jeudi 11 août 2016

Les grèves de la faim des Palestiniens : quels sont les faits.



Solidarité avec Bilal Kayed et tous les prisonniers palestiniens en grève de la faim


Par Addameer – 3 août 2016

Quelle est l’histoire des grèves de la faim des Palestiniens ?
Les grèves de la faim ont été longtemps utilisées dans différentes régions géographiques comme moyens pour protester et exiger des droits fondamentaux, dont le droit de vote, le droit d’être libéré de la torture et le droit à l’autodétermination. La longue histoire des prisonniers palestiniens dans les grèves de la faim, de masse et individuelles, révèle le manque de confiance dans tout processus judiciaire et l’absence de garanties d’un procès équitable auxquels ils sont confrontés devant les tribunaux  militaires et civils de l’occupation israélienne. Les prisonniers et détenus palestiniens ont eu recours aux grèves de la faim dès 1968 pour protester pacifiquement et de façon légitime contre la politique israélienne de détention et les conditions cruelles de détentions, notamment l’usage de l’isolement, le refus des visites des familles, les traitements médicaux insuffisants et la torture, et bien d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Quels sont les risques médicaux des grèves de la faim ?
Les grèves de la faim ont associé les risques pour la santé qui peuvent causer des dommages physiques au prisonnier ou au détenu, notamment des sérieuses pertes de poids, faiblesses, fatigues, incapacités à dormir, pertes auditive, cécités, accidents vasculaires cérébraux, défaillances rénales, de même que d’autres défaillances organiques, arrêts cardiaques et infarctus. Cependant, en dépit de ces risques médicaux, à travers les grèves de la faim, les Palestiniens ont réussi à obtenir des droits élémentaires et fondamentaux, et à améliorer les conditions de leur détention, cela grâce à ces grèves de la faim.

Comment les autorités israéliennes traitent-elles les grèves de la faim ?
Les grèves de la faim se sont souvent heurtées à une répression violente et coercitive de la part du Service pénitentiaire d’Israël et de ses unités spéciales, de même que du personnel médical pour pousser les détenus à arrêter leurs grèves de la faim. Suite aux grèves de la faim, Addameer a fait connaître plusieurs cas d’incursions dans les cellules des prisons, de transferts des grévistes de la faim dans des cellules d’isolement, de menaces de détention illimitée, d’interdiction des visites des familles, de réduction de la dépense d’argent à la cantine.

Quelles autres mesures coercitives ont encore été prises ?
En réaction à l’utilisation des grèves de la faim par les prisonniers et détenus palestiniens, les autorités israéliennes se sont mises à pratiquer l’alimentation de force dans les années 1980. Elles ont dû cesser par la suite après à un ordre de la Haute Cour israélienne résultant de cette alimentation forcée. Lors de précédentes grèves de la faim, Israël a pratiqué l’alimentation forcée des grévistes de la faim afin de contraindre les détenus à mettre un terme à leurs grèves de la faim sans qu’il y ait de législation pour réglementer cette mesure. Plusieurs prisonniers palestiniens sont morts après avoir été soumis à l’alimentation forcée. Notamment Abdul-Qader Abu al-Fahm, mort le 11 mai 1970 pendant une grève de la faim dans la prison d’Ashkelon, Rasem Halawah et Ali al-Fa’fari, morts après l’introduction de tubes d’alimentation dans leurs poumons au lieu qu’ils ne soient introduits dans leur estomac, en juillet 1980, lors d’une grève de la faim dans la prison de Nafha, et Ishaq Maragha, mort dans la prison de Beersheba en 1983. Récemment, un projet de loi déposé par le ministre de la Sécurité publique israélien, Gilad Erdan, a été initié comme une réponse à la grève de la faim massive de 2012, dans le but d’empêcher de nouvelles grèves de la faim à l’avenir, et de priver les détenus et prisonniers palestiniens de leur droit fondamental à manifester pacifiquement. Le projet de loi a été voté par la Knesset israélienne le 30 juillet 2015.
Depuis quand les grèves de la faim sont-elles utilisées pour protester contre la détention administrative ?
Au moins depuis les années 1990, où des prisonniers palestiniens ont eu recours à des grèves de la faim comme un moyen de protestation contre l’utilisation arbitraire par les Israéliens de la détention administrative. La détention administrative est une procédure qui permet à l’armée israélienne de détenir des prisonniers indéfiniment, sur la base d’informations tenues secrètes, sans les inculper ni leur permettre de passer en jugement. On estime à 750 le nombre de Palestiniens mis en détention administrative, qui comprennent des femmes, des enfants, et des membres du Conseil législatif palestinien.

