lundi 20 juin 2016

Une vaste prison appelée Palestine



Article d'une sincérité rarement égalée qui ne peut qu'inspirer de l'empathie pour ce peuple qui se révolte, qui résiste depuis si longtemps.

11-06-2016

La stratégie de l'emprisonnement comme un moyen de domination
Si la stratégie d'expansion coloniale est découverte dans des actions systématiques et intégrées qui rendent la vie des Palestiniens insupportable sur son territoire, comme nous avons essayé d'expliquer dans le texte sur la guerre de l'eau [1], la stratégie de domination a comme principe de soumettre une partie importante de la population palestinienne à l'emprisonnement politique dans des conditions extrêmes (qui constituent une torture en elle-même) et pendant de longues périodes de temps, de sorte qu'il y ait toujours une forte proportion d'actifs militants derrière les barreaux avec de multiples effets réfléchis: sur le prisonnier, sa famille, son environnement social et l'ensemble de la société palestinienne.

Depuis le début de l'occupation israélienne du territoire palestinien en 1967, plus de 750.000 citoyens palestiniens ont été arrêtés. Parmi eux, 15.000 femmes et des dizaines de milliers d'enfants. Depuis 2000 à ce jour, plus de 85.000 cas d'arrestations ont été enregistrées. Y compris plus de 10.000 enfants (de moins de 18 ans) et environ 1200 sont des femmes, plus de 65 ministres ou membres du Conseil législatif palestinien et plus de 24.000 en détention administrative [1], qui peut être renouvelé plusieurs fois.

Au cours des quatre dernières années, est devenu clair que les enfants palestiniens sont les cibles d'arrestations. Plus de 3.750 cas de détention d'enfants, dont 1266 ont eu lieu en 2014. Au cours du premier trimestre de cette année, plus de 200 arrestations d'enfants ont été enregistrées, quel que soit leur âge ou leur faiblesse physique, sans satisfaire leurs besoins de base. Ils ont été traités durement, torturés, privés de leurs droits humanitaires fondamentaux, reconnus coupables (par un tribunal militaire) et condamnés à la prison, une amende ou confinées à la maison. Plus de 95% des enfants libérés des prisons disent avoir été torturés ou maltraites pendant les interrogatoires ou la détention. Ces actions constituent une menace réelle pour les enfants palestiniens et leur avenir.

Plus de 7000 prisonniers politiques sont toujours dans les prisons de l'occupation israélienne. Y compris 478 condamnés à perpétuité une ou plusieurs fois, 70 femmes, 104 enfants de moins de 16 ans, 414 enfants de moins de 18 ans, 715 en détention administrative, [C'est à dire : sans motif, sans accusation, sans jugements. En prison en point c'est tout.] [Le gouvernement israélien dans sa magnanimité déclare que ces arrestation ne peuvent l'être que pour 6 mois. Mais il déclare aussi: quelles peuvent être renouvelés indéfiniment!] trois membres du Conseil législatif palestinien, 1500 malades dont 80 sont dans un état de santé grave, 30 ont été arrêtés avant même les accords d'Oslo en 1994, 459 à des peines de plus de vingt ans, 16 passeront plus de 25 ans en prison comme Karim Younis et Maher Younis incarcérés depuis 33 ans sans interruption et 65 d'entre eux sont toujours en prison malgré avoir purgé leur peine de 20 ans ... les prisonniers politiques palestiniens sont dispatchés dans 22 prisons et centres de détention israéliens, les plus importantes sont Nafha, Remon, Asqalan, Beir Sabee, Hadareem , Jalbou, Shata, Ramlah, Damoun, Hasharoon, Hadarim, Naqab, Ofar et Majedo. [2]

Et que peut-on reprocher à ces hommes a
 part leur résistance à l'occupant ? RIEN...

Notre expérience directe
Durant les jours où j'étais en Palestine, la question des prisonniers politiques s'imposait à chaque rencontre. Difficile de rencontrer un dirigeant social ou politique qui n'a pas passé par une forme d'incarcération et plus difficile que dans les interviews, dans les camps de réfugiés, les quartiers de Jérusalem-Est ou les mouvements sociaux de Cisjordanie ne surgissent références très directes des prisonniers politiques.
L'auteur de ces lignes a une idée de la question. Il avait sa propre expérience d'un séjour dans un centre clandestin, la quatrième de Santa Fe, et une prison de Coronda; en plus durant quelques années, sous la dictature, il a travaillé en tant que receveur de plaintes au siège de la Ligue de Rosario, dans le mythique Ricardone 74, et au cours des dix dernières années, a partagé avec les équipes juridiques de la ligue a participé dans des dizaines de jugements où il a entendu des centaines de témoignages sur les centres et les prisons de la dictature.

