vendredi 23 février 2018

La détention préventive...

La détention préventive ou «l'état de sécurité» en tant que modèle 

Cet article d'importance capitale permet, a ceux qui hésitaient, d'ouvrir leurs écoutilles et élargit notre vision. En un mot: Il nous rend plus intelligentsEt met en évidence les accointances de l'Europe avec des idéologies politiques et économiques qui n'augurent rien de bon. 
La démocratie telle que nous l'avons connue et imaginée, c'est fini. Nous devons accepter le fait que les intérêts des puissants de ce monde, comme le dit Jean Siegler (rapporteur pour l'ONU) dans son livre: "Les nouveaux Maîtres du Monde" sont incompatibles avec ceux les populations mondiales. Et si pensons vivre en démocratie, son nom réel est: Démocratie Cynique.

22-02-2018


"Il est surprenant de voir l'impudeur avec laquelle l'Etat joue ses cartes. Non seulement la judiciarisassions de la politique est un scandale. La violation par l'Audiencia et la Cour suprême des aspects fondamentaux de la procédure et de la (ré) interprétation du Code pénal est un signal d'alarme pour tout démocrate. Comme nous l'avons déjà noté, le problème a surmonté, et largement, le débat sur le droit à l'autodétermination. Aujourd'hui, nous avons un débat sur la primauté du droit et sur l'exercice des droits fondamentaux tels que la manifestation et l'expression. De l'état social, démocratique et légal, nous passons à un Etat de Sécurité qui modifie ce que nous avons cru inamovible dans les libertés et les droits. Malheureusement, ce n'est pas seulement une prévision pour l'Espagne. Le monde libéral-démocratique transite aujourd'hui globalement vers un scénario rien de positif. C'est pourquoi votre solidarité est plus précieuse pour moi".

Le pronostic qui avec ces mots nous transmettrait dans une récente lettre au chef de l'ANC, Jordi Sánchez, qui depuis Madrid a envoyé une carte postale de solidarité à son lieu de résidence forcée, la prison de Soto Real, est un malheur très précis. De même, il a exprimé dans un article récent, Jordi Cuixart, président Omnium Culturel et aussi à Soto Real, quand on lui demande: "Dans l'Europe du XXI siècle, les idées d'une minorité ou de la dissidence politique peuvent être emprisonnés? " Il nous a également remerciés pour la solidarité qu'il a trouvé à Madrid le 17 septembre et nous a rappelé son message: "Ne nous laissez pas seuls. Nous avons besoin de vous et notre lutte est votre lutte ".

En effet, ce qui est en jeu aujourd'hui en ce qui concerne la criminalisation du mouvement de désobéissance civile non-violente qui s'est développé en Catalogne depuis cette première consultation à Arenys de Munt le 13 septembre 2009 ne tourne pas uniquement autour de la légitimité ou pas d'un référendum sur l'indépendance, mais affecte directement l'avenir de nos libertés et droits. La complicité des élites européennes avec la monarchie espagnole, comme avec Erdogan pour fermer la porte à ceux qui fuient les guerres dont ils sont coresponsables, confirme largement que l'Union européenne est entrée dans un processus de la dès-démocratisation accélérée depuis longtemps, au moins depuis le tournant "austèritaire" (austérité imposé)  "ordolibéral" (libéralisme ordonné) dont on se souvient aujourd'hui du dixième anniversaire.

Cependant, certaines réactions à cette sombre perspective commencent à se faire entendre. Dans notre cas, face à la spirale du silence imposée par presque tous les grands médias espagnols au nom de la défense fondamentaliste de l'unité de l'Espagne, sont déjà significatives les voix de l'extérieur de la Catalogne et provenant de différentes organisations de défense des droits de l'homme dénonçant le recours brutal au droit pénal de l'ennemi, à caractère préventif.

Dans cette course à la vidange de l'Etat de droit, remplit les caractéristiques du recours aux catégories de rébellion et sédition et permettrait aux leaders socialistes et indépendantistes catalans de les appliquer. 

