vendredi 7 juin 2013

La suprématie judéo-centrique et l'inconfort d'Ilan Pappe.



Ilan Pappe est un Historien israélien auteur de "Nettoyage ethnique de la Palestine" édité chez Fayard. Pour se faire il s'est basé sur les archives de la Haganah -embryon de la future armée israélienne- c'est à dire qu'il s'est basé sur les notes que les juifs-sionistes avaient eux-mêmes consigné.
Je n'ai pas encore lu l'article que je vais traduire pour vous, il est possible qu'il confirme ce que je viens d'avancer. Je dois dire par ailleurs qu'il s'est expatrié en Angleterre, tant sa vie en Israël fut bouleversée par son honnête. Honnêteté historique que manifestement la majorité des Israéliens et malheureusement la majorité de Juifs refusent de reconnaitre.
C'est ce qu'a fait Ilan Pappe.
Et j'ajouterais puisque mon combat est le Droit du Peuple de Palestine, au minimum tel que le stipule le Droit international, je dirais que les Juifs qui cautionnent les crimes israéliens, n'ont pas le courage nécessaire à leur honnêteté, lorsqu'ils réclament des passe-droits en mémoire de la Shoah, par exemple, puisqu'ils cautionnent le même crime. Un génocide, même lent, d'un peuple.



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Ilan Pappe est une voix importante, l'un des historiens assez courageux pour ouvrir la boîte de Pandore de 1948. Dans les années 90 Pappe, entre autres post-sionistes israéliens, ce dernier a rappelé son péché originel: le nettoyage ethnique orchestré et raciste du peuple indigène de Palestine, c'est à dire la Nakba.
Mais comme beaucoup d'historiens, Pappe, bien qu'il connaisse les faits historiques, semble incapable de comprendre ou est réticent à aborder l'importance culturelle et idéologique de ces faits.
[Lorsque le refus israélien de l'existence palestinienne devient génocidaire] Pappe tente d'expliquer le rejet israélien de la disgrâce des palestiniens. Comme Shlomo Sand, Pappe note que la considération historique du président israélien Shimon Peres est un «discours fabrique».
Jusqu'ici tout va bien, mais après Pappe se trompe. Pour une raison quelconque estime que la négation de Peres de la souffrance des Palestiniens est le résultat d'une «dissonance cognitive», c'est à dire un inconfort expérimenté lorsqu'on conservé à la fois deux idées, valeurs ou  croyances contradictoires.

Mais quelles sont ces valeurs ou des idées contradictoires qui causent tant d'inconfort aux Israéliens et a leur président? Pappe ne le dit pas. Il ne nous dit pas, non plus, comment Peres le dit inconfort durant plus de six décennies. Je suis d'accord que Peres, Netanyahu et beaucoup d'Israéliens présentent souvent des symptômes psychotiques, mais je n'ai pas détecté dans les déclarations ou le comportement de Peres ce "mal être".

Je pense évidemment que Pappe se trompe à cet égard. L'expulsion, le nettoyage ethnique et les violations continues des droits de l'homme en Palestine sont conséquents  à la culture raciste et nationaliste juive et l'interprétation stricte de l'héritage biblique juif. [1]
Pappe écrit: "Les responsables de l'épuration ethnique de 1948 étaient des colons sionistes qui sont arrivés en Palestine, tout comme Shimon Peres né en Pologne avant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont nié l'existence du peuple indigène qu'ils ont trouvé qui avait vécu à cet endroit depuis des milliers d'années". Jusqu'ici Pappe a raison, mais après il continue, «Les sionistes n'ont pas eu à ce moment là le pouvoir de résoudre la dissonance cognitive vécue: leur conviction de que la terre n'était pas habitée en dépit de la présence de nombreux indigènes." Mais Pappe n'indique pas tous les symptômes d'une telle dissonance. Est-il possible que le directeur for Palestine Studies à l'Université d'Exeter -Royaume-Uni- soit juste ignorant? [2]
[1] Là, on ne peut pas être intellectuellement d'accord, la Bible relate des faits d'un temps où la l'écriture n'existait pas. Des faits devenus des mythes tant le récit était légendaire. Un mythe doit rester un mythe, à ne pas confondre avec un  récit historique. Il ne viendrait à l'idée d'une personne sensée de prendre les travaux d'Hercule, pour argent comptant. Et encore moins de tenter de légitimer un crime par un récit mythique. Ce que je crois est que l'arrogance sioniste est consécutive, de la culture raciste et nationaliste juive et l'interprétation mythique de l'héritage biblique juif.
[2] Là, est toute l'ambigüité des Juifs qui défendent les droits du Peuple de Palestine, ils subordonnent le droit des Palestiniens au droit des Juifs. Or, lorsque Abraham ou Moïse arrivèrent avec leurs disciples sur une terre qui ne s'appelait pas encore Palestine, des populations vivaient là, ils n'étaient pas de passage, ni en vacances, s'étaient les populations indigènes de cette terre depuis des milliers d'années. C'est donc qu'il faut subordonner le droit des Juifs y compris bibliques au droit de ces populations autochtones et non le contraire, comme le veut le sionisme...    

