Sur une population largement sans défense
L’ALA dans
le Marj Ibn Amir :
A l’ouest
de Sirin, dans le Marj Ibn Amir (la vallée Izrael aujourd'hui), Fawzi al-Qawuqji faisait ce
qu’il pouvait pour limiter la conquête juive, et lança quelques attaques
avortées contre le principal Kibboutz de la région, Mishmar Ha-Emek. Au cours
d’un des bombardements de ce kibboutz avec l’unique canon dont il disposait,
une frappe directe tua trois enfants. Cette horrible tragédie est le seul acte
hostile que mentionnent les livres d’histoire officiels israéliens pour cette
région.
Les villages voisins n’ont guerre contribué aux
efforts de l’ALA popur mener à la Ligue arabe de bonnes nouvelles du front.
Beaucoup, en fait, avaient signé des pactes de non-agression avec les
kibboutzim voisins. Mais quand l’attaque de l’ALA contre Mishmar Ha-Emek
déclencha la fureur vengeresse des kibboutzim, ces villages ne furent plus à
l’abri des agressions, en plein essor dans la vallée. Les kibboutzim incitèrent
les soldats à poursuivre le nettoyage ethnique qu’ils avaient entamé à l’est de
cette région. Dans la partie de la Galilée, beaucoup de kibboutzim
appartenaient au parti sioniste-socialiste Hachomer Hatzaïr, dont certains
membres tentaient d’adopter une position plus humaine. En juillet, des membres
en vue du Mapam – formation politique
située à la gauche du parti dominant d’Israël, le Mappai – étaient allés se plaindre
à Ben Gourion de l’expansion des opérations
de nettoyage, qui à leur avis n’était « pas nécessaire ». Ben Gourion
rappela vite à ces kibboutznik objecteurs de conscience qu’ils avaient
eux-mêmes été fort satisfaits du lancement de la première phase dans la
région au mois d’avril. De fait être un
juifs sioniste en 1948 signifiait nécessairement soutenir pleinement la
désarabisation de la Palestine.
L’attaque d’al-Qwuqji contre le kibboutz Mishmae
Ha-Emek, le 4 avril, était une riposte aux expulsions massives que les forces
juives avaient commencé à mettre en œuvre vers le 15 mars. Les premiers
villages à partir, ce jour-là, avaient été Ghubaiya al-Tahta et Ghubaiya
al-Fauqa, dont chacun comptait plus d’un
millier d’habitants. Puis, dans la même journée, ce fut le tour du village plus
petit de Khirbat al-Ras. Là aussi, l’occupation eut les caractéristiques
désormais familières du nettoyage ethnique : expulsion de la population et
destruction des maisons.
Après l’attaque ded Mishmar Ha-Emek, le plus gros
village furent visés : Abou Shusha, Kafrin, Abou Zureiq, Mansi et
Naghnaghiya (prononcer Narnaria). Les routes de l’est de Djénine furent vite
couvertes de milliers de Palestiniens que les soldats juifs avaient expulsés,
non loin du bastion des kibboutzim du sionisme socialiste. Le petit village de
Wadi Ara, 250 habitants, fut le dernier à être rayé de la carte en avril.
Dans cette région aussi, l’Irgoun apporta sa
contribution à la destruction en cours des campagnes palestiniennes. Elle
acheva, alors que les soldats du Mandat britannique étaient encore là, l’assaut
vengeur contre les villages restants du
marj Ibn Amir : Sabbarin, Sinduyana, Barieka, Khubbeiza et Umm
al-Shouf. Cetains habitants de ces villages s’enfuirent sous le feu des
mortiers lourds des assaillants, tandis que d’autres, qui agitaient des
drapeaux blancs pour indiquer qu’ils capitulaient, furent aussitôt exilés. A
Sabbarin, les bandits de l’Irgoun, furieux de s’être heurtés à une certaine
résistance armée, décidèrent à titre de punition d’enfermer pendant quelques jours
les femmes, les vieux et les enfants entre des fils barbelés – très proches des cages dans lesquelles les
Palestiniens sont aujourd’hui gardés pendant des heures aux chekpoints de Cisjordanie quand ils ne
présentant pas le bon laissez-passer. Sept jeunes Palestiniens trouvés ne
possession d’armes furent exécutés sur place par les soldats juifs, qui
expulsèrent ensuite les autres villageois vers Umm al-Fahm, localité qui
n’était pas encore entre leurs mains.
Chaque phase de l’opération dans les diverses
situations géographiques créait de nouveaux modèles de comportement qui étaient
ensuite adoptés par les futures forces militaires. Quelques jours après
l’occupation du village de kafrin et l’expulsion de ses habitants, l’armée
exerça ses talents sur le village désormais vide et l’effaça totalement de la
surface de la terre. Ce type de manœuvres a été reproduit de multiples fois,
longtemps après la fin de la guerre de 1948, jusque tard dans les années 1950.
L’Opération dans l’arrière-pays de Safed devait
déjà moins à la rage qu’a une planification efficace, et elle avait reçu un nom
de code lourd de sens : « Balai » (matatch). Elle comença par
le nettoyage des villages le long de la route Tibériade-Safed. Le premier à
disparaître fut Ghuweir. Après la chute de Tibériade, le mukhtar avait
immédiatement compris ce qui attendait son village, puisqu’il était le plus
proche de la ville. Il demanda à Adib Chichakli, le commandant des volontaires
de l’ALA, de lui venir en aide, et il lui suggéra de distribuer des armes aux
villageois, mais Chichakli refusa. La nouvelle démoralisa les habitants de
Ghuweir , et les femmes et les enfants commencèrent à fuir vers Rama, sur la
route d’Acre, de l’autre côté des montagnes de Galilée. Le mukhtar recruta
cinquante paysans qui, armés de leurs hartooush
(vieux fusils de chasse de la Première Guerre mondiale), attendirent l’attaque
juive. Le 22 avril, les juifs, comme ils en avaient pris l’habitude, envoyèrent
une délégation pour proposer une évacuation collective des hommes sans combat. Cette fois-ci,
cependant, le délégation sortait de l’ordinaire : elle se composait de
gens qui avaient eu autrefois des liens d’amitié avec le village, et les
Palestiniens présents lors de cette rencontre se souviendraient plus tard du
ton désolé sur lequel ces délégués leur avaient expliqué que tous les villages
situés sur la route Tibériade-Safed étaient voués à l’expulsion. Le mukhtar ne
leur révéla pas que Ghuweir était presque désert et leur dit que les habitants
« défendraient leurs maisons ».
ILAN
PAPPE Historien Israélien (FAYARD)
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