David II, puis les négociations ayant suivi la conférence d’Annapolis, qui s’appuyaient sur la Feuille de route et les négociations bilatérales directes pour trouver une solution sur la base des deux Etats, toutes sont irréalistes et non pratiques, puisqu’elles ont entraîné un effritement supplémentaire des terres de la Cisjordanie, la judaïsation encore plus poussée d’al-Qods, une saignée d’exil encore plus vaste et continue des Palestiniens et un durcissement américano-sioniste considérant que « l’Etat d’Israël » est un Etat pour les Juifs seulement. Toutes ont soufflé les principes de la cause palestinienne d’un côté et constituent une menace d’exil pour les Palestiniens qui sont restés dans l’Etat de l’entité sioniste après sa fondation d’autre part. Cela a eu pour résultats de commencer à effacer les traits des villes et des villages arabes et à les judaïser, comme Yafa, Haïfa, Akka, Lid et Ramleh, et ne plus se contenter de l’habiter et de l’exploiter en tant que « propriété des absents », comme ce fut le cas depuis 1948 jusqu’à la période récente. Aujourd’hui, dans le cadre du processus de règlement actuel, la situation est passée à la judaïsation et à la modification de la réalité en promulguant des lois permettant aux juifs de se les approprier.

En résumé, le parcours de la recherche de soi-disant solutions intermédiaires dans le cadre de la fondation de l’Etat de l’entité sioniste a prouvé qu’il est irréaliste, impraticable et impossible, plus que ne le sont ceux qui sont accusés de s’accrocher aux principes de la question palestinienne, aux constantes du droit du peuple palestinien à sa patrie et au refus de tous les projets de règlement considérés d’une part, comme le fait d’entériner l’injustice, la spoliation de la terre, l’expulsion de sa population autochtone, et d’autre part, un encouragement à poursuivre la colonisation, la judaïsation, le vol incessant des terres en Cisjordanie pour qu’il n’y ait plus de Palestiniens ni aucune trace du peuple palestinien en Cisjordanie. Sans l’évolution de la situation dans la bande de Gaza qui a imposé le désengagement, le démantèlement des colonies et la difficulté de l’occuper à nouveau, elle aurait eu le même sort que la Cisjordanie du point de vue de la colonisation, de la confiscation des terres et de l’expulsion des Palestiniens.

C’est la conclusion réaliste de ce qui est connu comme étant le processus de règlement, qui s’est construit sur le parcours des concessions palestiniennes, arabes et internationales, qui se poursuit depuis l’acceptation des émigrations juives coloniales pendant le mandat britannique et sous la protection de ses soldats, et par l’acceptation des résolutions du conseil des Nations-Unies, jusqu’à arriver à la résolution 242, puis le processus de règlement direct sous égide américano-européen, soit le quartet.
Ce parcours fut accompagné d’incessantes concessions internationales quant aux résolutions, recommandations et positions antérieures, formulées par les grandes puissances elles-mêmes en tant que politique officielle, dès la concession vis-à-vis des résolutions 181 et 194 au profit des résolutions 242 et 338, puis l’abandon de ces deux dernières au profit de la Feuille de route et des négociations directes en fonction de ce que s’accordent les deux parties, et ainsi les résolutions internationales sont devenues une référence formelle tant que la solution a été remise aux négociations et à ce qui satisfait les deux parties « négociatrices ».

C’est pourquoi il faut rejeter le respect de toute résolution internationale ou politique annoncée adoptée par les grandes puissances au conseil de sécurité, non pas seulement du point de vue de l’injustice faite au droit palestinien mais aussi pour le degré de constance et de respect des grandes puissances elles-mêmes de leurs propres résolutions. L’expérience concrète a prouvé qu’elles ne respectent aucune résolution qu’elles ont elles-mêmes formulées et ne maintiennent aucune position qu’elles ont proclamées. Leur parcours consiste à passer d’un pas à l’autre pour adopter ou couvrir le projet sioniste dans son ensemble : faire dépendre la solution des négociations ou de ce qui satisfait les deux parties constitue en fait une complicité qui vise à entériner les mesures de colonisation faites sur le terrain, l’expulsion des Arabes et la judaïsation d’al-Qods. Récemment, ils ont encore inventé une formule « la création d’un Etat palestinien dans les frontières de juin 1967 avec un échange de territoires ». L’échange de territoires conteste nécessairement la « référence » aux frontières de juin 1967, car il entérine la colonisation et la judaïsation et couvre et couvrira la colonisation et la judaïsation dans le cadre des négociations.

Ainsi, nous pouvons dire, sans grande exagération, que le processus de règlement n’a pas prouvé qu’il est le chemin du réalisme et des solutions pratiques possibles, et qu’il peut sauver ce qu’il est possible de sauver. Ce qui s’est passé à sa suite ou dans son cadre est plus grave que ce qui s’est passé avant lui, lors du boycott et du refus des négociations, de la réconciliation et de la reconnaissance, entre 1948 et 1979, soit jusqu’aux négociations directes et la proclamation de la disposition à reconnaître et se réconcilier suite à la visite du président Anouar Sadate à l’entité sioniste et la signature du traité égypto-israélien.

