Israël-Palestine:
avant la conférence de Paris, une longue histoire diplomatique
Publié le 15/01/2017 à 09H28
Un sourire de circonstance...
Le Premier ministre israélien Ehud Barak, le président
américain Bill Clinton et le président Yasser Arafat à Camp David aux
Etats-Unis pour des négociations qui échouèrent. © STEPHEN JAFFE / AFP FILES / AFP
Une conférence sur le Proche-Orient se tient à Paris. Une
de plus, pourrait-on dire tant le conflit israélo-palestinien a donné lieu à
des rencontres plus ou moins utiles. Retour sur les grands rendez-vous
diplomatiques visant à régler ce conflit vieux de plus de 60 ans (pour le
moins).
L’optimisme ne règne pas à la veille de ce sommet international
qui tombe quelques jours avant le changement d’administration à Washington,
acteur essentiel au Proche-Orient. «Chacun
est bien conscient des difficultés face à un conflit qui dure depuis plusieurs
décennies. Mais il n’est pas possible de rester spectateur d’une situation
bloquée qui crée désespoir et insécurité. Notre objectif reste de mobiliser
l’ensemble de la communauté internationale pour qu’elle s’engage en faveur
d’une relance du processus de paix», explique Paris.
Depuis la création de l’État d’Israël en mai 1948, la tension règne entre l’État hébreu et ses voisins. Créé par la volonté des Anglais (déclaration
Balfour en 1917) puis celle de l’ONU (vote du partage de la Palestine en 1947),
Israël a connu de nombreuses guerres avec les pays arabes voisins (1948, 1956…)
et n’a toujours pas déterminé ses frontières extérieures.
C’est l’extension d’Israël après la guerre des Six-Jours qui a obligé les
«grandes» puissances à s’impliquer plus fortement dans la région et à
s’investir dans la question des Territoires occupés après 1967 (Sinaï –
restitué depuis – Jérusalem-Est, Gaza, Cisjordanie et plateau du Golan).
Entre droit international, Guerre froide et poids de l'histoire, le conflit
israélo-arabe a toujours eu une dimension symbolique qui rend difficile sa
solution. Quelques tentatives internationales de règlement ont cependant
eu lieu avec notamment la Conférence de Madrid et les sommets de Camp David,
sans parler de tous les entretiens informels.
Photo:
George Bush (père) et Mikhael
Gorbatchev à Madrid en 1991 pour la conférence sur le Proche-Orient. © PATRICK
BAZ / AFP
La conférence de Madrid
1991. Cette conférence se tient en octobre, au lendemain
de la guerre contre l’Irak, alors que l’Intifada bat son plein dans les
Territoires occupés. Elle est la première tentative internationale pour engager
un processus de paix au Proche-Orient.
Voulue par les Américains – à l’époque le président Bush père – et
soutenue par les Russes, cette conférence a le mérite de réunir pour la
première fois des Israéliens, des pays arabes et des Palestiniens.
Officiellement, l’OLP (organisation de Libération de la Palestine, encore
pestiférée) de Yasser Arafat n’est pas représentée, mais des Palestiniens des
Territoires occupés sont à la conférence, avec l’accord de l’organisation
palestinienne.
Reportage d'Antenne 2 du 1er novembre 1991: dans les
Territoires, le Fatah appelle au calme.
Comment en était-on arrivé là? «Washington, forte de ses acquis durant la guerre du
Golfe et soucieuse de ne pas être accusée de mener une politique de "deux
poids deux mesures", veut inscrire son action dans la durée et s’attaquer
à la principale menace d’instabilité dans la région. Moscou est favorable
depuis des années à une telle conférence. L’OLP, affaiblie du fait de sa
position pro-irakienne dans le récent conflit, préfère saisir sa chance même si
la délégation jordano-palestinienne ne comprend ni représentant officiel de
l’OLP, ni représentant des réfugiés. Le gouvernement israélien ne peut se
permettre d’aller à l’encontre de la volonté de son allié américain»,
résume Le
Monde Diplomatique.
Si la conférence ne donna rien de concret sur le moment,
elle permit de nombreuses rencontres multilatérales et ouvrit la voie à ce qui
finalement allait donner le processus d'Oslo.
PHOTO.
Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1993. © J. DAVID AKE / AFP
L’accord d’Oslo signé à Washington
Après cette conférence, les réunions secrètes entre les
deux parties, à Oslo notamment, finissent par déboucher sur un accord, celui
signé à la Maison Blanche le 13 septembre 1993 entre Yasser Arafat et Yitzhak
Rabin, en présence de Bill Clinton. Les signataires engagent une reconnaissance
mutuelle avec pour conséquence la création de l'Autorité palestinienne et le
retour d'Arafat en Palestine. Les relations israélo-palestiniennes connurent
après cette signature un climat d’optimisme qu'elles ne retrouvèrent jamais
plus.
C’est à la suite de la Conférence de Madrid et d'Oslo que la Jordanie signe la
paix avec Israël. Une paix qui succédait à celle négociée entre Israël et
l’Egypte à Camp
David en 1978 et signée par Begin et Sadate à Washington, en présence
du président Carter, en 1979.
