dimanche 4 juin 2017

Les négociations de Camp David pouvaient-elles réussir?



Israël-Palestine: avant la conférence de Paris, une longue histoire diplomatique

Par Pierre Magnan@GeopolisFTV 
Publié le 15/01/2017 à 09H28 



Un sourire de circonstance...


Le Premier ministre israélien Ehud Barak, le président américain Bill Clinton et le président Yasser Arafat à Camp David aux Etats-Unis pour des négociations qui échouèrent.  © STEPHEN JAFFE / AFP FILES / AFP


Une conférence sur le Proche-Orient se tient à Paris. Une de plus, pourrait-on dire tant le conflit israélo-palestinien a donné lieu à des rencontres plus ou moins utiles. Retour sur les grands rendez-vous diplomatiques visant à régler ce conflit vieux de plus de 60 ans (pour le moins).

L’optimisme ne règne pas à la veille de ce sommet international qui tombe quelques jours avant le changement d’administration à Washington, acteur essentiel au Proche-Orient. «Chacun est bien conscient des difficultés face à un conflit qui dure depuis plusieurs décennies. Mais il n’est pas possible de rester spectateur d’une situation bloquée qui crée désespoir et insécurité. Notre objectif reste de mobiliser l’ensemble de la communauté internationale pour qu’elle s’engage en faveur d’une relance du processus de paix», explique Paris.


Depuis la création de l’État d’Israël en mai 1948, la tension règne entre l’État hébreu et ses voisins. Créé par la volonté des Anglais (déclaration Balfour en 1917) puis celle de l’ONU (vote du partage de la Palestine en 1947), Israël a connu de nombreuses guerres avec les pays arabes voisins (1948, 1956…) et n’a toujours pas déterminé ses frontières extérieures.

C’est l’extension d’Israël après la guerre des Six-Jours qui a obligé les «grandes» puissances à s’impliquer plus fortement dans la région et à s’investir dans la question des Territoires occupés après 1967 (Sinaï – restitué depuis – Jérusalem-Est, Gaza, Cisjordanie et plateau du Golan).

Entre droit international, Guerre froide et poids de l'histoire, le conflit israélo-arabe a toujours eu une dimension symbolique qui rend difficile sa solution. Quelques tentatives internationales de règlement ont cependant eu lieu avec notamment la Conférence de Madrid et les sommets de Camp David, sans parler de tous les entretiens informels.

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George Bush (père) et Mikhael Gorbatchev à Madrid en 1991 pour la conférence sur le Proche-Orient. © PATRICK BAZ / AFP

La conférence de Madrid
1991. Cette conférence se tient en octobre, au lendemain de la guerre contre l’Irak, alors que l’Intifada bat son plein dans les Territoires occupés. Elle est la première tentative internationale pour engager un processus de paix au Proche-Orient.

Voulue par les Américains – à l’époque le président Bush père – et soutenue par les Russes, cette conférence a le mérite de réunir pour la première fois des Israéliens, des pays arabes et des Palestiniens. Officiellement, l’OLP (organisation de Libération de la Palestine, encore pestiférée) de Yasser Arafat n’est pas représentée, mais des Palestiniens des Territoires occupés sont à la conférence, avec l’accord de l’organisation palestinienne.


Reportage d'Antenne 2 du 1er novembre 1991: dans les Territoires, le Fatah appelle au calme.

Comment en était-on arrivé là? «Washington, forte de ses acquis durant la guerre du Golfe et soucieuse de ne pas être accusée de mener une politique de "deux poids deux mesures", veut inscrire son action dans la durée et s’attaquer à la principale menace d’instabilité dans la région. Moscou est favorable depuis des années à une telle conférence. L’OLP, affaiblie du fait de sa position pro-irakienne dans le récent conflit, préfère saisir sa chance même si la délégation jordano-palestinienne ne comprend ni représentant officiel de l’OLP, ni représentant des réfugiés. Le gouvernement israélien ne peut se permettre d’aller à l’encontre de la volonté de son allié américain», résume Le Monde Diplomatique.


Si la conférence ne donna rien de concret sur le moment, elle permit de nombreuses rencontres multilatérales et ouvrit la voie à ce qui finalement allait donner le processus d'Oslo.

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Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1993. © J. DAVID AKE / AFP

L’accord d’Oslo signé à Washington
Après cette conférence, les réunions secrètes entre les deux parties, à Oslo notamment, finissent par déboucher sur un accord, celui signé à la Maison Blanche le 13 septembre 1993 entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, en présence de Bill Clinton. Les signataires engagent une reconnaissance mutuelle avec pour conséquence la création de l'Autorité palestinienne et le retour d'Arafat en Palestine. Les relations israélo-palestiniennes connurent après cette signature un climat d’optimisme qu'elles ne retrouvèrent jamais plus.

C’est à la suite de la Conférence de Madrid et d'Oslo que la Jordanie signe la paix avec Israël. Une paix qui succédait à celle négociée entre Israël et l’Egypte à Camp David en 1978 et signée par Begin et Sadate à Washington, en présence du président Carter, en 1979. 