Vient ensuite la comparaison la plus mauvaise avec les étapes précédentes, après la conférence de Madrid, l’accord d’Oslo et les négociations palestino-israéliennes et les pas en direction de la normalisation, et finalement la proclamation de l’initiative arabe en vue de la paix, et les ententes de la conférence d’Annapolis, la résolution du comité de suivi de l’initiative arabe à la Ligue arabe qui s’est mise à couvrir les ententes d’Obama-Netanyahu et les concessions de Mahmoud Abbas.
Ces résultats catastrophiques sont principalement dus au parcours du règlement et des concessions, c’est-à-dire le parcours de la recherche de solutions là où elles n’existent pas. Ce parcours a encouragé le projet sioniste à modifier de manière extrêmement rapide la situation présente sur le terrain, non seulement en Cisjordanie, mais aussi dans les territoires dont il s’est emparé au cours de la guerre de 1948 et qui représentent 78% de la Palestine.

En résumé, le parcours du règlement est dénoncé non seulement du point de vue des principes et des constantes, mais par le rejet de ses prétentions à être réaliste et pratique, voulant sauver ce qui peut être sauvé, ou gagner l’opinion publique internationale, voulant spécifier en premier lieu les Etats occidentaux. C’est pourquoi il a échoué et a perdu toute légitimité ou justification. De même, les projets de solutions sont arrivés à l’impasse pour imposer en fin de compte la thèse selon laquelle aucune solution n’est possible avec le projet sioniste et son ambition illimitée à s’étendre sur les terres palestiniennes et à les judaïser en totalité. Il faut rappeler que l’échec jusqu’à présent des processus de règlement est, concrètement, une chance pour ceux qui l’ont soutenu, Palestiniens et arabes, car leur succès les aurait placés dans une posture de trahison et de liquidation de la cause palestinienne.

D’un point de vue pratique, rien ne peut expliquer l’échec du processus de règlement sinon la non disposition de toutes les directions sionistes israéliennes à accepter une quelconque solution tant qu’elles convoitent de prendre ce qui reste entre les mains des Palestiniens d’une part, comme l’a prouvé l’expérience, les Etats occidentaux, et en premier lieu les Etats-Unis, ne veulent pas imposer une solution même sur les frontières minimum que sont prêts à accepter les Palestiniens qui ont fait le plus de concessions sur la terre, les droits et les constantes. Il a été prouvé que les gouvernements occidentaux n’ont pas été sincères ou sérieux avec leurs résolutions, et leurs dirigeants, depuis l’administration Clinton, sont encore plus faibles devant la domination juive sioniste dans leur pays, et plus en symbiose avec le projet sioniste, de sorte qu’ils ont posé une condition à toute solution, satisfaire les deux parties, soit la partie israélienne dans les négociations.

Ces deux vérités doivent être évidentes depuis l’émergence de la question palestinienne, que ce soit pour comprendre le projet sioniste et la mentalité de ses dirigeants dans le cadre d’une protection et d’un soutien international illimité et dans le cadre d’une stratégie internationale occidentale. Il est d’ailleurs lui-même l’auteur du projet, comme il faut le comprendre dans le cadre d’un effritement arabe, de divisions islamiques et une domination occidentale sur le rapport de forces international.
Comprendre ces deux vérités peut empêcher de succomber à l’illusion du règlement, et d’abandonner les politiques de boycott et de l’objection, mais peut aussi encourager les stratégies de la résistance et introduire fondamentalement des changements dans la situation arabe.

Les politiques arabes officielles entre 1948 et 1979 ont été marquées par le boycott, le refus des négociations, de la normalisation et de la réconciliation. Malgré leur modestie et l’absence de l’aspect positif consistant à posséder la force, sur le plan arabe en général (à l’exception des rares cas des mouvements de libération arabe qui furent encerclés, soumis à l’agression et l’occupation, et en premier lieu l’Egypte de Nasser), elles ont réussi à stopper l’activité de la judaïsation même dans les territoires occupés en 1948, et à limiter la colonisation en Cisjordanie et la bande de Gaza. Ce qui a imposé aux gouvernements de l’Etat de l’entité sioniste la préservation des quartiers arabes dans les villes et les villages, bien que les colons s’y soient installés. Leurs colonies n’ont pas été installées sur les ruines des villages détruits dont la population a été entièrement expulsée, jusqu’aux négociations d’Annapolis, où a commencé le processus d’appropriation des terres et des maisons et la modification des traits des villes historiques, par exemple à Akka et Yafa, et notamment dans la ville d’al-Qods, sans parler de l’isolement international dont a souffert l’entité.