Dans l'absolu. Pappe est loin d'être ignorant. Il connait l'histoire du sionisme et d'Israël mieux que la plupart des gens. Il sait que les «colons sionistes» comme le "polaque Shimon Peres" son habités par l'idéologie et la culture sioniste. Mais pourquoi un professeur d'histoire voudrait cacher l '«idéologie» et la «culture» des sionistes primitif ?
Les premiers Sionistes étaient pas aveugle, ni stupide. Ils ont vu les Arabes dans les champs, les villages et les villes de Palestine, mais, portés par une idéologie raciste et expansionniste, considéraient, certainement, les Arabes comme des infrahumains et donc méprisaient leurs droits, leur culture, leur patrimoine et jusqu'a leur nature humaine (1).
Mais, même si une analyse culturelle et idéologique aurait pu résoudre la "dissonance" allège et éclaire la complexité historique, Ilan Pappe évite de commenter le fond de ces questions. J'ai de bonnes raisons de croire que la vérité est tout simplement trop offensive pour les lecteurs de Pappe. A contrario Pappe continue sur son modèle psychologique: «Les sionistes ont presque résolu la dissonance lors qu'ils ont expulsé autant de Palestiniens qu'ils ont pu en 1948 et seuls quelques-uns sont restés dans l'Etat juif."

Une fois encore, il serait utile que Pappe demontre la nécessaire évidence "historique" à l'origine de la Nakba, en effet, elle fut une tentative de résoudre une dissonance sioniste collective interne et cognitive. Je suppose que Pappe sait que c'est précisément ce manque de «dissonance cognitive» qui conduit quelques israéliens comme Uri Avnery, Gideon Levy et le même Pappe vers l'universalisme, l'humanisme et de l'activisme pro-palestinien.
Je pense que le nouveau modèle d'analyse cognitive de Pappe nous dit très peu de choses sur le sionisme, Israël ou Shimon Peres, mais nous en dit beaucoup sur  Pappe et sur le grave état dans lequel se trouve le discours intellectuel de solidarité avec la Palestine. L'inconfort dont il parle est vraiment le sien, à savoir, le conflit entre les faits connus et acceptés et la tâche que Pappe a assumé de la quadrature du cercle, enveloppant le projet raciste dans un langage pseudo-psychologique le présentant comme une pandémie de "dissonance cognitive".
Pour quelque raison beaucoup d'entre nous insistons sur ​​la production de chroniques "inoffensives" sur la barbarie israélienne et le nationalisme juif tentant de masquer au lieu de dénoncer la culture de base et idéologique du problème.

Mais ce qui me préoccupe, c'est comment es possible qu'un universitaire exceptionnel fasse preuve d'un tel entendement d'un conflit  qu'il a étudié pendant trois décennies.
La réponse est assez embarrassante. Pappe est en fait un érudit sérieux et un être humain élégant. Cependant, dans le climat intellectuel actuel, Pappe, comme beaucoup d'autres, ne peut pas explorer librement la vérité du sionisme et de l'Etat juif. La terrible vérité est que Pappe a été beaucoup plus provocateur et intellectuellement séduisant lorsqu'il enseignait à l'Université de Haïfa, qu'aujourd'hui a l'Institut des études palestiniennes de l'Université d'Exeter. Il serait juste de supposer que dire la vérité sur la culture qui pousse l'Etat juif, lui coûterait sa carrière universitaire au Royaume-Uni et le soutien au sein de la «gauche» juive, sans parler des collaborateurs palestiniens financés par Soros.
Ainsi, au lieu de chercher la vérité Pappe et d'autres cherchent des modèles «inoffensifs», quoi qu'ils soient pour garder l'image de la «solidarité».

Cette vérité constatée, cette crainte pour son parcours professionnel, peut et doit être transposé aux intellectuels, journalistes et aux élites politiques ou économiques, pour tenter de comprendre un peu les pressions exercées (lobbying) par le pouvoir judéo-sioniste en Europe et surtout aux Etats-Unis qui phagocyté jusqu'a l'Etat et nos institution démocratiques. Aujourd'hui les dirigeants politiques, pour s'assurer un avenir politique, s'abaissent à défendre et cautionner des criminels...   

