jeudi 19 juillet 2012

Le vrai visage d’Israël


Le vrai visage d’Israël

« Il y a des citoyens arabes dans l’Etat d’Israël. C’est notre principal souci. Qu’on en finisse à Gaza ? Qu’on en finisse en Judée et en Samarie [en Cisjordanie]. Nous nous retrouverons alors face à notre principal souci ». Déclarait Gideon Azra, ministre de l’Environnement, du parti Kadima, 2004.

Par Julien Salingue. 
(Doctorant en sciences politiques à Paris, militant du mouvement de solidarité avec la Palestine, réalisateur du film Palestine, vivre libre ou mourir et co-réalisateur du film Samidoun.)

Jonathan Cook est un journaliste britanique installé à Nazareth. Dans son livre Blood and Religion, the Unmasking of the Jewish and Democratic State (que l’on traduire par Le sang et la religion: le vrai visage de l’Etat juif et démocratique), il propose une approche originale de la question palestinienne au prisme de l’étude de la situation d’un groupe fréquemment ignoré, les Palestiniens d’Israël, souvent improprement appelés « Arabes israéliens ».

Un « mur de verre »
La minorité palestinienne en Israël, estimée à 1.3 millions de personnes (soit un peu moins d’un cinquième de la population israélienne), se compose des Palestiniens qui sont demeurés dans les terres conquises par Israël en 1947 – 1949, et de leurs descendants. Pour Cook, la façon dont Israël traite cette minorité et les mesures radicales qu’une grande partie de l’establishment  sioniste souhaiterait prendre à son encontre sont révélatrices de l’indépassable contradiction entre la réalisation du projet sioniste d’établissement d’un Etat juif en Palestine et la satisfaction des droits nationaux du Peuple palestinien.
Soumis à loi martiale de 1949 à 1966, Les Palestiniens d’Israël jouissent depuis 1967, en théorie, des mêmes droits que tous les israéliens. En Théorie seulement car, comme le démontre Cook dans la première partie de son livre, les discriminations, si elles ne sont plus inscrites dans la loi, persistent et se développent. Du ministère des affaires religieuses qui n’attribue que 2% de son budget aux communautés palestiniennes d’Israël et qui refuse d’accorder des crédits pour les cimetières « non-juifs » aux nombreuses municipalités qui n’utilisent pas l’arabe pour la signalisation routière, le cas de discrimination institutionnelle sont légion. Si l’on ajoute la discrimination à l’embauche, au logement ou la faiblesse des crédits alloués par l’Etat pour le développement économique et social des villes et villages arabes, voire la non-reconnaissance de leur existence, se dessine un système de discriminations para-légales que Cook appelle un « mur de verre », en référence aux murs de béton et de barbelés érigés autour des villes de Cisjordanie et autour de la bande de Gaza. Un « mur de verre » car, s’il n’enferme pas les Palestiniens d’Israël physiquement, il les enferme bel et bien dans un statut de sous-citoyens, il demeure invisible et autorise Israël à affirmer être un Etat démocratique et non discriminatoire.

Un Etat « juif et démocratique » ?
Au-delà du constat de l’existence du « mur de verre », Cook entreprend de montrer dans la seconde partie de son ouvrage que les politiques discriminatoires vis-à-vis des Palestiniens sont inhérentes au projet sioniste et souvent assumées par les dirigeants israéliens au nom de l’intérêt supérieur de la construction de l’Etat juif.  Ainsi Ariel Sharon affirmait en 2002 que tandis que les juifs jouissent des droits sur la terre d’Israël, les Palestiniens jouissent des droits dans l’Etat d’Israël. On comprends mieux pourquoi la revendication démocratique élémentaire portée par Azmi Bishara, ancien député palestinien à la Knesset, de la transformation d’Israël en un « Etat de tous ses citoyens », effraie tous ceux qui tentent de dissimuler qu’Israël, loin d’être « juif et démocratique » est plutôt, selon le mot d’un autre député, Ahmed Tibi, « démocratique à l’égard des juifs et juif à l’égard des arabes ». Ainsi  se révèle, selon Cook, le vrai visage du projet sioniste : à l’image des Palestiniens d’Israël et leurs droits nationaux sont un obstacle à l’édification d’un Etat juif en Palestine. D’où l’enfermement dans un statut de sous-citoyens, constamment accusés de conspiration contre Israël, phénomènes qui se sont accélérés depuis septembre 2000 et qui font l’écho à la répression, l’enfermement et à la « bantoustanisation » qui s’opèrent en Cisjordanie et à Gaza.  Si le rêve sioniste d’un « Grand Israël », débarrassé de la population palestinienne, a fait long feu, certains dirigeants israéliens, agitant la menace démographique, n’hésitent pas à comparer les Palestiniens d’Israël à un « cancer »  (remarque personnelle : des sous-carcers, alors.) qu’il faut traiter de manière radicale. Des partisans de l’expulsion massive, représentés notamment par le vise-Premier ministre Avigdor Lieberman, à ceux qui, comme Ehud Olmert, envisagent de se « séparer » des zones arabes les plus densément peuplées (à l’image de ce qui s’est passé avec Gaza et qui risque de se passer avec les cantons de Cisjordanie), il existe un large consensus pour affirmer que l’avenir des Palestiniens d’Israël ne serait pas en Israël.  Le livre de Cook, malheureusement pas encore traduit en français (à ce jour), fournit de précieux éléments d’analyse pour qui soutien le combat des Palestiniens. L’2tude de la situation des Palestiniens d’Israël démontre, pour l’auteur, qu’aucune résolution de la « question palestinienne » ne sera possible sans un examen critique radical des structures et des fondements de l’Etat d’Israël.





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