Les processus de négociations et de reconnaissance menés par Sadate ont permis la construction des autoroutes à l’intérieur des régions occupées en 1948, qui s’ajoute à la carte de la résolution du partage. Les autoroutes et les routes de contournement n’ont été tracées en Cisjordanie qu’après les accords d’Oslo. L’appropriation des « propriétés des absents » n’a eu lieu qu’après les négociations à Annapolis, prouvant qu’avant le processus des règlements, l’entité craignait que des conditions interviennent et l’obligent à revenir et à reculer jusqu’aux lignes de partage, sinon jusqu’aux lignes de la trêve après 1967. Ce sont les concessions palestiniennes et arabes qui ont conduit la situation en Palestine à la judaïsation actuelle et au « principe » de l’échange des territoires en Cisjordanie, et à réduire ce qui reste de terres à un mini-Etat dont la superficie ne dépasse pas les 10% de la Palestine historique. Et même ces 10% seront disloqués et encerclés militairement de tous côtés, dépourvues d’eaux souterraines et sans souveraineté de leur espace aérien ni sur ses voies d’accès.

Parmi les points les plus négatifs issus de l’accord d’Oslo du point de vue du rapport de forces politique, ce fut l’élargissement de la reconnaissance diplomatique internationale de l’entité sioniste et l’encouragement à la normalisation arabe et palestinienne.
C’est cette grave réalisation sur le terrain et dans le processus du règlement qui a reposé la question de la solution d’un seul Etat, comme elle a encouragé par ailleurs la revendication de « la judéïté de l’Etat de l’entité sioniste ». Quelles que soient les causes et les motivations de chaque partie, elles se sont mises à répondre à l’appel à la « solution d’un seul Etat », cet appel ne faisant que maintenir l’espoir (l’illusion) de trouver une solution à la question palestinienne à laquelle les efforts devraient porter. Cette solution doit être commune et acceptée par les deux parties, les Palestiniens et les Israéliens, et c’est ce que signifie nécessairement et de quelque manière qu’on le définit, « un seul Etat ».

Ce qui signifie que nous sommes toujours dans le cadre des solutions à la question palestinienne, et toute solution est nécessairement une solution politique, d’autant plus que la condition de la libération et de la concrétisation du retour ne sont pas des préalables, d’une part, et d’autre part, elle offre généreusement et gratuitement, et sans contrepartie, une reconnaissance préalable du droit des émigrés colons en Palestine, et une égalité nécessaire avec les ayant-droit exclusifs, le peuple palestinien authentique et historique qui fut occupé par le mandat britannique après la première guerre mondiale. Ce droit incontestablement défini par le droit international a été pratiqué par tous les peuples anciennement colonisés, à l’exclusion du peuple palestinien qui en a été privé de force et par l’expulsion, et du fait de la résolution illégitime 181 du partage.

La question est : si l’expérience palestinienne dès les années 20 du XXème siècle jusqu’à présent a prouvé qu’il n’y a aucune solution à la question palestinienne dans le cadre spécifique du projet sioniste, de la stratégie occidentale et l’état de morcellement et de dépendance arabe, mais aussi musulman, pourquoi rechercher une solution hypothétique nouvelle-ancienne ? Pourquoi ne pas nous comporter avec la question palestinienne sur la base qu’aucune solution n’est possible et si cela a lieu, cela signifie la liquidation de la question. Il n’y a aucune autre issue que la lutte, rien que la lutte.

Bien évidemment, nous devons admettre cette vérité criante qu’il n’y a aucune autre solution que de mener la lutte. Il faut que cela soit affirmé à l’entité sioniste, en lui disant qu’il n’a aucune solution que de nous combattre, et que pour nous, il en est de même, toutes autres paroles ne sont que des mensonges et de la duperie, comme l’expérience l’a prouvé où la prédominance s’est intensifiée à l’ombre de la reconnaissance, de la normalisation, des négociations et de la proposition des solutions politiques, et ses convoitises ont augmenté avec tout recul palestinien, arabe et international.

Il faut que cette vérité soit affirmée face aux administrations américaines, aux gouvernements occidentaux, et par la même logique, leur disant qu’il n’y a pas d’autre solution que de mener la lutte. Toutes les résolutions internationales et les projets de solution furent des mensonges, une tromperie et une anesthésie des Palestiniens, des Arabes, des musulmans et du monde. En donnant l’illusion que vous avez une solution intermédiaire qui veut éviter l’affrontement (2), vous avez toujours soutenu le projet sioniste qui s’est érigé et s’est emparé de la Palestine, sous votre protection, et il a poursuivi l’expansion et la judaïsation grâce à votre soutien et votre couverture. Vous n’envisagez en fait que la prédominance qui s’est intensifiée en soutenant le projet sioniste dans le cadre du processus de règlement, de négociations, de normalisation et de réconciliation.

