Article
d'une sincérité rarement égalée qui ne peut qu'inspirer de l'empathie pour ce
peuple qui se révolte, qui résiste depuis si longtemps.
11-06-2016
La stratégie de
l'emprisonnement comme un moyen de domination
Si la stratégie d'expansion coloniale est découverte dans
des actions systématiques et intégrées qui rendent la vie des Palestiniens
insupportable sur son territoire, comme nous avons essayé d'expliquer dans le
texte sur la guerre de l'eau [1], la stratégie de domination a comme principe
de soumettre une partie importante de la population palestinienne à
l'emprisonnement politique dans des conditions extrêmes (qui constituent une
torture en elle-même) et pendant de longues périodes de temps, de sorte qu'il y
ait toujours une forte proportion d'actifs militants derrière les barreaux avec
de multiples effets réfléchis: sur le prisonnier, sa famille, son environnement
social et l'ensemble de la société palestinienne.
Depuis le début de l'occupation israélienne du territoire
palestinien en 1967, plus de 750.000 citoyens palestiniens ont été arrêtés.
Parmi eux, 15.000 femmes et des dizaines de milliers d'enfants. Depuis 2000 à
ce jour, plus de 85.000 cas d'arrestations ont été enregistrées. Y compris plus
de 10.000 enfants (de moins de 18 ans) et environ 1200 sont des femmes, plus de
65 ministres ou membres du Conseil législatif palestinien et plus de 24.000 en
détention administrative [1], qui peut être renouvelé plusieurs fois.
Au cours des quatre dernières années, est devenu clair que
les enfants palestiniens sont les cibles d'arrestations. Plus de 3.750 cas de
détention d'enfants, dont 1266 ont eu lieu en 2014. Au cours du premier
trimestre de cette année, plus de 200 arrestations d'enfants ont été
enregistrées, quel que soit leur âge ou leur faiblesse physique, sans satisfaire
leurs besoins de base. Ils ont été traités durement, torturés, privés de leurs
droits humanitaires fondamentaux, reconnus coupables (par un tribunal
militaire) et condamnés à la prison, une amende ou confinées à la maison. Plus
de 95% des enfants libérés des prisons disent avoir été torturés ou maltraites
pendant les interrogatoires ou la détention. Ces actions constituent une menace
réelle pour les enfants palestiniens et leur avenir.
Plus de 7000 prisonniers politiques sont toujours dans les
prisons de l'occupation israélienne. Y compris 478 condamnés à perpétuité une
ou plusieurs fois, 70 femmes, 104 enfants de moins de 16 ans, 414 enfants de
moins de 18 ans, 715 en détention administrative, [C'est à dire : sans motif, sans
accusation, sans jugements. En prison en point c'est tout.] [Le gouvernement israélien dans sa
magnanimité déclare que ces arrestation ne peuvent l'être que pour 6 mois. Mais
il déclare aussi: quelles peuvent être renouvelés indéfiniment!] trois
membres du Conseil législatif palestinien, 1500 malades dont 80 sont dans un
état de santé grave, 30 ont été arrêtés avant même les accords d'Oslo en 1994,
459 à des peines de plus de vingt ans, 16 passeront plus de 25 ans en prison comme
Karim Younis et Maher Younis incarcérés depuis 33 ans sans interruption et 65
d'entre eux sont toujours en prison malgré avoir purgé leur peine de 20 ans ...
les prisonniers politiques palestiniens sont dispatchés dans 22 prisons et
centres de détention israéliens, les plus importantes sont Nafha, Remon,
Asqalan, Beir Sabee, Hadareem , Jalbou, Shata, Ramlah, Damoun, Hasharoon,
Hadarim, Naqab, Ofar et Majedo. [2]
Et que peut-on reprocher à ces
hommes a
part leur résistance à l'occupant ? RIEN...
Notre expérience directe
Durant les jours où j'étais en Palestine, la question des
prisonniers politiques s'imposait à chaque rencontre. Difficile de rencontrer
un dirigeant social ou politique qui n'a pas passé par une forme d'incarcération
et plus difficile que dans les interviews, dans les camps de réfugiés, les
quartiers de Jérusalem-Est ou les mouvements sociaux de Cisjordanie ne
surgissent références très directes des prisonniers politiques.
L'auteur de ces lignes a une idée de la question. Il avait
sa propre expérience d'un séjour dans un centre clandestin, la quatrième de
Santa Fe, et une prison de Coronda; en plus durant quelques années, sous la
dictature, il a travaillé en tant que receveur de plaintes au siège de la Ligue
de Rosario, dans le mythique Ricardone 74, et au cours des dix dernières
années, a partagé avec les équipes juridiques de la ligue a participé dans des
dizaines de jugements où il a entendu des centaines de témoignages sur les
centres et les prisons de la dictature.
