Sur une
population largement sans défense
On mesure la confiance qu’avait le Haut
Commandement, au début avril, dans sa capacité non seulement à conquérir mais
aussi à nettoyer les zones que les Nations unies avaient accordées à l’Etat
juif, quand on le voit, immédiatement après l’opération Nahshon, tourner son
attention vers les grands centres urbains de Palestine, sous les regards
indifférents des agents de l’ONU et des responsables britanniques.
Les opérations à Haïfa, la première vague de
terreur contre la population de la ville, en décembre 1947, avait incité de
nombreux membres de l’élite palestinienne à gagner leurs résidences secondaires
au Liban ou en Egypte en attendant le retour au calme, le depart des riches
laissait sans chef les 60 000 Palestiniens d’Haïfa, qui, le nombre de
volontaires arabes armes dans la ville était relativement faible, étaient en
avril 1948 à la merci des forces juives – malgré la présence des soldats britanniques,
théoriquement responsables de la sécurité et du bien-être des habitants de la
ville. Tout comme à Tibériade où les britanniques ont aussi joué un rôle
douteux mais surtout négatif collaborant avec la Haganah. –l’obstruction
britannique l’ALA ne réussit à envoyer qu’une trentaine de volontaires- Tibériade où 6 000 juifs et 5 000
arabes coexistaient paisiblement, comme le faisaient leurs ancêtres depuis des
siècles.
Haïfa, comme Tibériade, avait été allouée par
l’ONU à l’Etat juif : le passage sous contrôle juif du seul grand port du
pays était une preuve de plus de l’injustice manifeste du plan de paix des
Nations unies à l’égard des Palestiniens. Les sionistes voulaient le port, mais
sans les 75 000 Palestiniens qui l’habitaient, et, en avril 1948, ils ont
atteint leur objectif. Le comportement des soldats britanniques, comme devaient
l’admettre plus tard beaucoup d’homme d’Etat britanniques, constitue l’un des
chapitres les plus honteux de l’histoire de l’Empire britannique au
Moyen-Orient.
La campagne juive pour terroriser la population – pilonnages massifs, tirs de snipers, rivières d’huile et de fioul
enflammés dévalant les pentes, barils d’explosifs avec détonateurs – avait
commencée en décembre et s’était poursuivie au cours des premiers mois de 1948.
le commandant britannique du secteur Nord, dont le QG était a Haïfa, le général
de brigade Hugh Stockwell, convoqua les autorités juives de la ville et les informa que, dans les eux
jours, les soldats britanniques seraient retirés des postes où ils
s’interposaient entre les deux communautés.
Peu à peu les Palestiniens perdirent confiance en
Stochwell, comprenant qu’ils ne parviendraient pas à sauver leur communauté et
se préparant au pire, demandèrent à Stockwell : qu’ils voulaient partir en
bon ordre. La brigade Carmeli fit en sorte que cela se fasse dans le carnage et
le chaos.
Quand Golda Meir, vint à Haïfa, elle eut d’abord
du mal à réprimer un sentiment d’horreur en pénétrant dans les maisons où la
vie semblait figée en un instant. Golda Meir qui venait des Etats-Unis, où sa
famille s’était réfugiée après les pogroms en Russie, et ce qu’elle a vu ce
jour-là lui a rappelé les pires récits
que lui avaient fait ses parents des violences des Russes contre les
juifs.
La population d’Haïfa prête a fuir attendait au
marché qui se trouvait à moins de 100
mètres de qui était alors l’entre principale du port. Quand le pilonnage
commença, les Palestiniens pris de panique coururent naturellement vers ce
portail. Des dizaines de personnes se précipitèrent dans les bateaux et
commencèrent à fuir la ville. Les souvenirs horribles de certains survivants,
publiés récemment, nous apprennent ce qui s’est passé ensuite. En voici un
aperçu :
Les
hommes marchaient sur leurs amis, les femmes sur leurs propres enfants, les
bateaux dans le port furent vite remplis d’une cargaison vivante. La surcharge
était horrible. Beaucoup ont chaviré et coulé avec leurs passagers.
C es scènes ont été si effroyables que, lorsque
les rapports sont parvenus à Londres, ils ont poussé le gouvernement
britannique à agir : certains responsables, probablement pour la première
fois, commençaient à mesurer l’énormité du désastre que leur inaction créait en
Palestine. Le secrétaire au Foreign Office britannique, Ernest Bevin, était furieux
du comportement de Stockwell, mais le maréchal Montgomery, chef d’état-major
impérial, donc supérieur du général, a pris sa défense. […]
Le nouveau commandant de l’ALA en Galilée, Adib
Chichakli remplaça Ulmaz, officier charismatique syrien, par l’un des officiers
les plus ineptes de cette armée. On peut douter, néanmoins, qu’Ulmaz aurait
fait beaucoup mieux au vu du déséquilibre des forces : 1 000 soldats
du Palmah bien entraînés face à 400 volontaires arabes mal armées (un fusil
pour deux) – l’un des nombreux cas de déséquilibre locaux qui montrent
l’inconsistance du mythe du David juif affrontant le Goliath arabe en 1948.
Les soldats du Palmah expulsèrent la plupart des
habitants, n’autorisant à rester qu’une centaine de personnes âgées – Ben Gourion demanda le 5 juin : de les
expulser vers le Liban.
ILAN PAPPE Historien
Israélien
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