Tant qu’il en est ainsi, vous ne pouvez pas indéfiniment prétendre, après cette longue expérience, que vous êtes pour une solution politique par le biais des négociations, de vos résolutions ou de vos projets. La pratique et le parcours de vos positions changeantes ne mentent pas et disent que vous n’envisagez que la prédominance... Mis à part cela, tout a été au service de cette prédominance, remettre la Palestine en entier au projet sioniste, mais en portions, par étapes, avec une couverture de processus politiques qui donnent l’illusion d’une solution proche.

C’est pourquoi il faut que le peuple palestinien et tous les arabes et musulmans, ainsi que les êtres libres de ce monde soient mis devant cette vérité, afin que leur seul discours avec les sionistes soit l’affrontement et ses différentes stratégies politiques, militaires et économiques : résistance, boycott, refus de reconnaître et mobilisation des divers moyens de lutte.

Quant aux autres Etats, la Russie, la Chine, l’Inde et les pays du tiers-monde, il faut qu’ils soient mis en face de la véritable situation, à partir de la longue expérience avec l’entité sioniste et les politiques occidentales, et qu’ils définissent les attitudes qu’ils veulent adopter, mais il ne pourront rejeter ce que la longue expérience avec l’entité sioniste et les stratégies occidentales ont prouvé. Ils doivent choisir entre les deux camps ou demeurer dans la neutralité.

Ce qui est cependant important et décisif, c’est la confrontation du peuple palestinien, des Arabes et des musulmans ainsi que des êtres libres du monde avec cette vérité, celle qui dit que la prédominance par la force et la ruse politique (l’anesthésie grâce aux solutions politiques) est le trait dominant de l’occident et des gouvernements sionistes, tout au long de la dure expérience de la question palestinienne. Il faut dès lors mettre de côté toute illusion sur la possibilité de trouver une solution politique ou de tourner en rond dans le cadre d’un processus de règlement. C’est pourquoi nous devons insister, plus particulièrement, auprès du peuple palestinien et de la nation arabe car certains de leurs dirigeants furent à la base du désastre, en déviant de la ligne de la lutte qui a commencé par la résistance, le boycott, le refus de négocier, de normaliser, de se réconcilier et de reconnaître, avec des affrontements militaires limités en 1948, 1956, 1967, 1973, où certaines armées arabes se sont levées avant que n’intervienne le soutien à la résistance palestinienne de 1967 à 1974. Puis le recul a commencé avec la résolution « l’OLP le seul représentant légitime » pour finir, après la catastrophe du traité égypto-israélien, puis l’accord d’Oslo, par le slogan « nous acceptons ce que les Palestiniens acceptent », avec une approbation arabe du processus de règlement, à partir de la conférence de Madrid pour arriver à l’initiative de la paix arabe, en 2002, et ensuite, mais pas finalement, le comité de suivi de l’initiative arabe de la Ligue arabe assure une couverture aux politiques de Mahmoud Abbas et du gouvernement égyptien.

Concrètement, les choses ont été remises au processus de règlement et des conséquences qu’il a imposées, donnant naissance à un environnement où les collaborateurs agissent librement, ainsi que ceux qui ont abandonné et les corrompus qui veulent se débarrasser d’un mouvement de libération arabe ou des exigences de l’indépendance et de la question palestinienne, pour être en harmonie avec le projet américano-sioniste mondial, tout comme il a instauré un climat de quiétude générale des autres parties qui ont considéré que la paix règnera sur la région, et que nul effort de refus ou de boycott n’est nécessaire. Ils ont alors balancé la question palestinienne loin derrière le dos ou sur les épaules de l’OLP, sous le prétexte de se consacrer au développement de leurs pays, et certains sous le prétexte du besoin de réforme et de démocratie, terminant avec le slogan « aucune voix ne s’élève au-dessus de celle du combat », ou considérant que le problème essentiel réside dans la tyrannie et non dans les stratégies internationales, la partition et les rapports de force.

Par ailleurs, il reste encore des forces qui refusent de caresser ces illusions, avec ses conséquences et ces orientations. Elles se sont accrochées aux constantes, aux principes, à la résistance et ont pris en charge de creuser la pierre face à la domination des climats trompeurs de « paix ». Cela, quand ils n’affrontent pas la complicité et les insultes de l’attaque politique et idéologique qui les considèrent comme ayant une « langue de bois » et vivant dans le passé.

Quant à la population palestinienne et arabe, en général, elle se répartit entre l’attente de ce que peut apporter le processus de règlement, et la sympathie avec la résistance, doutant cependant des politiques qui se fient aux Etats-Unis et affirmant sans hésitation que l’ennemi est l’entité sioniste car ce dernier ne peut se transformer en une colombe de paix. Mais même ceux qui attendent, leur attente n’est que préparation pour retourner au soutien du refus et de la résistance lors de toute agression américano-sioniste, et de tout acquis de la résistance, qu’elle soit en Palestine ou au Liban, puis en Irak. L’opinion publique palestinienne et arabe a été la plus rapide à juger en échec le processus de règlement, à s’aligner aux côtés de la résistance et du refus et à isoler les dirigeants qui se sont fiés aux Etats-Unis et ont suivi le chemin des concessions à l’entité sioniste, par la normalisation, la reconnaissance ou en étant disposé à le faire (initiative de paix arabe).