La première chose que je dois dire que tout a été dépassé en Palestine. Pour le nombre (on estime que 40% des palestiniens males sont passés par la prison depuis 1967) et la perversion industrialisé. Les organismes défenseurs des droits humains du peuple palestinien ont identifié plus d'une centaine de techniques de torture.

De ces dernières nous a parlé Yacoub Odeh, un membre du Conseil de Direction d'Addameer (l'organisation qui nous a invités et organisé la tournée politique en Palestine) qui a passé dix-sept ans de prison pour faire partie de la résistance à l'occupation militaire de 1967 et qui, par les raisons expliqués, possède simplement un "permis de résidence" cela fait plus de sept ans qu'il ne peut pas sortir de Jérusalem au risque de ne plus avoir le droit d'y résider.

Le témoignage de Yacoub Odeh est presque insupportable a entendre: les geôliers lui ont arraché partie du cuir chevelu et les dommages reçus au cours des séances de torture sans fin sont visibles à fleur de peau. Cependant, pas d'ombre de haine dans son discours où abondent les réflexions humanistes et la conviction qu'il faut convaincre une partie de la société israélienne et une grande partie de l'opinion publique mondiale pour sortir de l'apparent, enferment réfléchi, de ce "conflit"

Dans un quartier palestinien de Jérusalem-Est nous avons visité la famille de Majd Barbar; emprisonné depuis quinze ans accusé d'être l'instigateur de la deuxième Intifada en 2000. Nous avons pris le thé avec sa partenaire et ses deux enfants, un garçon de seize ans et une fille de quinze ans. Tous deux vêtus à l'occidentale, élèves d'une école catholiques qui leur permet d'étudier, malgré qu'il sont  musulmans non pratiquants. La jeune fille a tenté de dire quelque chose, l'émotion était si présente qu'elle est sorti en pleurant. Sa mère présente ses excuses et explique qu'elle est encore troublée par un événement extraordinaire: pour la première fois en quinze ans d'emprisonnement de son père on lui a permis de l'embrasser, le toucher, et prendre une photo. C'est la deuxième qu'elle a avec son père, on ne lui avaient pas permis de la garder possiblement que la Cour de sûreté de l'État estime que la photo était un danger pour la sécurité d'Israël, absurde et pervers à la fois, dans la première, elle avait deux semaines et son père quinze ans de moins. La mère raconte qu'avec son mari a été également arrêté son frère et que en une occasion, lorsque tous deux en détention depuis des mois, l'ont emmenée et torturée devant eux, pour briser leur volonté de résistance. Elle le raconte avec humilité et le naturel de ceux qui ont fait du patriotisme et de la dignité un choix de vie qui n'admet pas d'option. Lui est interdit de travailler dans une entreprise israélienne, mais a été employé dans une ONG d'aide au peuple palestinien. Son rêve est que son mari sorte enfin (il manque très peu pour l'accomplissement de la sentence, mais c'est sans garantie) et elle est préoccupé pour les études et la santé de ses enfants. Elle craint particulièrement que le garçon soit mêlé dans un bagarre avec les israéliens qui agissent dans les rues tel des voyous. Frappant et crachant sur les jeunes palestiniens, protégés par la police israélienne. Le garçon explique qu'il change de rue quand il les voit, mais qu'ils le provoquent.  On devine le conflit: le garçon n'en peut plus, la mère est terrifiée à l'idée qu'il soit incarcéré avant que sorte sont père.

Dans le camp de réfugiés de Ramallah, Al Jalazoon, nous nous trouvons devant ce drame. Il se trouve que Murad Nakhla est sur le point de sortir, après quinze ans de prison (tous prisonniers de l'Intifada en 2000, la Deuxième Intifada) et la visite a été prévue parce que dans ces cas, les voisins réalisent des peintures murales, installent des lumières de couleur et tout le quartier se prépare à leur réception. Cela, nous l'avons vu dans le camp de réfugiés d'Aida à Bethléem. Mais ici, la fête fut gâté. La veille de notre visite, l'armée israélienne a pris d'assaut le Camp de refugiés et ont investi la maison de Murad Nakhla pour arrêter son fils Osaid âgé de quinze ans. Les autorités militaires israéliennes n'ont fourni aucune information mais l'on sait qu'il est en «interrogatoire» où il sera -surement- torturé sauvagement, sans séances soient filmées ou enregistrées par la grâce de la Cour suprême israélienne défiant la communauté internationale et permet la torture  de l'Armée israélienne y compris contre les enfants.

