vendredi 21 janvier 2011

Développer une attitude enthousiaste.


La dernière étape de la libération de la Palestine et du reste de l'humanité : développer une attitude enthousiaste.

[ 18/01/2011 - 18:52 ]
Mazin Qumsiyeh


Après avoir terminé mon dernier livre sur la résistance populaire en Palestine au cours des 130 dernières années, j'ai la certitude absolue que le sionisme politique échouera et que les réfugiés palestiniens reviendront dans leurs maisons et sur leurs terres. Ma conviction est fondée sur les leçons de l'histoire en Palestine, et celles des luttes similaires en Afrique du Sud, Vietnam et Algérie. Certaines des particularités qui seront capitales pour notre succès sont :

- L'histoire incroyable et enthousiasmante de la résistance populaire locale : le sous-titre de mon livre, "Une histoire d'espoir et de prise de pouvoir". Les Palestiniens ont recours à plus de 200 formes de résistance populaire, donc un large spectre de ce que nous appelons en Arabe "Sumud" (fermeté, résolution, persévérance). La résistance est le premier élément qui barrera la route au projet sioniste. Cinq millions et demi de Palestiniens vivent toujours dans le rêve israélien du "Grand Israël".
- La croissance exponentielle du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions. En seulement 5 ans (2005-2010), nous avons engrangé plus de victoires que les mouvements de boycott en Afrique du Sud, des années 1950 aux années 1980.

- les manifestations en Algérie et en Tunisie nous disent que l'ère des dirigeants arabes conservateurs, égoïstes et antidémocratiques est (et doit être) terminée. Les formidables ressources intellectuelles du monde arabe pourront enfin s'exprimer pour construire une société dynamique (dans les domaines culturel, économique, scientifique, etc.).

- Malgré la censure/le contrôle des grands médias, les gens de conscience ont fait émerger la vérité et nombre de mythes sionistes ont été démolis. L'internet n'a fait qu'accélérer le mouvement.

- La publication de l'appel à action de la société civile en 2005 et le document Kairos/Palestine en 2009 ont donné un énorme élan à l'activisme dans le monde entier, y compris dans les principales églises.

- La croissance de la solidarité internationale n'a pas de parallèle dans l'histoire. En dépit des tentatives des autorités israéliennes de stopper ce soutien international par tous les moyens (y compris en refusant l'entrée de nombreux activistes), le mouvement ne fait que se renforcer. Nous sommes passés de quelques centaines de militants à des dizaines de milliers, et d'un bateau à sept. Et jusqu'à 60 navires se préparent à briser le siège de Gaza plus tard dans l'année.

- Nous sommes un peuple très fier et tenace. La scène artistique et culturelle florissante en Palestine et dans la communauté palestinienne en exil est la preuve de l'esprit d'un peuple tourné vers la vie et qui refuse de se laisser déshumaniser. Nous ne recourrons pas aux tactiques de ceux qui ont choisi d'être nos ennemis. De la Dabka à la délicieuse nourriture et aux autres traditions culturelles, la Palestine est restée non seulement dans notre environnement physique, mais profondément dans nos cœurs. Nous sommes la population la plus instruite de la région.

En Palestine, ces raisons, et beaucoup d'autres, renforcent notre certitude qu'inévitablement, nous réussirons à mettre fin à des décennies de répression, de colonisation et d'occupation. Nous avons été confrontés, presque seuls, à l'entreprise coloniale la mieux organisée, la mieux financée et la plus soutenue par l'Occident de l'histoire.

Les gens de bon sens comprennent que ce qui nourrit la propagation des fondamentalismes, c'est le traitement d'exception dont bénéficie Israël, qu'il est financé et protégé alors qu'il bafoue les droits humains et le droit international. Les sionistes s'acharnent à contrôler et à manipuler, et nous devons continuer à résister calmement et à refuser d'être asservis. Nous racontons nos histoires avec dignité et nous expliquons pourquoi ce système raciste/tribal porte tort à toute l'humanité. Nous le faisons sans haine envers des individus, mais avec colère et haine pour les actions inhumaines de quelques floués qui pensent qu'ils peuvent s'en tirer éternellement avec leurs crimes de guerre et leurs crimes contre l'humanité. De plus en plus de gens dans le monde voient la réalité et se joignent à notre combat. Je parle et je montre la réalité de la région de Bethléem à des groupes de visiteurs presque chaque jour. Je reçois fréquemment des invitations pour des conférences à l'étranger, mais j'ai choisi de limiter ces voyages parce qu'il y a tant de choses à faire ici.