Ainsi le climat est prêt pour affronter les réalités issues de l’expérience, que ce soit en ce qui concerne la faillite de la recherche des solutions à la question palestinienne, où il n’y a pas de terrain pour une solution, comme l’a confirmé l’expérience - et où aucun signe ne vient le contredire - ou ce qui se rattache aux réalisations de la résistance, notamment la libération du sud Liban en 2000, et la victoire contre l’agression au cours de la guerre de juillet - août 2006 au Liban, ou pour imposer le désengagement, le démantèlement des colonies dans la bande de Gaza, en 2005 puis la victoire sur l’agression au cours de la guerre contre la bande de Gaza, en 2008-2009, puis l’échec de l’occupation militaire américaine grâce à la résistance en Irak, et de même en Afghanistan.

Il faut ajouter à ces climats favorables le recul mondial de la domination américaine, et régional chez nous et dans d’autres régions, parallèlement à une grave crise financière internationale qui a ébranlé les bases sur lesquelles a été fondée la mondialisation dans les années 90 du siècle dernier, donnant naissance à un ensemble de vides dans l’ordre mondial (le désordre) mais aussi régional dans notre région, en Amérique Latine, en Asie et en Afrique. Il suffit de remarquer l’émergence du groupe des 20 Etats et le rôle du Brésil, de la Turquie et de l’Iran, du Venezuela, de la Syrie, de l’Afrique du Sud, de la Malaisie et de l’Indonésie, ainsi que l’entrée à nouveau de la Russie, de la Chine et de l’Inde au club des grandes puissances.

Les conditions sont présentes pour faire une percée au sujet de la question palestinienne, surtout en rejetant les illusions du règlement et des solutions, et en redonnant vie aux stratégies de l’intifada, du boycott, du refus et de la résistance, en considérant l’entité sioniste comme l’ennemi numéro un pour les Palestiniens, les Arabes et les musulmans, peuples et régimes.

Il faut que les Palestiniens, les Arabes et les musulmans reviennent aux constantes de la question palestinienne et à ses premiers récits, à partir du refus de reconnaître la légitimité de ce qui a été installé sur sa terre, des émigrations sionistes et de l’instauration de l’Etat de l’entité sioniste et des processus de colonisation et de judaïsation. Puis qu’ils reviennent pour considérer à nouveau la question de la Palestine en tant que question de la lutte arabe en premier lieu, une question islamique, humaine et internationale. Il faudra faire participer les Arabes comme les Palestiniens eux-mêmes, à sa libération, à son autodétermination et en finir avec le slogan de la représentativité légitime et unique. La question palestinienne doit de nouveau être la question centrale dans les coulisses de la Ligue arabe et pour chacun des régimes, tout comme elle doit l’être pour tout mouvement politique dans tout pays arabe. La relation avec l’entité sioniste doit revenir à la non reconnaissance de sa légitimité, et en faire une relation de guerre ou d’état de guerre et non une relation de paix ou de marche vers la paix.
Pour les partis et les mouvements dans les pays arabes, la question palestinienne doit se retrouver à la pointe de leur programme interne et devenir leur première cause. Il ne s’agit pas d’une relation de soutien, mais une relation spécifique et directe, comme pour les Palestiniens eux-mêmes.

Poser les choses de cette manière et à ce niveau est la seule manière susceptible d’introduire un profond changement dans le rapport de force, comme c’est la seule manière de fonder un ordre arabe ayant sa dignité et son indépendance, qui le ramène à la solidarité, l’entraide, la complémentarité dans le cadre d’un projet unitaire général. C’est la seule manière susceptible de doter les mouvements arabes du changement d’un caractère unitaire, révolutionnaire, basé sur les principes et qui se traduit par l’unité de la nation dans un projet concret.

C’est pour cela que proposer la solution d’un seul Etat devance la situation générale qui fait partie des mêmes climats générés par le processus de règlement et la recherche de solutions, alors qu’il faut percer ce cocon qui se nomme « solution politique de la question ».

Certains peuvent penser que le retour à la suprématie de l’équation de l’affrontement-lutte sous ses différentes formes, contre le projet impérialo-sioniste en Palestine, n’est qu’une forme d’extrémisme et d’irréalisme alors qu’en réalité, il n’est qu’une réponse à l’affrontement voulu par le même projet. Mener la guerre pour s’emparer de la Palestine a été le fait de la Grande-Bretagne et du projet sioniste, et cela se poursuit jusqu’à présent, et a été intensifié dans le cadre du processus de règlement, comme nous l’avons vu plus haut. Sinon, comment la colonisation et la judaïsation dans al-Qods, la Cisjordanie et les régions de 48 sont-elles arrivées à ce stade ? Comment expliquer leur poursuite et leur accentuation au point que ceux qui accourent vers le règlement et les négociateurs en Palestine ont déclaré que les choses sont arrivées à une impasse et que la « solution des deux Etats » n’est plus possible ?