Le climat est tendu, dramatique. Notre discours devient inutile, imbécile.

En ces temps très difficile à Jérusalem, quand nous répétons le discours de la solidarité internationale, le garçon nous a demandé ce que nous pouvions faire pour son père et nous a dit que nous pourrions le rendre plus visible. Nous pourrions protester devant l'ambassade d'Israël. Il nous a demandé si notre action pourrait forcer Israël à libérer son père ou un prisonnier et quand nous lui avons dit: que non, alors il dit que nous ne pouvions rien faire pour lui.

Certainement qu'une analyse fine de la question nous donnerait raison et l'idée de l'accumulation des critiques et des actions pourraient finalement apporter quelque résultats, mais je pense que le garçon, comme l'autre à Hébron qui avait pris une pierre quand le soldat lui a interdit passer la porte pour m'accompagner à la Mosquée, il est sur le point de perdre patience, au bord de la rébellion, même s'ils n'ont ni plan ou ni stratégie pour la victoire

Dans le Camp de réfugiés de  Al Jalazoon nous emmènent de maison en maison. Touts ont des familiers en  prison ou tués par l'armée israélienne. Dans toutes les maisons il y a la photo des compagnons en place d'honneur. Les mères sont honorés comme le sont les mères des martyrs et c'est quelque chose de très profond dans la culture palestinienne, musulmane et arabe. Je me souviens de quelques noms. Ali Safi tué par l'armée. Khaled Safi prisonnier pendant des années.

Les Israéliens prétendent donner toute sa politique d'emprisonnement de masse et sans cause, une patine de légalité. Ils ont tout un éventail d'options pour emprisonner les Palestiniens, mais dans tous les cas, feignent le faire sous instance judiciaire. Bien sûr, que les Droits de l'Homme du Droit International ne sont pas appliqués, même pas le droit qui protégé des actes de guerre ou des personnes sous le contrôle du droit international de l'occupant militaire, ne sont pas respectées. Et comme par hasard Israël refuse d'adhérer à la Cour pénale internationale et interrogé [quand il n'entrave pas] les travaux des organisations internationales qui condamnent systématiquement ses actions.

Son autoritarisme est si pervers et cynique qui sont parvenus à sanctionner une loi interdisant la grève de la faim, presque le seul recours qui restait aux prisonniers de se manifester. En effet, le 30 Juillet 2015, la Knesset (Parlement israélien) a approuvé la «loi pour prévenir les dommages grève de la faim», qui permet l'alimentation forcée des Palestiniens en grève de la faim dans les prisons de l'occupation israélienne supprimant le dernier recours pour exercer la volonté des prisonniers.

A côté de l'avocat d'Addameer, Farah Bayardi, nous avons eu l'occasion d'assister à un procès devant le tribunal militaire de Ramallah, attaché à la prison d'Ofer.
Pour parvenir à atteindre l'enceinte se fut toute une traversée. Passer les contrôles militaires, encore et encore. Se soumettre aux contrôles, présenter les documents pour finalement attendre dans une cour que la lumière s'allume pour entrer au moment du dernier appel. Le jeune Palestinien était depuis un an en prison, ses parents sont venus d'Hébron, assis seul dans une petite pièce. L'accusation était qu'il avait jeté une pierre sur un soldat israélien et cela constitue, selon l'occupant militaire, le crime d'agression à l'autorité, le procureur a exigé deux ans et une amende de quatre mille nouveaux sheckel (monnaie israélienne, environ un millier de dollars, une somme importante pour l'économie palestinienne) et toute somme non payée augmente la sentence.

La majorité des jugements sont traités comme des "jugements abrégés" de l'Argentine au temps des "Juntes". Les autorités militaires ont imposé la situation que si la faute de l'infraction pour laquelle il est accusé n'est pas acceptée, l'attente de jugement sera beaucoup plus longue que la possible condamnation. Ainsi, toute la discussion porte sur le montant de la peine et non pas de l'innocence ou la culpabilité de l'accusé. La plupart des cas sont constitués par le témoignage du soldat ou des Services de Renseignement comme unique preuve, suffisant pour l'«ordre juridique militaire» qui évidemment présuppose, la crédibilité de la parole militaire et la fausseté du témoignage de l'accusé palestinien. Le niveau d'acquittements est minime et la pénalité pour avoir jeté une pierre varie de deux à cinq ans.

