Entrevue avec Joan
E. Garcés, auteur de “Soberanos
e intervenidos” "Souverains et
exploités" (IV édition)
Interview de
Joan E Garcés par Enric Llopis, nous ouvre les œillères que, inconsciemment ou
idéologiquement, nous nous sommes imposées. L'intelligentsia soumise à
l'idéologie des va-t-en-guerre occidentaux et ses acteurs, nous ont imposé, principalement, depuis la
"Mondialisation" que le "Marché" doit tout régir, nous a entrainé
vers des abimes qui trouvent dans cet article l'explication, même partielle,
des crises économiques, politiques, sociétales, sociales, psychologiques,
morales..., que nous traversons. Nous accordons notre confiance à des êtres qui
ne nous veulent pas du bien. Nous élisons des êtres qui nous méprisent, qui
nous mentent. L'intéressant serait de connaitre, principalement en Occident, pour
qui œuvrent les aigrefins que nous élisons ? Nos États perdent leur
souveraineté au profit : de la finance privé, d'idéologies de rapine, et où la
manipulation y a toute sa place.
Avec une préface de
Mario Benedetti, le juriste et politologue Joan E. Garcés publia en 2012 la
quatrième édition de l'ouvrage "Souverains et exploités" :
"stratégies mondiales, américaines et espagnoles" (Du Siècle XXI).
Garcés conseillé Salvador Allende entre 1970 et 1973, jusqu'au coup d'Etat
militaire dirigé par le général Pinochet frustré le travail de l'Unité
Populaire. En outre, en 1999, a reçu le prix Nobel alternatif. L'auteur du
livre a également été l'un des principaux moteurs de la procédure ouverte en
Espagne contre le dictateur Pinochet, en plus d'agir à titre de conseiller pour
les plaignants dans l'affaire des disparus espagnol au Chili.
Joan E. Garces estime que les États-Unis ont utilisé
l'attentat contre les tours jumelles en 2001 "comme un prétexte à des
interventions préventives ou d'invasions de pays et le renversement de
gouvernements qui ne sont pas à leur goût." Le recours à l'interventionnisme,
prétextant d'y amener la "sécurité" au moyen d'une invasion ou l'instauration
de dictatures se déroule en l'absence d'autres moyens de contrôle des
ressources et des populations. Cette déstabilisation et les "coups"
qui ont suivi ont eu lieu après le retour aux affaires des républicains à la
gouvernance des États-Unis (en 2001) et les priorités stratégiques adoptées après
l'attaque contre les tours jumelles à New York le 11 septembre 2001.
- Enric LLopis : Ces mécanismes sont liés à ceux
mis en œuvre, par exemple, contre l'Unité Populaire d'Allende, que vous avez
vécu de près.
- Joan E. Garcés : Ces trois pays d'Amérique latine ont subi, en effet, des modes de
déstabilisation sociale et politique appliquée avant 1990, par exemple, au
Chili, entre l'élection du président Allende en 1970 et les élections
législatives de Mars 1973, des mesures combattues par la peuple chilien ont été
remplacés par la destruction des institutions républicaines et un État-militaire
de répression socio-économique et de contrôle de l'information, dont les effets
se prolongent jusqu'à aujourd'hui. Tel
que nous pouvons le voir en Europe, à ceci près, que la déstabilisation se
réalise de l'intérieur, par ceux-là même élus à la charge de l'Etat au profit
d'intérêts particuliers ou partisans.
- Enric LLopis : Considérez-vous que dans des
pays comme le Venezuela, l’Équateur et la Bolivie ont accédé à la souveraineté
grâce aux gouvernements progressistes ? L’Amérique latine est-elle, aujourd'hui,
moins dépendante des États-Unis ?
- Joan E. Garcés : L'accroissement
de l'autonomie économique extérieure, l'accès au gouvernement des mouvements
populaires organisés, les changements dans la situation internationale, ouvrent
des opportunités aux peuples pour s'élargir et développer son système politique
et économique interne. Une plus grande autonomie permet une plus grande
souveraineté. Le danger réside d'utiliser cette autonomie pour entrer dans une
économie spéculative.
- Enric LLopis : Quels sont d'après-vous les
mécanismes qui lient les USA à Israël ?
- Joan E. Garcés : Les liens qui unissent ces deux Etats sont moins culturels ou cultuels
que les rapports de subordinations des Présidents américains au lobbys en
général, et au lobby pro israélien en particulier.
- Enric LLopis : Pensez-vous que la Chine,
l'Inde, le Brésil, la Russie et l'Afrique du Sud, appelés pays du BRIC, continuent-ils
à valider l'hégémonie de l'empire américain ou s'est une exagération ?
- Joan E. Garcés : Pour les USA maintenir
son hégémonie militaire et investir dans sa défense, plus la participation au
budget militaire des 25 Etats qui le suivent dans l'escalade des dépenses militaires,
coute cher. Dans la dernière décennie, la contribution américaine au budget de
l'OTAN est passée de 62% à 73%.
Plus les États-Unis
identifie ses intérêts avec le maintien du système capitaliste mondial, plus il
relativise sa situation économique, politique, culturelle et idéologique
interne. Avec l'Europe le pays le plus attaché à l'hégémonie américaine est
Israël, dont il s'en sert à comme un rempart visant à cautionner sa politique,
parfois même au détriment de l'influence des USA eux-mêmes, comme avec l'Iran
où Israël sape ses tentatives de rapprochement.
- Enric LLopis : Quel a été le rôle de l'OTAN
dans les conflits en Libye, la Syrie et le «printemps arabe»?