Les accusations qui,  ont été aussi dénoncées par une longue liste d'experts pénalistes et d'Amnesty International, n'ont aucun fondement juridique devant des personnes qui agissaient simplement en tant que représentants de certaines organisations et d'un gouvernement qui, avec plus de deux millions de personnes, pratiquaient la désobéissance civile non violente pour exercer leur droit de vote le 1er octobre dernier. 

Une convocation qui, à moins d'opter pour la reddition inconditionnelle, paraissait comme la seule alternative possible, une fois constaté l'impossibilité d'un accord avec l'État espagnol pour organiser un référendum avec toutes les garanties par une interprétation ouverte de la Constitution actuelle.
Comme si cela ne suffisait pas, les derniers autographes du juge Llarena ont ratifié le nouveau saut en avant de la Cour Suprême dans la criminalisation de l'indépendantisme comme tel, réaffirmant par la détention préventive fondée sur le simple soupçon de  réitération criminelle.
Il est clair, en cas de doutes, que ce régime n'est pas disposé de permettre que les partisans pro-indépendantistes, même dans l'hypothèse d'une majorité sociale et électorale, de réaliser leur projets. 

Y a-t-il un doute, sur le fait, que les Jordi Junqueras et Forn sont des prisonniers politiques?

Certaines forces politiques et sociales se qualifiant de gauche maintiennent que l'application de l'article 155 et la belligérance du pouvoir judiciaire dans le cas catalan sont une exception nécessaire à «la non responsabilité des indépendantistes» et que la «démocratie» espagnole continue de jouir d'une bonne santé. 
Cet aveuglement nous rappelle la vieille culture des démocrates cyniques qui fut installé dans l'histoire mythique de la Transition. 
Maintenant, en outre, avec des effets tragiques non seulement pour la question catalane, mais parce que cela les amène (socialistes) à se rapprocher du gouvernement d'un parti corrompu que les raisons de proscrire ne manquent pas, comme l'ont fait valoir les experts constitutionnalistes. Prétendent également ignorer que la tendance criminalisante du gouvernement et du pouvoir judiciaire s'est étendue à d'autres collectifs sociaux et au libre exercice d'autres droits, parmi lesquels la liberté d'expression depuis l'entrée en vigueur de la soi-disant Ley Mordaza et avec l'aide de d'un Code Pénal des plus sévères en Europe, avec des doubles standards, des catégories de "haine" ou de "blasphème" et stimulant le populisme punitif ad-vitam-aeternam. Mais c'est qu'en plus oublient que l'interventionnisme économique de Montoro et la menace du 155 sont déjà la norme d'un état d'exception financière et d'une recentralisation en marche qui n'affecte pas seulement la Catalogne.

Donc il ne faut pas s'y tromper. Si en Europe, ainsi diagnostiqué par Etienne Balibar, la gouvernance néolibérale et xénophobe conduit à une décomposition de la citoyenneté et de l'exclusion sociale, politique et culturelle de millions de personnes, dans notre cas ce processus est renforcé par un régime monarchique qui depuis ses propres origines a renoncé à asseoir les bases d'une démocratie libérée de l'héritage franquiste et respectueuse de la réalité plurinationale qui se manifeste de plus en plus au sein de cet Etat.

Il ne sera pas facile de forcer un changement de cap contre cette dérive oligarchique et autoritaire, mais il ne le sera non plus pour ce régime de compter avec le consentement de la majorité sociale face à un avenir d'inégalités croissantes et restrictions des libertés et des droits. Par conséquent, en ces temps d'interrègne mondial et de monstrueux qui ne cessent surgir depuis le haut, il est bon de se rappeler d'Herbert Marcuse dans ce cinquantième anniversaire de l'événement mondial 68 quand dans son document intitulé Tolérance répressive  écrivait il y a quelques années qu'il-y-a  un "droit naturel" de résistance pour les minorités opprimées et subjuguées d'employer des moyens extralégaux s'il a été prouvé que les légaux sont inadéquats".


Etienne Balibar: Eole Normale Supérieure, Agrégée de philosophie.
Herbert Marcuse: Philosophe, Sociologue, américain d'origine allemande, membre de l'école de Francfort.
Jaime Pastor, rédacteur de vent du sud et membre de Madrileñ@s pour le droit de décider


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