Photo,
«Après vous, non je n'en ferai rien»... Moment de
politesse entre Yasser Arafat et Ehud Barak à Camp David. Malgré cette image
chaleureuse, le sommet se termina sur un échec. ©
STEPHEN JAFFE / AFP
Camp David avec Clinton
Depuis les accords d’Oslo, la situation entre Palestiniens
et Israéliens ne cesse de se dégrader, après la mort de Rabin (en 1995) et le
retour de la droite avec Netanyahu, qui a toujours été opposé à Oslo. Sur le
terrain, l’application des accords a pris du retard.
C’est dans ce contexte que les Américains tentent d’arracher une solution entre
les deux parties. Le 5 juillet 2000, Bill Clinton invite les dirigeants
israéliens et palestiniens (Barak et Arafat), sur le lieu même des précédents
accords de Camp David.
Le sommet se déroule du 11 au 25 juillet. Si la base des négociations est
relativement partagée par les Israéliens et les Palestiniens (restitution de
territoires occupés avec des aménagements de frontières sur la base de la
résolutions 242 de 1967), le désaccord se fait justement sur les modifications
territoriales et surtout sur le statut de Jérusalem, dont la partie prise par
les Israéliens en 1967, a été depuis annexée unilatéralement par l'Etat hébreu.
La question des réfugiés – les descendants des familles qui avaient quitté ou avaient
été expulsées du territoire israélien de 1948 – se révèle tout aussi
problématique. Après des heures de suspens, le sommet se termine sur un échec.
Quelques mois plus tard, une négociation, toujours
parrainée par Bill Clinton, entre Ehud Barak et Yasser Arafat à Taba (Egypte)
échoue de nouveau, semble-t-il, de peu.
Vidéo;
Reportage de juin 2002 de Charles Enderlin sur la
construction d'un mur entre la Cisjordanie et Israël.
Une situation bloquée
La tension sur le terrain, avec le début de la deuxième
Intifada, et l’arrivée au pouvoir de Sharon met quasi fin aux contacts directs
à haut niveau. Pourtant, des avancées symboliques ont lieu. Une résolution de
l’ONU parle pour la première fois en 2002 (alors que Bush junior est au
pouvoir) d’un Etat palestinien en évoquant «la
vision d’une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent
côte à côte, à l’intérieur de frontières reconnues et sûres».
Depuis, malgré la création d’un Quartet en 2002 regroupant les Etats-Unis, la
Russie, l’Union européenne et l’ONU, peu d’initiatives ont émergé pour
rapprocher les points de vue dans un contexte de violences et de colonisation.
Les Etats-Unis, principal soutient d’Israël, ont souvent reçu les protagonistes
ou tenté des médiations mais sans jamais imposer de solution.
En 2005, le Premier ministre israélien Ariel Sharon rencontre Mahmoud Abbas,
qui a succédé à Arafat à la présidence de l’Autorité Palestinienne, en présence
du président Egyptien Hosni Moubarak et du roi Abdallah II de Jordanie. Les
négociations visent à une stabilisation de la situation et marquent la fin de
la seconde Intifada. En 2005, les Israéliens se retirent unilatéralement de la
bande de Gaza sans que les négociations de paix progressent.
Le rôle de l’ONU
L’ONU a toujours été un acteur assez impuissant du conflit
israélo-palestinien. C’est néanmoins une résolution du conseil de sécurité qui
sert de base à toutes les discussions. La 242 (adoptée en 1967 sur le retrait
des Israéliens) tout comme la résolution 194 évoquant le droit au retour des
réfugiés palestiniens servent de cadre légal aux pays impliqués dans les
négociations sur la région (les principales
résolutions).
Mais l’ONU n’est que le reflet de la volonté des cinq grands du conseil de
sécurité de s’accorder, ou pas, sur ce dossier. Les Etats-Unis ont toujours
bloqué les tentatives de résolutions trop négatives pour Israël.
Alors que toutes les négociations sont au point mort, les
Palestiniens ont obtenu en 2012 de l’Assemblée générale de l’ONU que la
Palestine devienne un «Etat observateur non-membre» de l’ONU. Un vote resté
pour l’instant assez symbolique.
Photo:
François Hollande s'est dit «lucide» concernant la
conférence sur la paix au Proche-Orient, soulignant que seules des négociations
bilatérales pouvaient déboucher sur une solution au conflit
israélo-palestinien. Il s'exprimait lors de ses voeux au corps diplimatique. © IAN LANGSDON / EPA / AFP
La solution à deux Etats: une idée mort-née?
Dernier événement en date, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté en 2016 une
résolution condamnant essentiellement la colonisation israélienne. Un vote qui
s’est fait avec l’accord de l’administration Obama qui, malgré beaucoup de
voyages et de rencontres, n’a jamais rien obtenu dans le dossier
israélo-palestinien en huit ans. Cette résolution, venue bien tard dans le
mandat d’Obama, ne fait que constater que le développement de la colonisation
met en danger l’idée des grandes puissances en faveur des deux Etats. Une idée
déjà morte pour de nombreux
observateurs.
Dans ce contexte – situation bloquée sur le terrain, négociations au point
mort, autorité palestinienne en mauvaise posture, droitisation israélienne et
fin de l’administration Obama –, on voit mal le pourquoi cette réunion de
Paris: «Parce que la situation en Israël
et dans les Territoires palestiniens se dégrade en l’absence de perspective de
négociations. Des menaces croissantes pèsent sur la solution des deux Etats, en
particulier la poursuite de la colonisation», affirme Paris
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