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«Après vous, non je n'en ferai rien»... Moment de politesse entre Yasser Arafat et Ehud Barak à Camp David. Malgré cette image chaleureuse, le sommet se termina sur un échec. © STEPHEN JAFFE / AFP

Camp David avec Clinton
Depuis les accords d’Oslo, la situation entre Palestiniens et Israéliens ne cesse de se dégrader, après la mort de Rabin (en 1995) et le retour de la droite avec Netanyahu, qui a toujours été opposé à Oslo. Sur le terrain, l’application des accords a pris du retard.

C’est dans ce contexte que les Américains tentent d’arracher une solution entre les deux parties. Le 5 juillet 2000, Bill Clinton invite les dirigeants israéliens et palestiniens (Barak et Arafat), sur le lieu même des précédents accords de Camp David.


Le sommet se déroule du 11 au 25 juillet. Si la base des négociations est relativement partagée par les Israéliens et les Palestiniens (restitution de territoires occupés avec des aménagements de frontières sur la base de la résolutions 242 de 1967), le désaccord se fait justement sur les modifications territoriales et surtout sur le statut de Jérusalem, dont la partie prise par les Israéliens en 1967, a été depuis annexée unilatéralement par l'Etat hébreu. La question des réfugiés – les descendants des familles qui avaient quitté ou avaient été expulsées du territoire israélien de 1948 – se révèle tout aussi problématique. Après des heures de suspens, le sommet se termine sur un échec.


Quelques mois plus tard, une négociation, toujours parrainée par Bill Clinton, entre Ehud Barak et Yasser Arafat à Taba (Egypte) échoue de nouveau, semble-t-il, de peu. 

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Reportage de juin 2002 de Charles Enderlin sur la construction d'un mur entre la Cisjordanie et Israël.

Une situation bloquée
La tension sur le terrain, avec le début de la deuxième Intifada, et l’arrivée au pouvoir de Sharon met quasi fin aux contacts directs à haut niveau. Pourtant, des avancées symboliques ont lieu. Une résolution de l’ONU parle pour la première fois en 2002 (alors que Bush junior est au pouvoir) d’un Etat palestinien en évoquant «la vision d’une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières reconnues et sûres».

Depuis, malgré la création d’un Quartet en 2002 regroupant les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et l’ONU, peu d’initiatives ont émergé pour rapprocher les points de vue dans un contexte de violences et de colonisation. Les Etats-Unis, principal soutient d’Israël, ont souvent reçu les protagonistes ou tenté des médiations mais sans jamais imposer de solution.

En 2005, le Premier ministre israélien Ariel Sharon rencontre Mahmoud Abbas, qui a succédé à Arafat à la présidence de l’Autorité Palestinienne, en présence du président Egyptien Hosni Moubarak et du roi Abdallah II de Jordanie. Les négociations visent à une stabilisation de la situation et marquent la fin de la seconde Intifada. En 2005, les Israéliens se retirent unilatéralement de la bande de Gaza sans que les négociations de paix progressent.


Le rôle de l’ONU
L’ONU a toujours été un acteur assez impuissant du conflit israélo-palestinien. C’est néanmoins une résolution du conseil de sécurité qui sert de base à toutes les discussions. La 242 (adoptée en 1967 sur le retrait des Israéliens) tout comme la résolution 194 évoquant le droit au retour des réfugiés palestiniens servent de cadre légal aux pays impliqués dans les négociations sur la région (les principales résolutions).


Mais l’ONU n’est que le reflet de la volonté des cinq grands du conseil de sécurité de s’accorder, ou pas, sur ce dossier. Les Etats-Unis ont toujours bloqué les tentatives de résolutions trop négatives pour Israël.
Alors que toutes les négociations sont au point mort, les Palestiniens ont obtenu en 2012 de l’Assemblée générale de l’ONU que la Palestine devienne un «Etat observateur non-membre» de l’ONU. Un vote resté pour l’instant assez symbolique.

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François Hollande s'est dit «lucide» concernant la conférence sur la paix au Proche-Orient, soulignant que seules des négociations bilatérales pouvaient déboucher sur une solution au conflit israélo-palestinien. Il s'exprimait lors de ses voeux au corps diplimatique. © IAN LANGSDON / EPA / AFP

La solution à deux Etats: une idée mort-née?

Dernier événement en date, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté en 2016 une résolution condamnant essentiellement la colonisation israélienne. Un vote qui s’est fait avec l’accord de l’administration Obama qui, malgré beaucoup de voyages et de rencontres, n’a jamais rien obtenu dans le dossier israélo-palestinien en huit ans. Cette résolution, venue bien tard dans le mandat d’Obama, ne fait que constater que le développement de la colonisation met en danger l’idée des grandes puissances en faveur des deux Etats. Une idée déjà morte pour de nombreux observateurs.

Dans ce contexte – situation bloquée sur le terrain, négociations au point mort, autorité palestinienne en mauvaise posture, droitisation israélienne et fin de l’administration Obama –, on voit mal le pourquoi cette réunion de Paris: «Parce que la situation en Israël et dans les Territoires palestiniens se dégrade en l’absence de perspective de négociations. Des menaces croissantes pèsent sur la solution des deux Etats, en particulier la poursuite de la colonisation», affirme Paris

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