Ce que propose ce document est une stratégie de lutte : la résistance, le boycott, la mobilisation des forces, au niveau palestinien, arabe, islamique, mondial pour affronter une guerre dont les buts sont la judaïsation de toute la Palestine, c’est une guerre dévoilée parfois et cachée d’autres fois par le processus du règlement, dont les piliers sont les gouvernements occidentaux et notamment les administrations américaines, l’armée sioniste et les appareils sécuritaires qui en dépendent. Si nous allons vers la confrontation, nous sommes en état de défense et nous ne tombons pas d’un parachute sur une réalité par simple désir volontariste. Les raisons objectives et subjectives israélo-américano-occidentales qui ont entraîné la chute de « la solution des deux Etats » et, précédemment, la solution d’un seul Etat sont les mêmes qui font de la solution actuelle « d’un seul Etat » une autre grande illusion.

Certains parmi ceux qui défendent la solution d’un seul Etat prétendent que nous devons présenter une solution raisonnable et acceptée par l’opinion publique internationale, tout comme l’ont proclamé ceux qui défendent l’idée de deux Etats. Mais qui nous dit que nous devons présenter une solution, alors que nous vivons dans l’exil, sous occupation ou victime du racisme de l’Etat de l’entité sioniste, alors qu’il nous est demandé de reconnaître que l’Etat d’Israël est juif dans le sens qu’il est uniquement pour les Juifs, ou alors qu’il nous faudrait proclamer être exemptés du racisme ou de l’antisémitisme ? Ceci est non seulement ridicule et attristant mais représente une situation à l’envers.
La question qui se pose est de savoir pourquoi devons-nous prouver notre innocence vis-à-vis du racisme ou de l’antisémitisme, et comment acceptons-nous d’être accusés, alors que notre histoire en Palestine, dans les pays arabes et musulmans en témoigne. Plus, comment acceptons-nous d’être accusés alors que nous avons été chassés de notre pays, qu’il nous a été pris, qu’il est en train d’être judaïsé et que cela est en train d’être entériné et même légitimé ? Alors que nous vivons une oppression raciste et un génocide et que des crimes de guerre sont commis à notre encontre ?

Cette demande est un complot contre nous comme il fut un complot contre le Fateh et l’OLP. L’expérience a été dite à haute voix et il a été prouvé qu’y répondre conduit aux résultats contraires, tout comme l’a prouvé l’expérience par l’adoption du slogan Etat démocratique puis les dix points, puis la proclamation de l’indépendance puis l’accord d’Oslo, pour arriver à la proclamation de l’initiative arabe de paix qui a consisté à proclamer une innocence arabe globale.

Tout ceci a consisté à faire des concessions les unes après les autres, non seulement vaines, mais ayant des conséquences contraires sur l’avenir de la question palestinienne.
En résumé, nous ne sommes pas obligés de proclamer notre innocence envers quiconque, ni de présenter des excuses à quiconque, et nous ne voulons pas une sympathie envers notre cause en contrepartie d’un prix à payer du crédit de cette justice. Nous sommes à présent incapables de présenter une solution car il n’y en a pas, celle-ci se trouve chez ceux qui dominent la terre, qui imposent une situation juive et sioniste et elle se trouve chez ceux qui peuvent faire pression sur eux et qui ne le font pas, en couvrant leurs actes et en les soutenant. Elle se trouve chez ceux qui possèdent des bombes atomiques, des armées puissantes et des avions plus nombreux que les nuages des cieux, ainsi que des fortunes et des capacités économiques innombrables.

Tout ce que nous pouvons faire, c’est nous protéger et protéger nos pays, nos droits et nos constantes, en demeurant fermes face à notre expulsion du pays, en empêchant la liquidation de la cause par l’installation définitive dans les pays hôtes. Nous n’avons que la confrontation, génération après génération, jusqu’à être capables de proposer des solutions. Chaque chose en son temps, la question sera placée entre les mains de ceux qui viennent après nous, et qui porteront le mieux de ce qui se trouve dans notre histoire et notre civilisation.

Mais aujourd’hui, il ne sert à rien de leur permettre de nous arracher des concessions, celles-ci ne peuvent que se retourner contre nous, comme le montre l’expérience palestinienne, mais aussi occidentale.
Au final, quelques remarques et conclusions : Premièrement : le projet de « deux Etats » sur lequel s’appuie le règlement actuel, est un projet de liquidation de la question palestinienne car il reconnaît l’Etat juif sur les terres spoliées et d’où furent expulsés les réfugiés en 1948. Cela a d’ailleurs constitué la base de la question palestinienne : la spoliation de la terre en 1948 et l’expulsion des deux tiers du peuple palestinien. La solution des deux Etats entérine la spoliation et abandonne nécessairement le droit au retour, sinon il n’y aurait pas eu de processus de règlement et il n’y aurait pas eu de solution « de deux Etats ». Il s’agit d’un plan liquidateur par excellence de la cause palestinienne.

