28 06 2017 • 9 h 40
Par
Ben White, le 7 février 2017
Ben white est un journaliste indépendant, écrivain et militant,
spécialisé dans les questions sur Palestine/Israël. The Guardian.
On rapporte, parmi les techniques de torture, les gifles sur la tête,
l’accroupissement mains liées contre un mur pendant de longues périodes [Abid
Katib/Getty Images]
Un
récent article publié par le journal israélien Haaretz a confirmé jusqu’où les
interrogateurs du Shin Bet soumettent leurs prisonniers à la torture.
Parmi
les techniques utilisées, on trouve les gifles sur la tête « pour
atteindre les organes sensibles comme le nez, les oreilles, l’arcade
sourcilière et les lèvres », l’obligation pour un individu menotté de
s’accroupir contre un mur pendant de longues périodes et la mise du suspect le
dos en extension arrière sur une chaise, bras et jambes attachés.
Les
récits des interrogateurs se font l’écho de ce que les associations
palestiniennes et israéliennes des droits de l’Homme racontent depuis
longtemps. L’ONG Addameer pour les droits des Prisonniers a dit que ces
pratiques « sont connues pour être couramment et systématiquement
utilisées contre les détenus palestiniens ». Parmi les autres méthodes de
torture utilisées contre les Palestiniens, on trouve la privation de sommeil et
les menaces contre des membres de la famille, a dit un porte-parole d’Addameer
à Al Jazeera.
Rachel
Stroumsa, directrice générale du Comité Public Contre la Torture en Israël (CPCTI),
a dit que son ONG avait connaissance de centaines de plaintes et d’accusations
allant dans ce sens.
En
plus des interrogatoires utilisés pour obtenir des informations sur des actions
à venir, « notre expérience nous montre que la torture est également
utilisée pour obtenir des confessions d’actes passés », a dit Stroumsa à
Al Jazeera.
Dans
son rapport annuel de l’an dernier, Amnesty International a découvert que les
forces israéliennes et le personnel du Shin Bet avaient « torturé et
autrement maltraité des détenus palestiniens, dont des enfants,
particulièrement au cours des arrestations et des interrogatoires », avec
des techniques qui comprennent « coups de bâton, gifles, étranglements,
entrave prolongée, positions stressantes, privation de sommeil et
menaces ».
Un
représentant de Défense des Enfants International – Palestine a dit à Al
Jazeera que l’enquête de l’association a montré que les deux tiers des enfants
palestiniens détenus en Cisjordanie occupée par les forces israéliennes avaient
subi des violences physiques après leur arrestation ».
« Les
interrogateurs utilisent l’abus de leur position, des menaces et
l’isolement pour obtenir de certains enfants des aveux
forcés, et les juges des tribunaux militaires israéliens
excluent rarement ces aveux. » Ayed Abu Qtaish, directeur
du programme de Responsabilisation à Défense des Enfants
International – Palestine
« Les
enfants palestiniens sont régulièrement soumis à des techniques
d’interrogatoire coercitives et violentes dans le but de leur arracher des
aveux », a dit Ayed Abu Qtaish, directeur du programme de
Responsabilisation de l’association. « Les interrogateurs abusent de leur
position et usent de menaces et de l’isolement pour arracher des aveux à
certains enfants, et les juges des tribunaux militaires israéliens excluent
rarement ces aveux. »
Torture
et mauvais traitements sont si omniprésents, disent les militants des droits de
l’Homme, que les condamnations des Palestiniens pour « atteinte à la
sécurité » sont fondamentalement peu fiables, ne serait-ce que parce que
les mauvais traitements font partie d’un plus vaste défaut de procédure
régulière.
Selon
une étude, pas moins de 91 % des détenus palestiniens de Cisjordanie
occupée sont maintenus au secret pendant une partie sinon l’intégralité de leur
interrogatoire. Stroumsa dit que cette pratique est « un élément propice à
la torture ».
Dans
le système des tribunaux militaires dont le taux de condamnations atteint les
99 %, les Palestiniens peuvent être détenus 60 jours sans avoir accès à un
avocat – comparés aux Etats Unis où la durée moyenne des interrogatoires
aboutissant à de faux aveux est de 16 heures.
« Comme
les enfants palestiniens continuent à subir systématiquement des mauvais
traitements et le déni de leurs droits à une procédure officielle, il devient
évident que les tribunaux militaires n’ont rien à faire de la justice », a
dit Abu Qtaish.
En
plus de la torture et du manque d’accès à un conseil, on demande aux
Palestiniens de signer leurs aveux sur des formulaires en hébreu, langue que
souvent ils ne comprennent pas. Tout ceci « crée un environnement
coercitif qui aboutit à des aveux faits sous la contrainte », a fait
remarquer Addameer.
Un
exemple récent est le cas de Mohammad el-Halabi, employé de World Vision basé à
Gaza qu’Israël avait chargé de verser de l’argent au Hamas. Halabi, qui est
jugé dans un tribunal civil de Beer Sheva, a protesté de son innocence, disant
qu’il a été torturé par ses interrogateurs. Ces réclamations ont également été
faites par ses avocats, qu’Halabi a été empêché de voir pendant trois semaines
après son arrestation.
Le
nouveau rapport d’Haaretz attire l’attention sur un sujet qui n’est pas souvent
sous les feux de la rampe. En novembre 2015, une vidéo de l’interrogatoire du
jeune Ahmad Manasra de 13 ans a suscité l’indignation, tandis que l’entrée
d’Israël en mai dernier dans le Comité des Nations Unies Contre la Torture –
qui traitait des « preuves obtenues sous la torture » dans les
tribunaux – a bénéficié d’une couverture médiatique.
Mais
beaucoup d’autres événements se passent incognito. Une étude universitaire
publiée en novembre 2015 dans une revue médicale examinée par des pairs a
révélé des dizaines de cas de torture sexuelle et de mauvais traitements sur
des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Les
militants sur le terrain disent qu’il y a un urgent besoin d’un coup de
projecteur international sur les pratiques de la torture par Israël, ne fut-ce
qu’à cause de la nature institutionnalisée du problème.
Bien
qu’un règlement de 1999 du Tribunal Suprême d’Israël ait interdit le recours
aux « moyens physiques » d’interrogatoire, les agents du Shin Bet ont
en fait bénéficié de l’impunité pour torture et mauvais traitements grâce à
l’exemption de la soi-disant « défense de nécessité » ou « bombe
à retardement ».
Selon
les militants contre la torture, cette exemption a servi depuis de feu vert à
la torture. Depuis 2001, des centaines de plaintes officielles ont été portées
contre les interrogateurs du Shin Bet, mais pas une seule enquête criminelle
n’a été ouverte.
« Je
pense que la pression internationale est essentielle et qu’elle a parfois
prouvé son efficacité », a dit Stroumsa.
« Et,
étant donné l’énorme soutien économique et politique apporté à Israël par
l’étranger, il est aussi du devoir de la communauté internationale de
s’exprimer sur ces violations. »