mercredi 5 mars 2014

Renaud Vivien -Ukraine la nouvelle proie du FMI






Par Renaud Vivien  -28 février 2004
Renaud Vivien est juriste du CADTM Belgique, renaud@cadtm.org 

Nous savons que des petits malins se sont enrichis au jeu du "marché" lors des attentats du 11 septembre au WTC. Et je me demande si le soulèvement des ukrainiens n'a pas été un peu aidé. Aidé par ce "Marché" que nos dirigeants adulent au point de le prendre pour le "veau d'or". Dans ces soulèvements tout le monde y perd... sauf, les usuriers de la finance privée, qui fait passer le taux de la dette de l'Ukraine de 5% à 34,5%. Somme-nous des imbéciles. OUI. Comment est-il possible que ces usuriers ont pu s'approprier ainsi de nos vies ? Élisons-nous les bonnes personnes ?
  
Le 26 fevrier, les autorités provisoires ukrainiennes ont sollicité un prêt du FMI pour pouvoir rembourser la dette du pays dans les délais, soit 13 milliards de dollars rien que pour cette année. Le FMI a répondu positivement et a décidé d’envoyer une mission d’« experts » en Ukraine pour discuter des conditions attachées à ce prêt.
Alors que le pays est en pleine ébullition, le remboursement de la dette publique apparaît comme la priorité absolue de Kiev et de ses créanciers. Les besoins de la population passent quant à eux au second plan. Cette situation pourrait même encore se dégrader si un accord est conclu avec le FMI, qui est en position de force pour imposer une cure d’austérité au peuple ukrainien en échange du prêt.
En effet, les difficultés financières de l’Ukraine sur fond de trouble politique sont une nouvelle opportunité pour le FMI d’imposer une thérapie de choc, à l’instar de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande, qui appliquent, depuis l’éclatement de la crise, de violentes mesures d’austérité dictées par la « Troïka », qui est composée du FMI, de la Commission européenne et la Banque centrale européenne.
Dans ces pays, le risque de défaut de paiement à l’égard des créanciers (principalement les banques privées) a été le point de départ de l’intervention du FMI et des acolytes européens. Ainsi, la Grèce, le Portugal et l’Irlande, qui n’avaient plus accès aux marchés financiers en raison des taux d’intérêt prohibitifs, se sont tournés vers la Troïka qui en a profité pour leur proposer des prêts, certes moins onéreux, mais assortis de programmes d’austérité connus sous le nom de « memorandum ». La liste des mesures contenues dans ces memoranda est toujours la même : privatisations des secteurs stratégiques de l’économie, baisse des salaires, des pensions, augmentation d’impôts injustes comme la TVA, licenciements massifs dans la fonction publique, coupes drastiques dans les budgets sociaux, etc.
L’Ukraine se trouve aujourd’hui dans une situation similaire puisqu’elle est au bord de la cessation de paiement et ne peut raisonnablement plus emprunter sur les marchés financiers suite à la dégradation de sa note par les agences de notation. Pour pouvoir emprunter sur le court terme, l’Ukraine doit aujourd’hui payer un taux d’intérêt exorbitant de 34,5 %, contre 5 % il y a seulement cinq mois. Par ailleurs, elle ne peut plus compter sur la Russie qui vient d’annuler le versement de la deuxième tranche d’un prêt de 15 milliards de dollars, suite à la destitution de l’ancien président Viktor Ianoukovitch.
L’Ukraine dispose donc actuellement d’une faible marge de manœuvre. Toutefois, le FMI ne peut en aucun cas faire partie de la solution vu les conséquences dramatiques des programmes d’austérité qu’il impose aux populations depuis plus de trente ans. Dans tous les pays qui ont conclu des accords avec cette organisation, on observe de manière générale une augmentation de la pauvreté et des inégalités. C’est le cas de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal mais également des pays du Sud soumis aux plans d’ajustement structurel (PAS) depuis le début des années 80 et des pays de l’Europe de l’Est qui ont aussi subi une thérapie de choc administrée par ce même FMI dans les années 90.
Au lieu de s’endetter auprès du FMI pour régler les dettes passées, il faudrait plutôt s’interroger sur la légalité et la légitimité des dettes que l’Ukraine compte payer avec ce prêt du FMI. En effet, le remboursement des dettes publiques n’est pas une obligation absolue du point de vue politique et juridique. Rappelons aussi qu’en droit international public, les devoirs d’un État envers sa population sont supérieurs aux engagements pris envers ses créanciers et que l’obligation de rembourser ne vaut que pour les dettes « contractées dans le cadre d’un accord valide et légitime |1| » comme le souligne l’Expert des Nations unies sur la dette Cephas Lumina. Si les dettes sont illégales ou illégitimes alors l’Ukraine n’a aucune obligation de les rembourser et par conséquent, n’a aucun intérêt d’emprunter au FMI.
Un audit des dettes ukrainiennes permettrait d’identifier la part illégitime qui doit être annulée sans condition. L’audit permet notamment de répondre à ces questions : Qui a contracté ces dettes ? Étaient-ils juridiquement compétents pour contracter ces prêts ? Qui en a profité ? Les prêteurs ont-ils mis des conditions à l’octroi des prêts ? Ces conditions violent-elles le droit national du pays emprunteur ? A combien s’élève le montant des intérêts engrangés par les prêteurs ? Quels sont les projets financés par la dette ? etc.
Vu l’urgence, une réponse immédiate pourrait être la suspension du remboursement de la dette (avec gel des intérêts) et le gel des négociations avec le FMI dans l’attente (au minimum) des résultats des prochaines élections prévues le 25 mai et d’un vrai débat public sur les implications d’un prêt du FMI et les alternatives à l’endettement.
Les arguments pour décréter ce type de moratoire ne manquent pas. L’Ukraine et ses créanciers pourraient invoquer « un changement fondamental de circonstances » suite au renversement de Ianoukovitch et la nature provisoire du gouvernement mis en place le 26 février. Seul manque aujourd’hui la volonté politique aussi bien de la part des autorités provisoires de l’Ukraine que de l’Union européenne qui se déclare pourtant du côté du peuple ukrainien…