De plus, cette solution a été dépassée par l’annexion aux terres occupées en 48, qui représentent 78% de la terre de la Palestine, ce qui se discute à propos de l’échange de territoires d’al-Qods et de la Cisjordanie. C’est pourquoi la délimitation des territoires sur lesquels sera fondé l’Etat palestinien dans les frontières d’avant juin 1967 est associée avec « l’échange de territoires ». Cette dernière mention est pleinement adoptée par le négociateur palestinien, avec toute la fierté et la détermination exigées. Cela est devenue une des conditions des négociations supervisées par l’administration de Barak Obama.
L’échange de territoires va inclure les territoires annexés par le mur et ceux spoliés par les colonies, ainsi que la ville d’al-Qods intra et extra-muros jusqu’aux limites de Ramallah, Bethlehem, Ariha et la vallée du Jourdain. Il ne reste ainsi de la Cisjordanie que des ilots pour installer l’Etat promis, et ce dernier n’aura ni souveraineté sur ses frontières, ni sur son espace aérien, ni sur son territoire ni sur son Etat, il devra passer par l’entité sioniste qui l’encerclera de tous côtés et dominera son espace aérien et tout ce qui s’y déroule. C’est ce que signifie garantir « la sécurité d’Israël ».
Cette figure n’a pas encore été délimitée puisque l’expansion et la judaïsation d’al-Qods se poursuivent, ce qui a mis la solution des deux Etats dans une impasse, ce que tous reconnaissent.

Deuxièmement : qui peut garantir que les Etats-Unis et l’Occident, après avoir exercé les pressions nécessaires sur ceux qui, parmi les Palestiniens et les Arabes, accepteraient les miettes qui deviendront « l’Etat palestinien », n’agiraient pas pour considérer qu’il s’agit de l’Etat et le reconnaîtraient ? Nous obtenons ainsi la « solution des deux Etats ». C’est ce qui nous explique pourquoi le principe de l’échange des territoires accompagne le slogan de « l’Etat palestinien dans les frontières de 1967 », et c’est ce qui nous explique pourquoi le slogan de la solution des deux Etats est maintenu et que les efforts se poursuivent sur le chemin du règlement pour y parvenir, sans tenir compte ni de la superficie ni de la nature qu’il aura. La solution des deux Etats ne sera pas écartée des discussions, du point de vue des Etats-Unis et ceux qui s’alignent sur leurs positions, tout comme elle ne sera pas écartée tant qu’il y a des gens comme Salam Fayyad qui a proposé le projet de proclamer l’Etat sur toute terre qu’il possède, dans le cadre du maintien de l’occupation et la poursuite de la colonisation. Son projet de construire les institutions de l’Etat en deux ans ne dépend pas de la fin de l’occupation ou des conditions relatives au territoire et la nature de l’Etat, mais il l’a rattaché seulement à la construction des institutions, afin de pouvoir proclamer l’Etat d’ici deux ans, dépassant même son partenaire dans l’Autorité, Mahmoud Abbas, qui l’a nommé et entériné comme premier ministre.

Troisièmement : Il est possible de dire que la solution des deux Etats, sur la base de la résolution 242 a été totalement écartée, mais le projet de cette solution, avec les conditions qu’accepteraient les dirigeants de l’entité sioniste, du gouvernement de Netanyahu, sera maintenu prêt à être exécuté, alors que ce n’est pas le cas pour la solution d’un seul Etat, sauf pour être utilisé en tant que slogan à l’adresse de l’opinion publique ou pour se disculper de l’accusation « d’extrémisme » ou d’antisémitisme, ou selon les termes du regretté Edward Saïd, à cause de la nécessité pour le peuple palestinien de présenter un projet humaniste qui serait l’alternative au projet sioniste raciste (une fois encore, il nous est demandé de prouver que nous sommes « humanistes » et non « racistes », nous qui avons été chassés par la force de nos terres, de nos maisons, de nos villages et nos villes, et qui sommes les victimes de toutes formes de racisme et d’extermination collective, de crimes de guerre et de nettoyage ethnique).
Le problème ici n’est pas d’avoir une « solution humaniste », cela a été prouvé dans notre histoire avant que les contemporains ne parlent de « solution humaniste ». Le problème réside dans ce qu’inclut la proclamation de cette proposition, une concession gratuite faite par un peuple dont la patrie a été spoliée, et sans qu’en contrepartie il y ait reconnaissance semblable. Au contraire, la reconnaissance palestinienne sera considérée comme une confirmation du droit et une légitimité d’expulser illégalement un peuple et de s’installer à sa place, grâce à la guerre menée par l’impérialisme britannique. Par la suite, ce serait cet Etat qui voudrait bien faire des concessions pour reconnaître le droit du peuple palestinien à instaurer son propre Etat, il lui définirait ses conditions, puis il ferait la concession d’accepter que le peuple palestinien vive avec lui dans un seul Etat.
Le problème ne réside pas dans le fait de proposer une « solution humaniste » mais plutôt dans les conditions de la situation palestinienne et des conséquences négatives d’une telle proposition, comme cela a eu lieu depuis que le mouvement Fateh, puis l’OLP, ont été entraînés à présenter un projet pour une « solution humaniste », avant d’arriver à la situation présente. Après que tout le droit palestinien ait été entre nos mains, nous l’avons progressivement perdu jusqu’à accepter la solution des deux Etats, dont 22% pour les Palestiniens. Certains ont alors recouru à la solution d’un seul Etat, après que l’Etat hébreu ait obtenu la plus large reconnaissance internationale et que la libération de toute la Palestine et le droit de retour aient été complètement abandonnés.

