mercredi 22 mai 2013

LE NETTOYAGE ETHNIQUE DE LA PALESTINE L’ALA dans le Marj Ibn Amir



Sur une population largement sans défense

L’ALA dans le Marj Ibn Amir :


A l’ouest de Sirin, dans le Marj Ibn Amir (la vallée Izrael aujourd'hui), Fawzi al-Qawuqji faisait ce qu’il pouvait pour limiter la conquête juive, et lança quelques attaques avortées contre le principal Kibboutz de la région, Mishmar Ha-Emek. Au cours d’un des bombardements de ce kibboutz avec l’unique canon dont il disposait, une frappe directe tua trois enfants. Cette horrible tragédie est le seul acte hostile que mentionnent les livres d’histoire officiels israéliens pour cette région.
Les villages voisins n’ont guerre contribué aux efforts de l’ALA popur mener à la Ligue arabe de bonnes nouvelles du front. Beaucoup, en fait, avaient signé des pactes de non-agression avec les kibboutzim voisins. Mais quand l’attaque de l’ALA contre Mishmar Ha-Emek déclencha la fureur vengeresse des kibboutzim, ces villages ne furent plus à l’abri des agressions, en plein essor dans la vallée. Les kibboutzim incitèrent les soldats à poursuivre le nettoyage ethnique qu’ils avaient entamé à l’est de cette région. Dans la partie de la Galilée, beaucoup de kibboutzim appartenaient au parti sioniste-socialiste Hachomer Hatzaïr, dont certains membres tentaient d’adopter une position plus humaine. En juillet, des membres en vue du Mapam  – formation politique située à la gauche du parti dominant d’Israël, le Mappai – étaient allés se plaindre à Ben Gourion  de l’expansion des opérations de nettoyage, qui à leur avis n’était « pas nécessaire ». Ben Gourion rappela vite à ces kibboutznik objecteurs de conscience qu’ils avaient eux-mêmes été fort satisfaits du lancement de la première phase dans la région  au mois d’avril. De fait être un juifs sioniste en 1948 signifiait nécessairement soutenir pleinement la désarabisation de la Palestine. 
L’attaque d’al-Qwuqji contre le kibboutz Mishmae Ha-Emek, le 4 avril, était une riposte aux expulsions massives que les forces juives avaient commencé à mettre en œuvre vers le 15 mars. Les premiers villages à partir, ce jour-là, avaient été Ghubaiya al-Tahta et Ghubaiya al-Fauqa, dont chacun  comptait plus d’un millier d’habitants. Puis, dans la même journée, ce fut le tour du village plus petit de Khirbat al-Ras. Là aussi, l’occupation eut les caractéristiques désormais familières du nettoyage ethnique : expulsion de la population et destruction des maisons.
Après l’attaque ded Mishmar Ha-Emek, le plus gros village furent visés : Abou Shusha, Kafrin, Abou Zureiq, Mansi et Naghnaghiya (prononcer Narnaria). Les routes de l’est de Djénine furent vite couvertes de milliers de Palestiniens que les soldats juifs avaient expulsés, non loin du bastion des kibboutzim du sionisme socialiste. Le petit village de Wadi Ara, 250 habitants, fut le dernier à être rayé de la carte en avril.
Dans cette région aussi, l’Irgoun apporta sa contribution à la destruction en cours des campagnes palestiniennes. Elle acheva, alors que les soldats du Mandat britannique étaient encore là, l’assaut vengeur contre les villages restants du     marj Ibn Amir : Sabbarin, Sinduyana, Barieka, Khubbeiza et Umm al-Shouf. Cetains habitants de ces villages s’enfuirent sous le feu des mortiers lourds des assaillants, tandis que d’autres, qui agitaient des drapeaux blancs pour indiquer qu’ils capitulaient, furent aussitôt exilés. A Sabbarin, les bandits de l’Irgoun, furieux de s’être heurtés à une certaine résistance armée, décidèrent à titre de punition d’enfermer pendant quelques jours les femmes, les vieux et les enfants entre des fils barbelés  – très proches des cages dans lesquelles les Palestiniens sont aujourd’hui gardés pendant des heures aux chekpoints de Cisjordanie quand ils ne présentant pas le bon laissez-passer. Sept jeunes Palestiniens trouvés ne possession d’armes furent exécutés sur place par les soldats juifs, qui expulsèrent ensuite les autres villageois vers Umm al-Fahm, localité qui n’était pas encore entre leurs mains.


Chaque phase de l’opération dans les diverses situations géographiques créait de nouveaux modèles de comportement qui étaient ensuite adoptés par les futures forces militaires. Quelques jours après l’occupation du village de kafrin et l’expulsion de ses habitants, l’armée exerça ses talents sur le village désormais vide et l’effaça totalement de la surface de la terre. Ce type de manœuvres a été reproduit de multiples fois, longtemps après la fin de la guerre de 1948, jusque tard dans les années 1950.


L’Opération dans l’arrière-pays de Safed devait déjà moins à la rage qu’a une planification efficace, et elle avait reçu un nom de code lourd de sens : « Balai » (matatch).  Elle comença par le nettoyage des villages le long de la route Tibériade-Safed. Le premier à disparaître fut Ghuweir. Après la chute de Tibériade, le mukhtar avait immédiatement compris ce qui attendait son village, puisqu’il était le plus proche de la ville. Il demanda à Adib Chichakli, le commandant des volontaires de l’ALA, de lui venir en aide, et il lui suggéra de distribuer des armes aux villageois, mais Chichakli refusa. La nouvelle démoralisa les habitants de Ghuweir , et les femmes et les enfants commencèrent à fuir vers Rama, sur la route d’Acre, de l’autre côté des montagnes de Galilée. Le mukhtar recruta cinquante paysans qui, armés de leurs hartooush (vieux fusils de chasse de la Première Guerre mondiale), attendirent l’attaque juive. Le 22 avril, les juifs, comme ils en avaient pris l’habitude, envoyèrent une délégation pour proposer une évacuation collective  des hommes sans combat. Cette fois-ci, cependant, le délégation sortait de l’ordinaire : elle se composait de gens qui avaient eu autrefois des liens d’amitié avec le village, et les Palestiniens présents lors de cette rencontre se souviendraient plus tard du ton désolé sur lequel ces délégués leur avaient expliqué que tous les villages situés sur la route Tibériade-Safed étaient voués à l’expulsion. Le mukhtar ne leur révéla pas que Ghuweir était presque désert et leur dit que les habitants « défendraient leurs maisons ».

ILAN PAPPE        Historien Israélien                   (FAYARD)

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