La première chose que je dois dire que tout a été dépassé
en Palestine. Pour le nombre (on estime que 40% des palestiniens males sont passés
par la prison depuis 1967) et la perversion industrialisé. Les organismes défenseurs
des droits humains du peuple palestinien ont identifié plus d'une centaine de
techniques de torture.
De ces dernières nous a parlé Yacoub Odeh, un membre du Conseil
de Direction d'Addameer (l'organisation qui nous a invités et organisé la
tournée politique en Palestine) qui a passé dix-sept ans de prison pour faire
partie de la résistance à l'occupation militaire de 1967 et qui, par les
raisons expliqués, possède simplement un "permis de résidence" cela
fait plus de sept ans qu'il ne peut pas sortir de Jérusalem au risque de ne
plus avoir le droit d'y résider.
Le témoignage de Yacoub Odeh est presque insupportable a
entendre: les geôliers lui ont arraché partie du cuir chevelu et les dommages
reçus au cours des séances de torture sans fin sont visibles à fleur de peau.
Cependant, pas d'ombre de haine dans son discours où abondent les réflexions
humanistes et la conviction qu'il faut convaincre une partie de la société
israélienne et une grande partie de l'opinion publique mondiale pour sortir de
l'apparent, enferment réfléchi, de ce "conflit"
Dans un quartier palestinien de Jérusalem-Est nous avons
visité la famille de Majd Barbar; emprisonné depuis quinze ans accusé d'être
l'instigateur de la deuxième Intifada en 2000. Nous avons pris le thé avec sa
partenaire et ses deux enfants, un garçon de seize ans et une fille de quinze
ans. Tous deux vêtus à l'occidentale, élèves d'une école catholiques qui leur
permet d'étudier, malgré qu'il sont musulmans non pratiquants. La jeune fille a tenté
de dire quelque chose, l'émotion était si présente qu'elle est sorti en pleurant.
Sa mère présente ses excuses et explique qu'elle est encore troublée par un
événement extraordinaire: pour la première fois en quinze ans d'emprisonnement
de son père on lui a permis de l'embrasser, le toucher, et prendre une photo. C'est
la deuxième qu'elle a avec son père, on ne lui avaient pas permis de la garder possiblement
que la Cour de sûreté de l'État estime que la photo était un danger pour la
sécurité d'Israël, absurde et pervers à la fois, dans la première, elle avait
deux semaines et son père quinze ans de moins. La mère raconte qu'avec son mari
a été également arrêté son frère et que en une occasion, lorsque tous deux en
détention depuis des mois, l'ont emmenée et torturée devant eux, pour briser
leur volonté de résistance. Elle le raconte avec humilité et le naturel de ceux
qui ont fait du patriotisme et de la dignité un choix de vie qui n'admet pas d'option.
Lui est interdit de travailler dans une entreprise israélienne, mais a été
employé dans une ONG d'aide au peuple palestinien. Son rêve est que son mari sorte
enfin (il manque très peu pour l'accomplissement de la sentence, mais c'est
sans garantie) et elle est préoccupé pour les études et la santé de ses
enfants. Elle craint particulièrement que le garçon soit mêlé dans un bagarre avec
les israéliens qui agissent dans les rues tel des voyous. Frappant et crachant
sur les jeunes palestiniens, protégés par la police israélienne. Le garçon
explique qu'il change de rue quand il les voit, mais qu'ils le provoquent. On devine le conflit: le garçon n'en peut
plus, la mère est terrifiée à l'idée qu'il soit incarcéré avant que sorte sont
père.
Dans le camp de réfugiés de Ramallah, Al Jalazoon, nous nous
trouvons devant ce drame. Il se trouve que Murad Nakhla est sur le point de sortir,
après quinze ans de prison (tous prisonniers de l'Intifada en 2000, la Deuxième
Intifada) et la visite a été prévue parce que dans ces cas, les voisins réalisent
des peintures murales, installent des lumières de couleur et tout le quartier
se prépare à leur réception. Cela, nous l'avons vu dans le camp de réfugiés
d'Aida à Bethléem. Mais ici, la fête fut gâté. La veille de notre visite,
l'armée israélienne a pris d'assaut le Camp de refugiés et ont investi la
maison de Murad Nakhla pour arrêter son fils Osaid âgé de quinze ans. Les
autorités militaires israéliennes n'ont fourni aucune information mais l'on
sait qu'il est en «interrogatoire» où il sera -surement- torturé sauvagement, sans séances soient filmées ou
enregistrées par la grâce de la Cour suprême israélienne défiant la communauté
internationale et permet la torture de
l'Armée israélienne y compris contre les enfants.