Au cours des dernières années, les prisonniers et détenus palestiniens ont eu recours à la grève de la faim pour protester contre l’utilisation grandissante et systématique de la détention administrative par les autorités de l’occupation. Par exemple, en 2012, des prisonniers et détenus palestiniens se sont déclarés en grève de la faim de masse, grève qui a impliqué près de 2000 grévistes de la faim, ils exigeaient la fin de la détention administrative, du refus des visites des familles aux prisonniers de Gaza, de l’isolement et de toutes les autres mesures punitives. La grève de la faim de 2012 a pris fin avec la limite temporaire par Israël de l’utilisation de la détention administrative. Mais quelques années plus tard, les autorités de l’occupation augmentaient l’utilisation de la détention administrative, ce qui a conduit à une nouvelle grève de la faim en 2014 par plus de 80 détenus administratifs qui exigeaient l’arrêt de l’utilisation de cette politique arbitraire. La grève de la faim s’est terminée après 63 jours, sans avoir pu forcer le gouvernement israélien à limiter son utilisation de la détention administrative.

En outre, plusieurs détenus administratifs palestiniens ont entrepris des grèves de la faim individuelles pour protester contre le renouvellement à plusieurs reprises de leur mise en détention administrative, sans inculpation ni jugement. Ces grèves de la faim individuelles étaient celles de Mohammad Al-Qeeq, Khader Adnan, Hana Shalabi, Thaer Halahleh et Bilal Diab. Aujourd’hui encore, Bilal Kayed, qui en est à son 50e jour de grève de la faim, est toujours en train de manifester contre sa détention administrative. Une ordonnance de détention administrative a été prise contre lui le jour même où il devait être libéré après passé 14 années et demie à purger une peine de prison. En ce moment même, plus de 100 prisonniers et détenus palestiniens ont rejoint Bilal, en manifestation de leur solidarité, dans sa grève de la faim, pour mettre un arrêt à l’utilisation systématique et généralisée de la détention administrative.

Pourquoi les Palestiniens recourent-ils aux grèves de la faim ?
Les prisonniers et détenus palestiniens recourent à la grève de la faim afin de protester, et de faire entendre leurs voix à l’extérieur d’un système juridique injuste qui gère leur détention arbitraire et la répression de leurs voix (au moyen d’ordonnances de détention administrative sans jugement et d’une législation incluant notamment le récent projet de loi relatif à l’alimentation de force). Toutefois, les autorités de l’occupation israélienne n’ont pas réussi à briser la volonté des grévistes de la faim palestiniens qui continuent de se servir de leurs corps, en l’absence de tout recours juridique adapté, et de pratiquer une désobéissance légitime. Les grévistes de la faim défient la puissance disciplinaire de contrôle et de domination ; le corps du gréviste de la faim constitue ainsi un moyen de lutte par lequel la puissance se trouve déplacée et recréé. Les prisonniers et détenus refusent de se plier au système structuré de contraintes et de privations de la prison, où ils ne possèdent pas une pleine autonomie sur leurs corps. Ainsi, à travers les grèves de la faim, ces prisonniers et détenus regagnent une souveraineté sur leurs corps en devenant les décideurs, au-dessus des autorités pénitentiaires.
Quelles sont nos exigences ?

Addameer s’adresse à la communauté internationale pour qu’elle exige du gouvernement israélien qu’il respecte la volonté des grévistes de la faim se servant de leur corps comme moyen légitime de protestation, les grèves de la faim ont été reconnues par la Déclaration de Malte de l’Assemblée Médicale Mondiale (AMM) sur les grévistes de la faim comme « souvent une forme de protestation par des personnes qui n’ont pas d’autres manières de faire connaître leurs revendications »

Addameer demande aussi à la communauté internationale de faire cesser l’utilisation de la détention administrative comme cela est recommandé par le Comité des Nations-Unies contre la Torture, dans ses observations finales du 13 mai 2016, où il demande au gouvernement israélien de « prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la pratique de la détention administrative et veiller à ce que toutes les personnes qui sont actuellement tenues en détention administrative disposent de toutes les garanties juridiques fondamentales ».

Addameer demande en outre à la communauté internationale, dont l’Union européenne, les Nations-Unies, et le Comité international de la Croix-Rouge, d’intervenir immédiatement pour sauver les vies de Bilal Kayed et des autres prisonniers en grève de la faim, dont certains sont dans un état de santé critique.