Cinq ans pour jeter une pierre et jusqu'à des enfants peuvent être condamnés.

La loi dit qu'ils ne peut être condamné qu'à 16 ans, mais n' interdit pas les emprisonner avant et attendre l'âge requise  en prison.

Nous avions parlé de tout cela avec le chef de l'autorité palestinienne pour les questions des prisonniers politiques, une position insolite pour un fonctionnaire du gouvernement, mais Issa Qaraqa n'est pas intimidé et énumère les actions que son bureau effectue: de l'action à clarifier les droits applicables aux prisonniers politiques, jusqu'à l'appui d'une équipe d'avocats qui tentent, dans les conditions les plus défavorables parce que la justice israélienne permet l'utilisation de preuve sécrète ou que les accusés arrivent au jugement sans avoir vu l'avocat, qui à son tour, prend connaissance de l'accusation en même temps de l'audience orale, ce qui rend le travail juridique en une imitation grossière de «procédure juridique» et d'autres conditions qui font l'état de droit, que clairement Israël ne respecte pas.

Je voudrais terminer cette chronique avec l'opinion d'une journaliste israélienne, Amira Hass, publié en Avril 2013, devant une série d'arrestations de Palestiniens accusés d'avoir jeté des pierres.
L'article est intitulé: La syntaxe interne de pierres palestiniennes et dit .. "Lancer des pierres est le droit et le devoir de toutes les personnes sous domination étrangère. Jeter de pierres, est un acte à la fois comme une métaphore de la résistance. Poursuivre ceux qui jettent des pierres, y compris les enfant de 8 ans, est une partie inséparable, même si n'est pas toujours explicite, des exigences de l'attitude du gouvernant étranger; pas moins que de tirer à larme de poing ou lourde, torturer, vol des terres, restreindre les libertés de mouvement et de veiller à la répartition inégale de l'eau. La violence des soldats de 19 ans, de leurs commandants de 45 ans, des bureaucrates, des juristes et avocats, est dictée par la réalité. Son travail est de protéger les fruits de la violence inhérente à l'occupation étrangère: les ressources, le profit, le pouvoir et les privilèges. (...) Très souvent le lancer de pierres est un produit de l'ennui, l'excès d'hormones, l'émulation, la vantardise et la concurrence. Mais dans la syntaxe interne de la relation entre l'occupant et le occupé, jeter des pierres est l'adjectif qui accompagne le sujet: "nous en avons eu assez de vous, les occupants".

Un autre israélien, Gideon Levy, commente le texte en  disant que le commentaire d'Amira Hass, quelque jours après que les Juifs ont lu la Haggadah [lecture de Pâques], qui raconte son histoire de la libération, «une lutte qui incluait de terribles calamités que les pierres lancées contre ceux qui ont nié leur liberté. Des générations de Juifs lisent ce texte avec la peur et la crainte, et le racontent a leurs enfants. Mais ils ne sont pas disposés à appliquer la même règle de base (...) selon laquelle la résistance, y compris la résistance violente, est le droit et le devoir de chaque nation opprimée" ; parce que «Dans l'expérience israélienne l'idée que ce qui est permis au peuple juif est interdit aux autres, est profondément enracinée." Levy dit une vérité de la Palisse, mais souvent contournée par les défenseurs d'Israël: ".
La seule façon d'arrêter [la violence] est de mettre fin à l'occupation" [3]

Dans un entretien avec Ahmad Attoun, ancien prisonnier politique et parlementaire pour le Hamas à Jérusalem-Est, aujourd'hui expulsé de sa maison et installé à Ramallah, a dit quelque chose de semblable: "La phase actuelle du mouvement de libération nationale palestinienne est de mettre fin à l'occupation militaire, ainsi nous pourrions parler de démocratie avec une totale liberté de comment organiser l'Etat palestinien et le type de société que les Palestiniens veulent pour eux-mêmes".
Est-ce que le premier est le premier et je n'ai aucun doute qu'en Palestine, la première chose est de mettre fin à l'occupation militaire, la cause de toutes les injustices et les inégalités, l'emprisonnement politique et la politique d'apartheid qui non seulement dénigre et humilie le peuple palestinien qui souffre, et aussi dénigrent et dégradent le peuple d'Israël qui le consentement et l'approuvé. Il y a d'autres Israéliens qui résistent à l'occupation et le fascisme en Israël, mais son combat courageux mérite une autre chronique palestinienne: ceux qui construisent la paix malgré tout.

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