Le climat est tendu, dramatique. Notre discours devient
inutile, imbécile.
En ces temps très difficile à Jérusalem, quand nous
répétons le discours de la solidarité internationale, le garçon nous a demandé
ce que nous pouvions faire pour son père et nous a dit que nous pourrions le
rendre plus visible. Nous pourrions protester devant l'ambassade d'Israël. Il nous
a demandé si notre action pourrait forcer Israël à libérer son père ou un
prisonnier et quand nous lui avons dit: que non, alors il dit que nous ne
pouvions rien faire pour lui.
Certainement qu'une analyse fine de la question nous
donnerait raison et l'idée de l'accumulation des critiques et des actions pourraient
finalement apporter quelque résultats, mais je pense que le garçon, comme
l'autre à Hébron qui avait pris une pierre quand le soldat lui a interdit passer
la porte pour m'accompagner à la Mosquée, il est sur le point de perdre patience,
au bord de la rébellion, même s'ils n'ont ni plan ou ni stratégie pour la
victoire
Dans le Camp de réfugiés de Al Jalazoon nous emmènent de maison en maison.
Touts ont des familiers en prison ou tués
par l'armée israélienne. Dans toutes les maisons il y a la photo des compagnons
en place d'honneur. Les mères sont honorés comme le sont les mères des martyrs
et c'est quelque chose de très profond dans la culture palestinienne, musulmane
et arabe. Je me souviens de quelques noms. Ali Safi tué par l'armée. Khaled
Safi prisonnier pendant des années.
Les Israéliens prétendent donner toute sa politique
d'emprisonnement de masse et sans cause, une patine de légalité. Ils ont tout
un éventail d'options pour emprisonner les Palestiniens, mais dans tous les
cas, feignent le faire sous instance judiciaire. Bien sûr, que les Droits de l'Homme
du Droit International ne sont pas appliqués, même pas le droit qui protégé des
actes de guerre ou des personnes sous le contrôle du droit international de
l'occupant militaire, ne sont pas respectées. Et comme par hasard Israël refuse
d'adhérer à la Cour pénale internationale et interrogé [quand il n'entrave pas] les travaux des organisations
internationales qui condamnent systématiquement ses actions.
Son autoritarisme est si pervers et cynique qui sont parvenus
à sanctionner une loi interdisant la grève de la faim, presque le seul recours
qui restait aux prisonniers de se manifester. En effet, le 30 Juillet 2015, la
Knesset (Parlement israélien) a approuvé la «loi pour prévenir les dommages
grève de la faim», qui permet l'alimentation forcée des Palestiniens en grève
de la faim dans les prisons de l'occupation israélienne supprimant le dernier
recours pour exercer la volonté des prisonniers.
A côté de l'avocat d'Addameer, Farah Bayardi, nous avons
eu l'occasion d'assister à un procès devant le tribunal militaire de Ramallah,
attaché à la prison d'Ofer.
Pour parvenir à atteindre l'enceinte se fut toute une
traversée. Passer les contrôles militaires, encore et encore. Se soumettre aux
contrôles, présenter les documents pour finalement attendre dans une cour que
la lumière s'allume pour entrer au moment du dernier appel. Le jeune
Palestinien était depuis un an en prison, ses parents sont venus d'Hébron,
assis seul dans une petite pièce. L'accusation était qu'il avait jeté une
pierre sur un soldat israélien et cela constitue, selon l'occupant militaire,
le crime d'agression à l'autorité, le procureur a exigé deux ans et une amende
de quatre mille nouveaux sheckel (monnaie israélienne, environ un millier de
dollars, une somme importante pour l'économie palestinienne) et toute somme non
payée augmente la sentence.
La majorité des jugements sont traités comme des "jugements
abrégés" de l'Argentine au temps des "Juntes". Les autorités
militaires ont imposé la situation que si la faute de l'infraction pour
laquelle il est accusé n'est pas acceptée, l'attente de jugement sera beaucoup
plus longue que la possible condamnation. Ainsi, toute la discussion porte sur
le montant de la peine et non pas de l'innocence ou la culpabilité de l'accusé.
La plupart des cas sont constitués par le témoignage du soldat ou des Services
de Renseignement comme unique preuve, suffisant pour l'«ordre juridique
militaire» qui évidemment présuppose, la crédibilité de la parole militaire et
la fausseté du témoignage de l'accusé palestinien. Le niveau d'acquittements
est minime et la pénalité pour avoir jeté une pierre varie de deux à cinq ans.