Source: Addameer

mardi 9 août 2016

Un bateau des Femmes pour Gaza partira de Barcelone en septembre 2016





Une nouvelle flottille, nommée « Amal- Hope  » (qui signifie Espoir en arabe et en anglais) exclusivement composée de femmes, prendra la mer cette année, tentant de briser le blocus imposé à la bande de Gaza. 

Dans la continuation des Flottilles de la Liberté qui depuis 2008 ont tenté de se rendre à Gaza pour témoigner de la solidarité internationale aux Palestiniens de Gaza sous blocus depuis 2006, un bateau va à nouveau prendre la mer en septembre prochain.

Afin de mettre en évidence la situation dramatique et injuste imposée aux deux millions de civils qui survivent dans Gaza en ruines, des femmes ont choisi de tenter une nouvelle fois de briser le blocus. Navigatrices et passagères, personnalités et « simples » citoyennes, elles apportent aux femmes de Gaza un message d’espoir : Gaza, la Palestine, n’est pas seule. Des femmes de par le monde attachées à la justice et au droit international les soutiennent et demandent la levée immédiate du blocus.

Le départ est programmé le 14 septembre prochain à Barcelone, ville jumelée avec Gaza depuis 1998, annoncent les organisateurs du Women’s Boat to Gaza.

Les organisateurs rappellent que le choix de Barcelone est très symbolique, non seulement en raison de ce jumelage avec Gaza, mais également parce qu’un parc, appelé le Parc de la Paix de Barcelone a été inauguré en 2005 à Gaza, puis détruit par l’armée israélienne lors de son attaque de 2009. Et ce parc a été reconstruit en 2010.

Parmi les femmes qui prendront place à bord : Mairead Maguire, prix Nobel de la Paix, Naomi Wallace, auteur américaine de pièce de théâtre, la parlementaire néozélandaise Marama Davidson, et la Norvégienne Gerd von der Lippe, écrivaine et ancienne star sportive.

La Coalition pour ce bateau de femmes qui veut ainsi envoyer un message de solidarité et d’espoir aux Palestiniens enfermés depuis près de 10 ans dans la bande de Gaza, est basée aux Etats-Unis.

Le site du bateau des femmes pour Gaza: https://wbg.freedomflotilla.org

Cette flottille prévue a déjà reçu le soutien de députés européens de la GUE/NGL , lire leur déclaration ci dessous, et voir ces photos prises devant l’hémicycle du parlement européen en soutien à cette initiative.

photo

Soutien des député-e-s de la GUE/NGL à la Flottille de la Liberté, le Bateau des Femmes pour Gaza

Communiqué de la GUE/NGL, jeudi 10 mars 2016
Les député(e)s de la GUE/NGL montrent leur soutien à la flottille des femmes pour Gaza devant l’hémicycle du Parlement européen.

Depuis 2008, plusieurs flottilles de la Liberté ont tenté de se rendre à Gaza pour témoigner leur solidarité aux deux millions de Palestiniens qui essayent de survivre à Gaza sous blocus depuis 2006.

Les parlementaires ont exprimé leur soutien avec des panneaux « Solidarité avec la flottille des femmes pour Gaza » devant l’hémicycle du Parlement et vont suivre de près cette nouvelle Flottille qui a l’originalité d’être composée uniquement par des femmes.

« Nous, députées et députés européens, appuyons cette démarche citoyenne, humaine et universaliste, nous appelons les peuples et leurs dirigeants à soutenir la belle initiative du ’Bateau des Femmes pour Gaza’ ».

dimanche 7 août 2016

L’hydro-apartheid israélien maintient la Cisjordanie assoiffée








Par Charlotte Silver, The Electronic Intifada
1er août 2016

Des Palestiniens prennent de l’eau le 27 juin à une source du village de Salfit en Cisjordanie. Les villageois ont vécu sans eau pendant des jours parce qu’un manque chronique d’approvisionnement dû aux autorités israéliennes d’occupation continue à frapper de grandes parties du territoire. (Nedal Eshtayah / APA Images)


Les pénuries d’eau ne sont pas un fait nouveau pour les Palestiniens. Que ce soit dans la Bande de Gaza ou en Cisjordanie occupées, y compris à Jérusalem Est, la fourniture d’eau dans les foyers palestiniens est sévèrement plafonnée et entravée.

Alors que la température monte en été, les robinets sont à sec. Clemens Messerschmid, hydrologue allemand qui a travaillé pendant vingt ans avec les Palestiniens sur leur alimentation en eau, appelle cette situation « hydro-apartheid ».