Quatrièmement : l’expérience concrète a prouvé, tout au long du conflit avec le projet sioniste, qu’aucune solution n’a été possible, malgré toutes les formes iniques portées par les projets de solutions et les résolutions internationales à l’encontre du droit du peuple palestinien et des constantes de la question palestinienne.
L’expérience a prouvé que les projets de solution, notamment les négociations basées sur l’accord d’Oslo et plus graves encore, les ententes de la conférence d’Annapolis et les négociations directes et leur poursuite avec Obama - Mitchell, n’ont été qu’une couverture pour intensifier la colonisation et la judaïsation, le grignotage des terres et l’expulsion d’un nombre supplémentaire de Palestiniens.
La loi qui gouverne la question palestinienne et qui est imposée par les stratégies impérialistes occidentales et le projet sioniste s’appuie sur la confrontation basée sur la force militaire, la guerre et l’expansion, tout comme elle s’appuie sur la soumission autant que possible des gouvernements de la dislocation arabe et la mainmise sur leur politique, et les solutions et les processus de règlement proposés ne sont là que pour servir cette confrontation.
C’est pourquoi il n’y a aucune voie sinon d’affronter cette confrontation, l’empêcher de continuer à réaliser le projet sioniste, c’est-à-dire par des stratégies de confrontation palestinienne, arabe, islamique et internationale (les libres dans le monde), qui adoptent la résistance et la mobilisation des sociétés et Etats pour affronter la guerre et suivre des politiques de boycott et d’objection, en s’écartant de l’illusion des solutions politiques, ce qui a été suffisamment expérimenté.
Pour qu’il y ait une stratégie de confrontation sur un terrain solide, il est nécessaire de revenir aux constantes de la question palestinienne, en considérant que tous les changements introduits par le mandat britannique et par la suite, la résolution du partage et la création de l’Etat de l’entité sioniste, ont été instaurées sur une violation flagrante du droit international ; elles sont illégales et ne doivent pas être reconnues, ni se porter volontaire pour faire des concessions (y compris de participer à ce qui s’appelle solution pacifique ou solution humaniste), qui entraîne la perte des droits et affaiblit les constantes, anesthésie les positions sur les plans palestinien, arabe, islamique ou mondial, d’une part, et encourage les stratégies internationales à faire passer le projet sioniste dans son ensemble en Palestine.

Cinquièmement : montrer à soi-même (Palestiniens et arabes), et aux Etats et peuples du monde la véritable expérience historique palestinienne, y compris ce qui s’appelle le processus politique ou les solutions pacifiques ou même la possibilité qu’il y ait une solution, permet à chaque partie d’ordonner ses cartes à partir de ces bases véritables.
Cette confrontation n’apporte rien de nouveau aux gouvernements occidentaux, et notamment à l’administration américaine et le gouvernement sioniste, car la solution sioniste imposée concrètement par la confrontation (essentiellement militaire) est déjà la stratégie adoptée par ces gouvernements, mais ce qui est nouveau, c’est de ne plus autoriser son camouflage par des solutions pacifiques, et ce qui peut en découler au niveau des positions officielles et populaires.
Le face-à-face de cette réalité au niveau palestinien, arabe, islamique et mondial peut mettre fin aux stratégies qui s’appuient sur les Etats-Unis et aux solutions pacifiques, et empêcher d’entériner les concessions déjà faites. Il sera alors nécessaire de clarifier les choses en mettant les points sur les i, et de retourner au boycott et à l’objection, et refuser de poignarder la résistance dans le dos.

* Ecrivain et penseur - Jordanie.
(1) L’auteur de cet article a participé à l’adoption de ce projet et l’a défendu, puis fut convaincu après l’adoption du projet en dix points que le fait de proposer des solutions de la part du peuple palestinien consiste à faire des concessions gratuites et inutiles.
(2) le terme « mughalaba » signifie ici assurer la suprématie militaire complète de l’entité sioniste, et couvrir ses guerres et son expansion comme la couverture de sa colonisation, de la violation de la terre, et de la judaïsation de la Palestine, en expulsant les Palestiniens et en les installant définitivement ailleurs.




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