Note :
Principes directeurs relatifs à la dette extérieure et aux droits de l’homme, Annexe au rapport de l’expert indépendant Cephas Lumina du 10 avril 2012 (A/HCR/20/23). Sauf mention contraire, les citations sont issues de ce rapport.
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L’ensauvagement du monde

19 octobre 2013 par Aminata Traoré
L’ensauvagement du monde poursuit son cours avec son cortège de souffrances humaines, de larmes et de sang. Les peuples appauvris et affamés qui prennent d’assaut la rue, parviennent parfois à évincer des dictatures militaires et civiles internes sans pour autant changer les causes structurelles des inégalités, des injustices et de la corruption. Ils sont impuissants face au « coup d’État permanent » que dénonce, inlassablement, Éric Toussaint en démontant les rouages du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.
Le « Procès d’un homme exemplaire » ajoute une nouvelle dimension à sa contribution et à celle, tout aussi précieuse, du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM) à la démystification des institutions de Bretton Woods. Les potions du FMI et de la Banque mondiale ne sont pas seulement amères, elles sont souvent mortelles.
Le Mali en guerre ne souffre pas, comme le discours dominant le prétend, d’une crise sécuritaire au nord et d’une crise institutionnelle au sud. Il est l’un des meilleurs élèves de ces institutions à qui il doit largement le délitement de l’État, la porosité des frontières et le désespoir des jeunes sans emplois, prêts à se battre sur tous les fronts.
Comble de l’horreur, le Mali est à la veille d’un nouveau cycle de surendettement au nom de sa reconstruction selon le même paradigme sous la tutelle des mêmes institutions financières internationales.
Des histoires de vies comme celle de Jacques de Groote, anciennement directeur exécutif de ces deux institutions, aujourd’hui accusé par la justice suisse « d’escroquerie », de « blanchiment d’argent aggravé » et de « faux dans les titres », illustre, au-delà du parcours de l’homme, la crise morale dont souffre l’ordre dominant.
Les peuples se battraient ensemble et mieux si le traitement de l’information leur permettait de situer les responsabilités de tous les acteurs. Ce livre d’Éric Toussaint, contribue, valablement, à l’éducation citoyenne au Nord et au Sud.

Aminata Traoré est une femme politique et écrivain malienne. Parmi ses livres : L’Etau, Actes Sud, 1999 ; Le Viol de l’imaginaire, Editions Fayard, 2002 ; L’Afrique mutilée, Taama Éditions, 2012.
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Le Parlement européen questionne (à moitié) la Troïka