Cette année, la journaliste israélienne Amira Hass a publié des données qui prouvent que l’Autorité israélienne de l’Eau a réduit la quantité d’eau fournie aux villages de Cisjordanie.

Dans certains endroits, l’alimentation en eau a été brutalement réduite de moitié. Ses comptes rendus contredisent les démentis officiels comme quoi l’alimentation en eau des villes et villages palestiniens est coupée en été, même si cela non plus n’est pas nouveau.

Des villes et des villages ont passé jusqu’à 40 jours sans eau courante cet été, obligeant ceux qui pouvaient se le permettre à faire venir des citernes.

Quand Israël a occupé la Cisjordanie en 1967, il a aussi pris le contrôle de l’aquifère de la montagne en Cisjordanie, principale réserve naturelle d’eau du territoire.

Les accords d’Oslo au début des années 1990 ont donné à Israël 80 pour cent des réserves de l’aquifère. Les Palestiniens étaient supposés obtenir les 20 pour cent restants, mais ces dernières années, ils n’ont pu avoir accès qu’à 14 pour cent, conséquence des restrictions israéliennes sur leurs forages.

Pour faire face aux besoins minimum de la population, l’Autorité Palestinienne est obligée d’acheter le reste de l’eau à Israël. Mais même ainsi, ce n’est pas suffisant.

Israël veut simplement vendre une quantité limitée d’eau aux Palestiniens. En conséquence, les Palestiniens utilisent beaucoup moins d’eau que les Israéliens et un bon tiers de moins que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé qui sont de 100 litres par personne et par jour, pour l’usage domestique, les hôpitaux, les écoles et autres institutions.

L’Electronic Intifada a parlé avec Clemens Messerschmid, qui travaille dans le secteur de l’eau dans toute la Cisjordanie et la Bande de Gaza depuis 1997, à propos du manque d’eau provoqué pour les Palestiniens de Cisjordanie.

Charlotte Silver : La pénurie d’eau dans la zone est-elle la cause de la crise de l’eau en Cisjordanie ? Ou cette pénurie est-elle provoquée ?

Clemens Messerschmid : Bien sûr, il n’y a pas de pénurie d’eau en Cisjordanie. Ce dont nous souffrons, c’est d’une pénurie induite – cela s’appelle l’occupation. C’est le régime imposé aux Palestiniens immédiatement après la guerre de juin 1967. Israël gouverne via des ordonnances militaires, dont le résultat direct et intentionnel est de maintenir les Palestiniens à court d’eau. Il ne s’agit pas d’une dépossession graduelle continue comme avec la terre et les colonies, mais ce fut réalisé d’un seul coup en août 1967 par l’Ordonnance Militaire N° 92.

La Cisjordanie possède une ample nappe phréatique. La pluviosité est élevée à Salfit, au nord de la Cisjordanie, maintenant connue pour ses sévères coupures d’eau.
La Cisjordanie a la grande chance de posséder un trésor : sa nappe phréatique. Mais c’est aussi sa malédiction, parce qu’Israël l’a immédiatement ciblée après avoir pris le contrôle.

Ce dont nous avons besoin est simple : des puits dans la nappe phréatique pour avoir accès à ce trésor. Mais l’Ordonnance Militaire N° 158 interdit strictement les forages ou tous autres travaux aquifères, y compris les sources, canalisations, réseaux, stations de pompage, bassins d’irrigation, réservoirs d’eau, simples citernes de collecte d’eau de pluie qui recueillent la pluie qui tombe sur son propre toit.

Tout est interdit, ou plutôt rien n’est « autorisé » par l’Administration Civile, régime israélien d’occupation. Même réparer et entretenir les puits exige des permis militaires. Et nous ne les obtenons tout simplement pas.

C’est un cas pur et simple d’hydro-apartheid – qui va bien plus loin que n’importe quel régime dont j’aie eu connaissance dans l’histoire.

CS : Israël a augmenté la quantité d’eau qu’il vend aux Palestiniens, mais cela ne suffit encore pas à empêcher les villages d’être à sec. Si on laisse de côté le fait que le contrôle des ressources aquifères par Israël est très problématique, pourquoi Israël ne vend-il pas suffisamment d’eau aux Palestiniens ?

CM : Tout d’abord, Israël a drastiquement réduit la quantité d’eau disponible pour les Palestiniens. Il a empêché tout accès au Jourdain, qui est maintenant littéralement asséché au lac Tibériade.