Nous parlons à des groupes divers, quelquefois à la consternation des puritains de tous bords. J'ai parlé par exemple dans des facultés ou des écoles aux Etats-Unis, où la majorité des étudiants et des professeurs sont juifs (par exemple Brandeis, Manhattenville), j'ai parlé à la faculté de défense de l'OTAN, dans des églises conservatrices, dans des synagogues et des centres communautaires juifs, dans les réunions éditoriales de journaux d'influence appartenant à des sionistes, et nous avons même fait une conférence à l'Académie navale des Etats-Unis.

En Cisjordanie, j'ai discuté avec des visiteurs allant de dirigeants ecclésiastiques à des membres du Congrès des Etats-Unis, des parlementaires britanniques, du personnel consulaire des Etats-Unis, et même à des universitaires israéliens. Certains, en particulier à gauche, refusent ces rencontres et quelques-uns nous critiquent ouvertement pour ces initiatives. Mais si nous voulons parler aux soldats israéliens pour leur dire qu'ils commettent des crimes de guerre en obéissant aux ordres et si nous arrivons quelquefois (bien que rarement) à toucher le cœur de nos oppresseurs directs, pourquoi ne pourrions-nous pas parler aux autres êtres humains, quelque soit leur contexte ? Il est contre-productif d'imaginer le pire dans les êtres humains, de méjuger l'évolution de l'histoire et de ne vouloir parler qu'à ceux avec qui nous sommes d'accord. C'est une attitude d'échec qui relègue beaucoup des militants de gauche à brandir des pancartes aux coins des rues, sans penser de façon créative à la manière de prendre le pouvoir. Elle relègue aussi ceux qui sont au pouvoir à la complaisance, à la corruption et à la méfiance envers les gens. Beaucoup parmi eux développent un langage définitif (les médias sont contrôlés, le lobby sioniste est trop puissant, on ne peut pas changer la politique, les structures de pouvoir sont ce qu'elles sont, etc.) mais ils ne sont pas prêts à agir sérieusement pour faire de ce monde un monde meilleur.

Cette année, nous serons sept milliards d'êtres humains sur terre. Dans beaucoup de pays (y compris en Italie et en Israël/Palestine), les disparités entre les riches qui deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres ne peuvent pas et ne pourront pas continuer. Beaucoup sont paralysés par la peur du changement. Comme d'autres l'ont souligné, notre plus grande crainte n'est pas d'échouer, mais pour beaucoup d'êtres humains, la plus grande peur est de réussir au-delà de leurs rêves les plus fous. Je crois en effet que c'est la peur du succès qui fait que les gens s'accommodent de leur sort. Après tout, pour beaucoup, s'ils poursuivaient sérieusement leurs rêves (personnels ou collectifs) et les réalisaient, cela leur montrerait qu'ils ont passé des années de leurs vies dans l'inquiétude et la peur seulement parce qu'ils n'ont pas eu le courage de se changer eux-mêmes.

D'après les neurobiologistes, nous, humains, n'utilisons qu'une minuscule fraction de notre cerveau (on dit que les génies en utilisent 1 à 2%). Pendant le mouvement pour les droits civiques des années 1950 aux Etats-Unis, on avait l'habitude de dire, "Libérez votre esprit et votre cul suivra." Je pense qu'un changement positif arrive toujours après que les gens aient dirigé leur manière de vivre dans une direction positive. Ce n'est pas seulement possible, c'est impératif et inévitable. Plus de gens en seront convaincus, plus vite nous y arriverons. Et nous devons tous travailler sur la nature de la société pour parvenir à notre inévitable victoire : celle qui sera basée sur les droits de l'homme et la primauté du droit, et non sur la puissance militaire et la répression.

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