28 février 204 par Fátima Martín , Jérôme Duval

Un rapport préliminaire du Parlement européen pointe les irrégularités du triptyque UE, BCE, FMI. Explication de texte, avec une journaliste et un militant espagnols.
« L’examen de la troïka réalisé par le Parlement Européen justifie les graves déficiences démocratiques et juridiques de la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) envers les pays soumis au « programmes » de sauvetages financiers qu’ils mènent depuis quatre ans.
Malgré l’intention dissimulée de blanchir la Troïka, le rapport préliminaire du Parlement européen ne peut s’empêcher de signaler de multiples irrégularités. Cette évaluation comprend des questionnaires envoyés aux principaux responsables, qui, en toute impunité, ne répondent pas ou bien ne le font qu’à moitié.
Dépendant du Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le projet de rapport, signé par Othmar Karas et Liem Hoang Ngoc, oublie curieusement et inexplicablement, le sauvetage du secteur bancaire espagnol en juin 2012 représentant jusqu’à 100 milliards d’euros (desquels on dit qu’il a été utilisé 41,3 milliards).
Le rapport préliminaire, qui devrait être rendu définitif peu avant les élections européennes, en avril, signale de grandes irrégularités de la troïka, et justifie son action à plusieurs reprises. Parlant de « l’immense défit de la troïka », il défend l’idée selon laquelle « le temps s’épuisait, les obstacles légaux devaient être écartés, la peur d’une fusion du noyau de la zone euro était palpable, il fallait adopter des accords politiques... ». La possibilité de mettre en œuvre des mesures alternatives est rejetée en soutenant :
« l’assistance financière à court terme a évité une cessation de paiement désordonnée de la dette souveraine qui aurait eu des conséquences économiques et sociales extrêmement graves ainsi que des effets indirects dans d’autres pays d’une magnitude incalculable... ».
Le document signale que « due à une nature ad hoc, il n’existait pas de base juridique adéquate pour la création de la troïka sur la base du Droit primaire de l’Union ». Fait confirmé indirectement par la Commission quand elle écrit que « le modèle de la troïka a été pris en charge par le législateur de l’UE (voir l’article 7 de la Régulation de l’UE nº 472/2013) », ce qui implique qu’avant 2013, ce n’était pas le cas. Nous savons cependant que tous les programmes de la Troïka, sauf celui de Chypre, ont démarré avant cette date.
Par ailleurs, le rapport souligne la double fonction de la Commission européenne (comme agent des États et comme institution de l’Union européenne) et de la BCE (en tant que conseiller technique et créancier) dans la troïka et ses évidents conflits d’intérêt, en tant que juge et partie. Selon le traité de fonctionnement de l’UE, le mandat de la BCE est limité à la politique monétaire, et par conséquent, « la participation de la BCE dans n’importe quelle affaire en relation avec les politiques budgétaires, fiscale et structurelle se situe dans un terrain légal incertain ». D’où découle « la faible responsabilité démocratique de la troïka » dans les pays concernés.
Le rapport avertit que « le mandat de la troïka a été perçu comme opaque et non transparent » et se montre particulièrement critique envers les mémorandums (Memorandum of Understanding), dont il déplore le manque de transparence dans les négociations.
La Troïka élude les questions et désigne les États comme responsables
Les présumés responsables des sauvetages, Commission européenne, BCE, FMI, Eurogroupe et Conseil européen, répondent, quand ils le font, au questionnaire envoyé par le Parlement européen de manière légère et largement insatisfaisante. Ils se rejoignent tous en rejetant la responsabilité sur les autres. Par exemple, le FMI s’est refusé à répondre en argumentant qu’il n’a pas de compte à rendre aux parlementaires, ce qui peut paraître surprenant quand on sait que c’est lui-même qui impose ses politiques aux Parlements. Herman Van Rompuy a répondu qu’il « n’est pas impliqué », alors qu’en tant que président du Conseil européen, il représente les États membres de l’UE.
Pour sa part, le président de l’Eurogroupe a évité la question en disant que les institutions de la Troïka sont les plus à mêmes de répondre, alors que dans le même temps, la BCE renvoie la balle à l’Eurogroupe : « En ce qui concerne des mesures concrètes pour des pays spécifiques, il serait plus approprié que ce soit l’Eurogroupe qui réponde ».
Tous ces responsables sont impliqués depuis des années dans les politiques d’austérité menées par les gouvernements sous le mandat opaque de la troïka. Ils appuient ces politiques en exerçant une forte pression sur ces États pour qu’ils les mettent en application. Au moment de répondre aux questions de nos représentants du Parlement européen, ils éludent leurs responsabilités et rejettent la faute sur les États dont ils ont volé la souveraineté. La CE comme la BCE l’affirme clairement : « La paternité de la conception du programme appartient aux autorités ».
Nous savions déjà que ces institutions et leurs hauts fonctionnaires jouissent d’une totale impunité devant la justice, maintenant nous savons qu’ils vont jusqu’à refuser de répondre aux questions sur leurs implications. Fuiraient-ils leurs responsabilités face à une opinion populaire chaque jour plus révoltée par les conséquences humanitaires de ces politiques ? »


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