Et puis, Israël impose un quota sur le nombre de puits et refuse régulièrement les permis pour la réparation plus que nécessaire des vieux puits de l’époque jordanienne – la Jordanie a administré la Cisjordanie de 1948 jusqu’à l’occupation israélienne – spécialement les puits agricoles. Ceci signifie que le nombre de puits diminue constamment. Nous en avons moins qu’en 1967.

Maintenant, la seule chose qui ait augmenté, c’est la dépendance pour acheter l’eau aux expropriateurs, Israël et Mekorot, compagnie nationale des eaux d’Israël.

Ceci est rapporté encore et encore dans la presse occidentale, parce qu’il s’agit d’un point qu’Israël met en avant : ‘Voyez comme nous sommes généreux !’

Alors, oui, depuis Oslo, les achats à Mekorot ont constamment augmenté. Ramallah reçoit maintenant 100 pour cent de son eau de Mekorot. Pas une goutte ne vient d’un champ de captage nous appartenant.

L’alimentation des villages par Israël n’a pas été réalisée comme une faveur. Elle a été initiée en 1980 par Ariel Sharon, alors ministre de l’Agriculture, quand la rapide croissance des colonies a commencé. L’alimentation en eau a été « intégrée », afin de rendre l’occupation irréversible.
Ce qui est important ici, c’est l’apartheid structurel, cimenté et coulé dans le fer de ces canalisations. Une petite colonie est alimentée via de larges canaux de transmission d’où partent de petites canalisations vers les zones palestiniennes.

Israël est très heureux d’Oslo, parce que maintenant, les Palestiniens sont « responsables » de leur approvisionnement. Responsables, mais sans une once de souveraineté sur les ressources.

L’actuelle soi-disant crise de l’eau n’est pas une crise du tout. Une crise, c’est un changement soudain, un tournant nouveau ou un virage dans un développement. La sous-alimentation des Palestiniens est souhaitée, planifiée et soigneusement exécutée. La « crise estivale de l’eau » est la caractéristique la plus sûre du calendrier palestinien de l’eau. Et le taux de pluie, ou de sécheresse, annuelle n’a aucune portée quelle qu’elle soit sur l’occurrence ou l’importance de cette « crise ».

Je devrais souligner que, quelle que soit la régularité de cette situation, chaque fois sans exception, c’est le fait d’une décision consciente de quelque bureaucrate ou quelque bureau en Israël ou de l’Administration Civile. Quelqu’un n’a qu’à aller sur place et fermer la valve au point de jonction vers le village palestinien. Comme tous les étés, c’est ce qui a été fait en juin. D’où – la crise de l’eau en Cisjordanie.

CS : Quels facteurs peuvent-ils contribuer à l’aggravation des coupures d’eau cette année ?

CM : Il semble que les exigences des colons ont augmenté drastiquement depuis l’année dernière. L’Autorité israélienne de l’Eau a eu 20 à 40 % de demandes supplémentaires, ce qui est tout à fait remarquable.
Alexander Kushnir, directeur général de l’Administration des Eaux, attribue ce fait à l’expansion de l’irrigation coloniale dans les montagnes des colonies du nord de la Cisjordanie, autour de Salfit et de Naplouse.

CS : Comment se fait-il qu’on dise que, dans l’Israël d’aujourd’hui, les gens bénéficient d’un surplus d’eau depuis que le pays a commencé à utiliser la désalinisation, tandis que les gens sous occupation en Cisjordanie sont laissés avec si peu ? On dit que même les colons israéliens souffrent parfois de coupures d’eau.