- Joan E. Garcés : On connait
aujourd'hui la Synthèse que fit en 1949 Lord Ismay, Secrétaire général de
l'OTAN, des objectifs de : "to keep the Russians out, the Americans in,
and the Germans down"
«garder les Russes, les Américains, et les Allemands". La réunification de
l'Allemagne en 1989, la dissolution de l'URSS en 1991 et l'organisation
militaire du '"Pacte de Varsovie", ont mis l'OTAN en contradiction
avec sa raison d'être.
Les interventions néo-coloniales à l'extérieur des frontières de ses Etats membres, comme en
Libye, a produit une telle alarme en Asie que le Conseil de sécurité de l'ONU
n'a pas autorisé leur répétition en Syrie. Depuis 2004, les reculs stratégiques
américaines et britanniques en Irak et de l'OTAN en Afghanistan marquent une
étape. Ces "déstabilisations" servent d'avantage à l'assujettissement
des Etats "aidés" et au pillage des matières premières qu'a la
soi-disant sécurité apportée.
- Enric LLopis : Comment évaluez-vous la notion
de «terrorisme international» dans ces conflits et au Mali ?
- Joan E. Garcés : L'attaque sur New York en 2001 devrait être conceptualisée comme ce qu'elle
était : le résultat de la conspiration d'une association terroriste, concernant la compétence de la police
judiciaire des pays concernés.
A contrario, elle a été
utilisée comme un prétexte pour des «interventions préventives» ou d'invasions
de pays et le renversement de gouvernements que n'aimait pas le président des
États-Unis, qui s'est autoproclamé policier, juge et bourreau de massacres,
meurtres collectifs ou individuels, pour légitimer la torture et centres de
détention clandestins, sans distinction de nationalité ou de frontières.
Le cas du Mali est
un peu différent dans la mesure où l'argument sécuritaire a été le
"sésame" pour le néocolonialisme, sous prétexte de "mater"
une révolution, financée et armé par le "camp" qui y apportait la
soi-disant sécurité. Deux objectif sont
poursuivis au Mali, exploiter les matières premières avec un maximum de
rentabilité, repousser les révoltés ver le Nord, vers l'Algérie...
Les conséquences
prévisibles néfastes pour la paix et la primauté du droit international
émergent de partout.
- Enric LLopis : Vous affirmez dans l'épilogue de
votre livre que la désintégration de l'Union soviétique et la réunification
allemande, depuis 1989, ont dépassé les structures qui, à partir de 1945, ont
incité les États-Unis pour contenir l'URSS (et partis ouvriers en Europe
occidentale) et d'éviter une autre tentative de germanisation Europe.
- Joan E. Garcés : Le moteur de
l'unité de l'Europe capitaliste entre 1947 et 1990 ont été les États-Unis, dès
l'origine et à cette fin. Depuis 1990, ce moteur est de moins en moins présent,
son remplacement a relancé les relations allemandes centre-périphérie, de
domination et de subordination, avec des racines du XIXe siècle qui étaient
restés latentes sous l'hégémonie des États-Unis.
- Enric LLopis : Vivons-nous actuellement sous
le IV Reich ?
- Joan E. Garcés : L'eau ne passe pas deux fois sous le même pont. Les garnisons US sont
toujours stationnées en Allemagne (et d'autres pays). Le fondateur de la
dynastie financière Rothschild constatait en 1790 : "Laissez-moi les pièces et le contrôle de la monnaie d'une nation et je ne
me soucierais pas de savoir qui écrit les lois." Et si l'occident, les
USA déstabilisent tous ceux qui lui déplaisent, la finance mondialisée
fragilise ceux qui s'opposent à sa politique financière ou/et idéologique.
- Enric LLopis : Y a-t-il des mécanismes
d'intervention nouveaux qui limitent ou suppriment la souveraineté des pays,
par exemple dans l'Union européenne ? Quels sont-ils ?
- Joan E. Garcés : Le contrôle de l'Euro
par les institutions qui servent les intérêts d'un autre pays, subit une sorte
de «protectorat», sans l'envahir.
- Enric LLopis : Aussi vous vous référez aux emprunts
et à la dette dans l'économie mondiale, agissant comme des éléments
d'intervention et de domination. Y a-t-il des exemples historiques de refus de
payer la dette et qu'aujourd'hui pourraient être suivis ?
- Joan E. Garcés : Ils y en a, ils
doivent être étudiés et connaitre leur utilité dans des circonstances
particulières de temps et d'espace. Et innover, sans aller plus loin de ce qu'a
fait l'Islande, après avoir été frappé par la crise financière initiée en 2007
aux États-Unis, avec la Banque Goldmann-Sachs et la escroquerie des supprimes.
- Enric LLopis : La démocratie est kidnappé par le secteur bancaire
et le capital financier, que les partis politiques ne sont pas autonomes. Si c'est
ainsi, quels sont les mécanismes ? Comment se concrétise cette subordination ?
- Joan E. Garcés : L'endettement des
Etats, la cooptation et contrôle des individus dans un système électoral de
listes bloqués et fermées dans des circonscriptions provinciales, depuis 1977 ont
été conçu comme un moyen de perpétuer les structures et intérêts engendrés pendant
une longue période antirépublicaine.
- Enric LLopis : Enfin, vous soulignez que «le présent
n'est pas prisonnier, ni ignorant de l'histoire." Quelles sont d'après
vous les possibilités de fissure, dans l'hégémonie du capital financier dans la
périphérie européenne, par exemple ?
- Joan E. Garcés : Les fissures sont visibles, les alternatives le sont moins. Les
construire requiert persévérance dans la volonté, l'organisation, coordinations
internes et internationales.