Je n'ai aucun doute que Pappe s'est déjà rendu compte que les Israéliens sont très loin d'être tourmenté par la misère des Palestiniens. Pas plus qu'ils ne se repentent de la Nakba, bien entendu ils ne pleurent pas pour leur passé d'agression raciste contre le peuple palestinien. Les sondages réalisés en Israël montrent que la plupart des Israéliens soutiendraient une deuxième Naqba tout comme ils ont  soutenu le bombardement massif de civils dans l'Opération Plomb Durci. Pappe est conscient que les politiques racistes israéliennes et les attitudes des civils ont une origine culturelle et idéologique plutôt que politique. Israël est l'Etat juif et sa politique est dictée par une nouvelle interprétation hébraïque de la culture juive et du patrimoine juif.
Pappe est un humaniste et je veux croire qu'en privé qu'il ressent un malaise. Fondamentalement Pappe doit connaître la vérité. Il sait ce qui pousse le sionisme et le militarisme israélien. Il sait tout, mais, pour des raisons évidentes, doit garder le silence et édulcore le conflit dans une terminologie fallacieuse et modèles cognitifs "inoffensifs ".
Au lieu de mainteir un discours clair et d'analyser la vérité du conflit, nos éminents spécialistes se dédient a occulter la vérité. Nous avons tué et enterré nos penseurs (2) et des poètes plus édifiants. Nous les remplaçons par des slogans rigides et la banale culture de Herem (3).

Il est intéressant de signaler que lorsque Pappe termina son texte, il n'était pas convaincu de son propre modèle, «Il est déconcertant d'apprendre que les premiers sionistes nièrent l'existence des Palestiniens quand ils sont arrivés en 1882, il est encore plus épouvantable de découvrir qu'ils nient leur existence - au-delà des communautés recluses sporadiquement - en 2013.
Ce que cela signifie est clair: il s'agit d'un rejet catégorique et total de l'autre. Ce n'est pas un symptôme de «dissonance cognitive», mais un continu historique d'une condition psychopathologique inhérente à la politique de leurs élus. Il s'agit d'une conséquence directe de la suprématie judéo-centrique, que Pappe et d'autres préfèrent ne pas aborder. A la fin de son texte Pappe soutient que Peres est un «fou» qui ne tient pas compte "des millions et des millions de personnes, dont beaucoup d'entre-elles soumises sous le régime militaire et d'apartheid qui maintien actif et impitoyablement le refus du retour a leur patrie". Mais si Peres est un fou, il est peu probable que le malaise le tourmente. Si Peres est fou, il n'est pas dans un état de «dissonance» qui lutterait pour accommoder des idées contradictoires. Au contraire Peres est, avec toute sa méchanceté, en paix avec lui-même.
À mon avis Shimon Peres n'est pas fou dans l'absolu. Il est mauvais, cohérente et consistant. Il est le président de l'Etat juif et il est temps qu'Ilan Pappe d'affronter ouvertement ce fait et ce qu'il représente.


Notes:
(1) Il est intéressant de signaler qui  c'était le dirigeants de la droite sioniste Vladimir Jabotinsky, l'un des premiers à aborder la complexité des rapports avec la population autochtone dans l'exclusivité du contexte et du rêve sioniste. Il fut l'enragé ultranationaliste Jabotinsky - plus que la «gauche» sioniste - qui considérait les Arabes comme un peuple fier et culte auquel il faudrait faire front militairement.
En ce qui concerne ce sujet recommandons le livre : Vladimir Jabotinsky Iron Wall [ Vladimir Jabotinsky’s Iron Wall ].
(2) L'année dernière, les BDS de l'organisation [boycott, désinvestissement, sanctions] ont fait campagne pour le BDS : le professeur Norman Finkelstein, Greta Berlin, le député britannique George Galloway et beaucoup d'autres.
(3) Le mot hébreu pour excommunication et boycott.
Gilad Atzmon est l'un des meilleurs musiciens de jazz internationaux du moment. Philosophe, penseur humaniste et écrivain, Gilad Atzmon nous interpelle tous depuis des années, et surtout les Juifs, d'examiner ce qui définit la politique identitaire juive, leurs croyances racistes de base et les nombreux conflits que cette politique conduit: les stratégies, les différents costumes du racisme, de la dissimulation et de la répression de la liberté d'expression.



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