CM : Il est vrai qu’Israël a déclaré pour la première fois, il y a quelques années, qu’il avait économisé un surplus d’eau et qu’il souhaitait vendre plus d’eau à ses voisins, qu’il avait tout d’abord expropriés de leur eau.
Les Palestiniens achètent déjà de l’eau qu’Israël a volée, mais comme on l’a remarqué, ni de façon fiable ni en quantité suffisante.
Franchement, je ne sais pas. Pourquoi ce désir particulier, fort et aggravé d’Israël de ne pas même vendre assez d’eau à la Cisjordanie ?
Dans certaines zones, l’eau est activement utilisée comme une arme pour le nettoyage ethnique, comme dans la Vallée du Jourdain. L’agriculture a toujours été une cible depuis le premier jour de l’occupation.
Mais cette logique ne s’applique pas aux villes palestiniennes densément peuplées et aux cités de l’ainsi nommée zone A de Cisjordanie, qui luttent encore. Vingt ans après, ceci me laisse pantois.
Un autre élément est important à comprendre : Israël a besoin d’apprendre constamment quelque chose aux Palestiniens. Toute fourniture d’eau, la moindre goutte livrée devrait être perçue comme une faveur généreuse, comme un acte de pitié, pas comme un droit.
Israël a augmenté ses ventes d’eau à la Cisjordanie de 25 millions de mètres cubes par an en 1995 à environ 60 millions de mètres cubes par an maintenant. Pourquoi ne lui en vend-il pas beaucoup plus ? Il pourrait certainement se le permettre sans danger – il a un surplus gigantesque.
L’une des questions matérielles que je peux déceler est la question du prix, et donc celui de l’eau.
Israël veut en fin de compte obtenir le prix le plus haut pour l’eau désalinisée qu’il vend aux Palestiniens. Tandis que nous parlons simplement de quelques centaines de millions de shekels par an [quelques dizaines de millions de dollars] – ce qui n’est pas grand-chose pour Israël – Israël veut mettre fin une bonne fois pour toutes au débat sur les droits à l’eau des Palestiniens.
Israël n’exige rien si ce n’est une reddition totale : les Palestiniens devraient accepter que l’eau qui est sous leurs pieds ne leur appartienne pas, mais appartienne pour toujours à l’occupant.
En exigeant des prix élevés pour l’eau désalinisée, les Palestiniens admettraient et accepteraient une nouvelle formule.
Un mot sur la Bande de Gaza – contrairement à la Cisjordanie, Gaza n’a aucune possibilité physique d’accéder à l’eau. La Bande confinée et densément peuplée ne peut jamais s’auto-approvisionner. Pourtant, Gaza ne bénéficie pas de telles livraisons d’eau par Israël. Ce n’est que récemment qu’Israël a commencé à vendre à Gaza les cinq millions de mètres cubes d’eau par an décidés à Oslo. Une minuscule augmentation cosmétique a été décrétée.
D’une certaine façon, vous pourriez interpréter cette différence de traitement entre Gaza et la Cisjordanie comme l’acceptation par Israël d’un certain degré de dépendance hydrologique.
Israël reçoit la plupart de son eau des territoires conquis en 1967, y compris des Hauteurs du Golan syrien, mais pas une goutte de Gaza.
Concernant l’eau, Gaza n’a aucune ressource à offrir à Israël. C’est la même chose qu’avec la principale ressource : la terre. D’où une approche très différente des droits de Gaza depuis le début en 1967. Israël ne dépend de Gaza pour rien de matériel. Toujours depuis Oslo, Israël a exigé de Gaza qu’elle se suffise à elle-même, comme par exemple par la désalinisation de l’eau de mer.

CS : Quel a été le rôle des donateurs dans tout cela ? Ont-ils défendu les standards mondiaux minimum pour l’eau, ou ont-ils confirmé et soutenu le contrôle par Israël des ressources en eau de la Cisjordanie occupée ?

CM : Malheureusement, la seconde attitude. Quand Oslo a démarré, nous avions tous l’illusion qu’une phase de développement allait commencer. Des puits interdits de forage depuis 18 ans seraient finalement mis en place.
Bientôt, nous avons appris qu’en fait Israël ne voudrait jamais donner de « permis … pour l’expansion de l’agriculture et de l’industrie, ce qui les mettrait en concurrence avec l’État d’Israël », comme Itzhak Rabbin, alors ministre de la défense, l’a dit en 1986.
Ce dont on avait besoin alors et maintenant – et tout le monde le savait – c’était d’une pression politique pour arracher le minimum de permis de forage de puits garanti par les accords palestino-israéliens. Cette pression n’est jamais venue. Et ni l’UE, ni mon gouvernement allemand n’ont émis ne serait-ce qu’un communiqué public dans lequel ils auraient « déploré » ou « regretté » les obstructions dans le secteur de l’eau. C’est un véritable scandale.
Mais pire encore, quelle fut notre réponse occidentale ? Tous les projets financés par des donateurs ont en réalité abandonné la branche vitale de forage de puits. Le dernier puits financé par l’Allemagne a été foré en 1999.
Quant à l’actuelle soi-disant crise de l’eau, nous, en tant que donateurs, nous occupons maintenant à financer généreusement la livraison d’anachroniques citernes d’eau aux villes et cités palestiniennes victimes de coupures – nous adaptant et stabilisant le statu quo de l’occupation et de l’apartheid de l’eau.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Médias Palestine