Cinq ans pour jeter une pierre et jusqu'à des enfants peuvent
être condamnés.
La loi dit qu'ils ne peut être condamné qu'à 16 ans, mais
n' interdit pas les emprisonner avant et attendre l'âge requise en prison.
Nous avions parlé de tout cela avec le chef de l'autorité
palestinienne pour les questions des prisonniers politiques, une position insolite
pour un fonctionnaire du gouvernement, mais Issa Qaraqa n'est pas intimidé et
énumère les actions que son bureau effectue: de l'action à clarifier les droits
applicables aux prisonniers politiques, jusqu'à l'appui d'une équipe d'avocats
qui tentent, dans les conditions les plus défavorables parce que la justice
israélienne permet l'utilisation de preuve sécrète ou que les accusés arrivent au
jugement sans avoir vu l'avocat, qui à son tour, prend connaissance de l'accusation
en même temps de l'audience orale, ce qui rend le travail juridique en une
imitation grossière de «procédure juridique» et d'autres conditions qui font
l'état de droit, que clairement Israël ne respecte pas.
Je voudrais terminer cette chronique avec l'opinion d'une
journaliste israélienne, Amira Hass, publié en Avril 2013, devant une série
d'arrestations de Palestiniens accusés d'avoir jeté des pierres.
L'article est intitulé: La syntaxe interne de pierres
palestiniennes et dit .. "Lancer des pierres est le droit et le devoir de
toutes les personnes sous domination étrangère. Jeter de pierres, est un acte à
la fois comme une métaphore de la résistance. Poursuivre ceux qui jettent des
pierres, y compris les enfant de 8 ans, est une partie inséparable, même si
n'est pas toujours explicite, des exigences de l'attitude du gouvernant
étranger; pas moins que de tirer à larme de poing ou lourde, torturer, vol des
terres, restreindre les libertés de mouvement et de veiller à la répartition
inégale de l'eau. La violence des soldats de 19 ans, de leurs commandants de 45
ans, des bureaucrates, des juristes et avocats, est dictée par la réalité. Son
travail est de protéger les fruits de la violence inhérente à l'occupation
étrangère: les ressources, le profit, le pouvoir et les privilèges. (...) Très
souvent le lancer de pierres est un produit de l'ennui, l'excès d'hormones,
l'émulation, la vantardise et la concurrence. Mais dans la syntaxe interne de
la relation entre l'occupant et le occupé, jeter des pierres est l'adjectif qui
accompagne le sujet: "nous en avons
eu assez de vous, les occupants".
Un autre israélien, Gideon Levy, commente le texte en disant que le commentaire d'Amira Hass, quelque
jours après que les Juifs ont lu la Haggadah [lecture de Pâques], qui raconte
son histoire de la libération, «une lutte qui incluait de terribles calamités
que les pierres lancées contre ceux qui ont nié leur liberté. Des générations
de Juifs lisent ce texte avec la peur et la crainte, et le racontent a leurs
enfants. Mais ils ne sont pas disposés à appliquer la même règle de base (...) selon
laquelle la résistance, y compris la résistance violente, est le droit et le
devoir de chaque nation opprimée" ; parce que «Dans l'expérience
israélienne l'idée que ce qui est permis au peuple juif est interdit aux autres,
est profondément enracinée." Levy dit une vérité de la Palisse, mais
souvent contournée par les défenseurs d'Israël: ".
La seule façon
d'arrêter [la violence] est de mettre fin à l'occupation" [3]
Dans un entretien avec Ahmad Attoun, ancien prisonnier
politique et parlementaire pour le Hamas à Jérusalem-Est, aujourd'hui expulsé
de sa maison et installé à Ramallah, a dit quelque chose de semblable: "La phase actuelle du mouvement de libération
nationale palestinienne est de mettre fin à l'occupation militaire, ainsi nous
pourrions parler de démocratie avec une totale liberté de comment organiser
l'Etat palestinien et le type de société que les Palestiniens veulent pour
eux-mêmes".
Est-ce que le premier est le premier et je n'ai aucun doute
qu'en Palestine, la première chose est de mettre fin à l'occupation militaire,
la cause de toutes les injustices et les inégalités, l'emprisonnement politique
et la politique d'apartheid qui non seulement dénigre et humilie le peuple
palestinien qui souffre, et aussi dénigrent et dégradent le peuple d'Israël qui
le consentement et l'approuvé. Il y a d'autres Israéliens qui résistent à
l'occupation et le fascisme en Israël, mais son combat courageux mérite une
autre chronique palestinienne: ceux qui construisent la paix malgré tout.
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